Mai-juin, moment préféré de l’année. J’aurais bien supprimé janvier du calendrier pour y doubler juin. Il y aura dans ce mois une date douloureuse, mais douleur n’est pas chagrin. Il faudra m’attaquer à lui donner une forme, et cette forme s’appelle RANGER LE BUREAU ET CESSER DE TRAVAILLER SUR LA TABLE DE LA SALLE A MANGER. Pour un peu je ferais comme Gaston Lagaffe : vider les papiers/photos/conneries qui s’amoncellent en insatiable pyramide en foutant tout dans une caisse, chantonnant pour me donner du cœur à l’ouvrage. Avant il faut trier. Trier n’est pas mon fort. Je m’attendris et garde, ou jette à l’excès. Ah, l’intense satisfaction à la vue du vide sur la table… Et son diabolique corollaire : mettre distraitement à la poubelle la carte vitale qui trainait sous des enveloppes à peine décachetées.
Je fuis la nostalgie, mais aime le souvenir. Ce n’est pas tout à fait la même chose : il y a le rappel de gaietés anciennes qui provoquent de nouvelles gaietés. Qu’en faire ? Eh bien ma fille, tu vas t’y mettre toi aussi et bazarder un tas de trucs. Avec la saine cruauté des vivants. Cette cruauté se voit à l’œuvre dans les vide-greniers : je reviens juste d’une de ces grands-messes qui pullulent à l’arrivée des beaux jours dans « Le Grand Paris ». A peine le soleil se pointe que les banlieusards retroussent leurs manches pour organiser le joyeux autodafé des placards ; c’est l’occasion de contempler des monceaux de fringues pour enfants, des containers de jouets tous plus criards les uns que les autres, des épaves de bibliothèque verte qui débordent de cartons douteux, des chaussures fatiguées – nids à mycoses pour acheteurs indulgents - et, parfois, de très intéressants souvenirs pour qui sait trouver un épi de blé dans l’amoncellement de merde.
Les vides-greniers sont au moins aussi instructifs qu’un pèlerinage IKEA : on y contemple un nombre hallucinant de scènes de ménages. Ce qui ne cesse de me surprendre, mais je me fais une idée encore un peu floue des trois-quarts des êtres humains qui avancent deux par deux. Finalement, la majorité des gens – ce n’est pas du tout un jugement, c’est un constat - roule très bien sans s’apprécier outre mesure.
La seule chose qui m’énerve : quand un malotru en patinette me roule sur les pieds. Si on doit éradiquer la clope des lieux publics, éradiquons aussi ces engins de malheur.
Oscillant entre la collection des chopes de bière-objets-industriels-rebattus-Rocky VIIII-étagère-bancale-souvenirs-de-Dieppe-confitures-faites-avec-amour, la narine se met à palpiter. Tiens… c’est quoi cette assiette ? J’imagine le kleine cadeau d’une jeune fille allemande au pair à sa famille clodoaldienne. Elle doit s’appeler Gudrun, être un chouia enfantine… Et voilà, à peine rentrée dans sa forêt noire que la famille de sans cœur vend son petit trésor.
Ne t’inquiètes pas, Gudrun, l’assiette est à présent dans une bonne maison.
Bordel !!! ENCORE un objet en plus à l’heure où je fantasme sur l’épure japonaise ! Pas grave : amis d’Emaus venez, j’ai mes propres cadeaux à vendre donner.
On trouve parfois des pépites. Comme ce sont les bouquins qui m'intéressent, j'ai trouvé un coutumier de Paris paru en 1670 vendu 20F, la bible sur la guerre de 1870 vendu 50F les cinq volumes, un bouquin avec de grandes photos de l'Allemagne d'avant guerre, d'avant les bombardements et des ravages du conflit, d'un temps ou Breslau ne s'appelait pas Wroclaw et Königsberg Kaliningrad, acheté 5F, parce qu'il était en allemand, et de plus imprimé en gothique. Mais je n'ai plus le temps d'y aller.
Rédigé par : Le Nain | 19 mai 2014 à 10:52