Rendez-moi Dirty Harry. Rendez-moi Play Misty for me. Rendez-moi The Outlaw Josey Wales. Rendez-moi le réalisateur des dramaturgies sèches et élégantes. Eastwood, sur une pente descendante depuis déjà pas mal de temps (Invictus, pas terrible, Million Dollar baby, beaucoup trop long) signe ici son plus mauvais film. Etrillé par la critique américaine le film a reçu un coup d'encensoir des Cahiers du cinéma : je ne sais pas qui peut aimer cette purge réalisée par un homme trop vieux ; J. Hoover est un film pesant qui sent la naphtaline. Je subodore que le critique français est un anti-US primaire défendant forcément ce que les Américains détestent. Sauf qu'en l'occurrence les Américains ont parfaitement raison de démolir J. Hoover. C'est bien simple, il n'y a rien à sauver. La salle de l'avant-première hier soir était unanimement consternée.
Le sujet du film était excitant : faire un portait de celui qui fut un des hommes les plus puissants de l'après-guerre, le retoutable chef du FBI John Edgar Hoover. Marc Dugain en avait tiré un de ses meilleurs romans, La malédiction d'Edgar. Mais un film est différent d'un livre et Hoover, homme à la fois borné, rancunier et méticuleux, arrivé à la plus haute marche du podium grâce à des méthodes d'homme de l'ombre (chantage, espionnage) n'a finalement aucun intérêt, aucune épaisseur psychologique. On nous raconte l'histoire très ennuyeuse d'un Agnan au petit pied, d'un homme à la mentalité d'expert-comptable et à l'affect d'un géranium qui devient dangereusement puissant grâce à sa mesquinerie de cafard de base. Le film n'a pas de tension, pas de rythme, pas d'angle de vue. Eastwood aurait pu montrer comment Hoover construisait ses dossiers et ses filatures. Mais non, on ne sait rien de ses méthodes. Un autre angle (plus casse-gueule) aurait pu privilégier l'homosexualité du personnage. Elle est traitée ici en ellipse avec, pour cautionner cette homosexualité, la présence bien cliché (pauvre Judy Dench, que viens-tu faire dans cette galère) de l'inévitable mère castratrice. La scène de la mort de la mère, après laquelle Hoover enfile une robe de sa maman bienaimée, est honteuse de lourdeur.
Leonardo Di Caprio, dans une métamorphose à la Brando, se contente de scander des banalités ("POWer is INformation!", "I take the GUN, LET me DO this"), copiant le timbre de voix très mécanique et soulant de l'original.
Pas de rythme, dialogues médiocres, que reste-t-il?
Le maquillage? Di Caprio s'en sort pas mal, Hoover vieillissant est plutôt bien représenté. Mais le malheureux Clyde Tolson, petit ami supposé et bras droit de Hoover ressemble en prenant de l'âge à une poupée gonflable fanée, Kardashian d'apocalypse.
La lumière est monstrueuse, verdasse, genre lumière des derniers Harry Potter, Millenium et consorts: ces lumières d'aube qu'on colle dans les films à grand budget pour faire style "on va avoir la trouille" (je soupçonne une néfaste influence du daltonien Tim Burton dans cette généralisation des couleurs sépia et aigue-marine).
Baisers de la pine'up qui a préféré Tintin à J. Hoover (c'est vous dire).
PS : je vais regarder un des premiers Eastwood, Breezy, que superproductrice m'a prêtée pour me consoler. Cela ne peut être que mieux.
PPS : aux dernières nouvelles Eastwood se lance dans la téléréalité et accepte d'être filmé en famille! Quand je vous dis qu'il devient gâteux...
PPPS : en dépit des réserves émises sur Intouchables, le cinéma français, face à ce genre de grosse machine, est merveilleusement juste, rythmé et inventif. Que les Américains continuent de s'enfoncer dans des histoires trop longues tandis que nous récupérons leur légendaire sens de la construction.