La cinquantaine approche à grands pas. Dois-je la redouter ? Je ne sais pas. J’ai l’impression que oui. Alors que j’imaginais, crédule, un âge de paix, autour de moi jaillissent les questionnements lancinants. Amies comme amis me parlent de leurs angoisses, de leur bilan, de leurs échecs, de leurs terreurs même, parfois. Les discussions s’éternisent sur l’enfance plus ou moins heureuse et sur la peur d’une possible maladie, d’une santé qui va fatalement flageoler, alors on commence à prendre soin de soi, parfois timidement, parfois avec une intensité de quasi martyr. Moi qui aime tant la légèreté, tout me ramène à la gravité. L’amie qui rêve de l’amour en naviguant sur les sites de rencontres me parle violence, déprime, tyrannie de l’apparence, obsession du corps sain. Le cœur, pour d’autres, pèse un poids de plomb. Il y a aussi ceux qui sombrent. Ce n’est pas possible, j’ai du vieillir trop vite ou rater un coche. Mais non, j’appartiens aussi à cette génération. A celle qui a porté ses enfants vers l’âge adulte, et qui va devoir porter à présent ses vieux parents. A celle qui regimbe à cette idée de toujours, toujours porter et qui veut du répit, une parenthèse d’adolescence, un zeste d’égoïsme, un droit à l’irresponsabilité. Et qui échoue à la gaieté. J’arrive comme un chien dans un jeu de quilles ; victime d’un strike, de l’anéantissement total d’une vie délicieuse, je me sens paradoxalement mieux armée que beaucoup. Mais ça ne sert à rien d’être armée si tout le monde ne l’est pas. Je ne sais pas. J’ai souvent été perçue comme « poignante ». Comme « battante », aussi. J’ai sans doute tout fait pour mériter le deuxième qualificatif. Déposer les armes ? D’une certaine façon, oui. Car c’est déposer les armes que dire : « J’ai besoin d’amitié, de tendresse, j’ai besoin de sensibilité, d’affection ». Et d’humour, aussi. Et d’horribles bons mots. J’irai chercher tout ça. Patiemment. Inlassablement. J’aime trop la famille des sensibles pour pouvoir m’en passer. Alors j’entrerai, comme les autres, dans l’âge des élancements.
En attendant je vais déjeuner avec un vieil ami qui ne fut pas toujours un ami. C’est le moment de l'harmonie. Ce sera le moment de la drôlerie. De la légèreté ? Oui !