La cinquantaine approche à grands pas. Dois-je la redouter ? Je ne sais pas. J’ai l’impression que oui. Alors que j’imaginais, crédule, un âge de paix, autour de moi jaillissent les questionnements lancinants. Amies comme amis me parlent de leurs angoisses, de leur bilan, de leurs échecs, de leurs terreurs même, parfois. Les discussions s’éternisent sur l’enfance plus ou moins heureuse et sur la peur d’une possible maladie, d’une santé qui va fatalement flageoler, alors on commence à prendre soin de soi, parfois timidement, parfois avec une intensité de quasi martyr. Moi qui aime tant la légèreté, tout me ramène à la gravité. L’amie qui rêve de l’amour en naviguant sur les sites de rencontres me parle violence, déprime, tyrannie de l’apparence, obsession du corps sain. Le cœur, pour d’autres, pèse un poids de plomb. Il y a aussi ceux qui sombrent. Ce n’est pas possible, j’ai du vieillir trop vite ou rater un coche. Mais non, j’appartiens aussi à cette génération. A celle qui a porté ses enfants vers l’âge adulte, et qui va devoir porter à présent ses vieux parents. A celle qui regimbe à cette idée de toujours, toujours porter et qui veut du répit, une parenthèse d’adolescence, un zeste d’égoïsme, un droit à l’irresponsabilité. Et qui échoue à la gaieté. J’arrive comme un chien dans un jeu de quilles ; victime d’un strike, de l’anéantissement total d’une vie délicieuse, je me sens paradoxalement mieux armée que beaucoup. Mais ça ne sert à rien d’être armée si tout le monde ne l’est pas. Je ne sais pas. J’ai souvent été perçue comme « poignante ». Comme « battante », aussi. J’ai sans doute tout fait pour mériter le deuxième qualificatif. Déposer les armes ? D’une certaine façon, oui. Car c’est déposer les armes que dire : « J’ai besoin d’amitié, de tendresse, j’ai besoin de sensibilité, d’affection ». Et d’humour, aussi. Et d’horribles bons mots. J’irai chercher tout ça. Patiemment. Inlassablement. J’aime trop la famille des sensibles pour pouvoir m’en passer. Alors j’entrerai, comme les autres, dans l’âge des élancements.
En attendant je vais déjeuner avec un vieil ami qui ne fut pas toujours un ami. C’est le moment de l'harmonie. Ce sera le moment de la drôlerie. De la légèreté ? Oui !
Et moi qui angoisse pour mes 40 ans l'an prochain...mais je n'ai pas le droit. Je regarde autour de moi et là ... je prend les choses comme elles viennent. On verra demain !
Rédigé par : Linda.S | 11 juillet 2014 à 14:32
Ne t'inquiètes pas trop pour ma capacité de Carpe Diem. En fait, j'ai peut-être écrit tout ça parce que je redoutais que le déj à venir ne fut pas léger. Et j'avais raison : il ne le fut pas. Il ne faut pas trop farfouiller dans le passé, j'ai éprouvé cette tentation, à présent je sais qu'elle est toxique.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 11 juillet 2014 à 17:34
Chaque âge de la vie est le bel âge !
Rédigé par : André Joucla | 12 juillet 2014 à 09:29
Vous êtes un sage, André. En fait, j'ai fait une grosse bêtise, j'ai revu un à présent vieux monsieur en croyant que nous pouvions être des amis. Mais il ne le peut pas, car il veut plus, c'est-à-dire moins. Et ça m'a rendue triste. ces choses-là ne durent pas longtemps, elles signifient juste qu'il faut que je me protège.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 12 juillet 2014 à 10:49
Iure, ut opinor, agat, iure increpet inciletque ;
Cedit enim rerum nouitate extrusa uetustas
Semper, et ex aliis aliud reparare necessest.
Nec quisquam in baratrum nec Tartara deditur atra ;
Materies opus est, ut crescant postera saecla ;
Quae tamen omnia te uita perfuncta sequentur ;
Nec minus ergo ante haec quam tu cecidere cadentque.
Sic alid ex alio numquam desistet oriri
Vitaque mancipio nulli datur, omnibus usu.
Lucrèce.
Rédigé par : Le Nain | 13 juillet 2014 à 04:59
Je ne saisis pas très bien ces vers, mon latin est trop faible pour les traduire. Place aux jeunes? C'est ça?
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 13 juillet 2014 à 12:34
Juste réquisitoire à mon sens, juste discours de blâmes et de reproches. Toujours en effet, la vieillesse dans le monde doit céder au jeune âge qui l'expulse; les choses se renouvellent aux dépens les unes des autres, suivent un ordre fatal.
Nul n'est précipité dans le noir gouffre du Tartare; mais il est besoin de matière pour la croissance des générations nouvelles, lesquelles à leur tour, leur vie achevée, iront te rejoindre; toutes celles qui t'ont précédé ont déjà disparu, toutes après toi passeront.
Rédigé par : Le Nain | 14 juillet 2014 à 08:28