Dans les rues de ma ville, il y a une cabane aux sortilèges. Elle s'appelle "Canal BD". Située au 103, bd Jean-Jaurès, dans le triangle d'or de Boulogne (près du Rancho, pour Dominique), elle doit affronter l'ogre FNAC mais résiste à l'envahisseur. Cette caverne est dans une galerie marchande, sans lumière du soleil. Ses habitants sont trois jeunots aux âges indéterminés, aux cheveux châtains (une jeune fille et deux garçons) et au teint de premier de classe (vert). Si vous aimez la bd, ce royaume est pour vous. Les tauliers connaissent ABSOLUMENT TOUT ce qui se produit, ont une culture encyclopédique du sujet et une façon de le transmettre à la fois polie et enthousiaste. Le palais du 9e art.
C'est là, et uniquement là que je déniche des trésors
cette image est le fourre-tout qui git au pied de mon lit (côté Ingalls, c'est bcp plus net).
Je suis une enfant d'Hergé, de Goscinny et du journal Spirou. En vacances, on m'appelait "cheveux". Je passais mes journées assise en tailleur à dévorer les albums reliés de Spirou, le dos voûté sur les ouvrages. Si Hergé reste pour moi le meilleur dessinateur européen, Franquin fut aussi une idole. Je collectionne les bd, les bd pour enfants. Celles pour adultes me gênent, la bd est mon refuge d'innocence et de cruauté larvée.http://valeriepineau-valencienne.typepad.fr/mon_weblog/2010/01/ch%C3%A8res-bd-de-mon-enfance.html
Il y a quelque temps, j'entrai chez Canal BD et j'ai demandé s'il existait des rééditions des aventures de la souris Sybilline. Gamine, j'aimais le graphisme et l'intrigue de cette série.
- Ah, Macherot..., répondit, rêveur, le marchand de merveilles. Il vient de mourir, nous attendons tous l'intégrale de son œuvre. Vous connaissez sa vie? Un cas... Un dessinateur complètement sous-estimé...
Je parlerai du "cas Macherot" une autre fois. Car à défaut de Sybilline, le marchand de merveilles m'a refourgué l'intégrale des Gil Jourdan, de Maurice Tillieux.
Les intégrales (Peyo, Franquin, Will) qui ressortent sont fantastiques, car les préfaces sont très bien archivées et donnent des pistes pour reconstituer l'âge d'or de la bd franco-belge.
Ou comment, à la fin des années 50-début 60, les dessinateurs travaillaient dans de grands ateliers (celui d'Hergé, de Peyo, de Morris par ex) où ils étaient payés à coup de noyaux de clafoutis pour colorier les cases des séries célèbres, rongeant leur frein en attendant leur heure.
Ces préfaces (tb écrites par José-Louis Bocquet pour Tillieux) nous font découvrir l'extraordinaire patte de ces artistes. Tillieux pouvait faire aussi bien du Dubout, du Hergé que du Franquin.
Son personnage de Gil Jourdan est daté, mais il y a une veine audiaresque, un ton Simenon; une façon de dessiner comme si l'auteur avait passé sa vie au cinéma (cadrage, décors, action) qui force le respect.
J'ai rencontré un jour un dessinateur de l'ombre de l'écurie Uderzo : cet homme croquait Obélix mieux que le maître. J'aurais voulu qu'il réalise la couverture de Chronos Blues, mais cela n'a pas pu se faire, les acheteurs préféraient une photo. Je garde précieusement dans mon disque dur le dessin qu'il m'avait proposé, et, pour tous les Franquin, les Schuiten, les Gotlib et les autres, combien d'anonymes ont créé de merveilleuses pépites qui n'ont jamais vu le jour...
Baisers d'une pine'up qui reste une gosse sidérée par le talent visuel de certains.
A l'arrière des dauphines on devine des monarques et leurs figurines