C'est fini. On ne m'y reprendra plus. Et pourtant j'aurais dû m'en douter, ma fille m'ayant prévenue de sa déception. J'ai quand même voulu juger par mes propres yeux et suis donc allée voir Tintin hier matin. Je suis ressortie de la salle non seulement déçue mais aussi dans une colère tournesolienne devant un tel gâchis de moyens. Ce film est un navet. Un navet ruineux, c'est pourquoi quelques bonnes âmes journalistiques le conseillent. Chaque image coûte environ 100 000 $ la seconde, c'est la seule circonstance atténuante à ce projet: Spielberg ne s'est pas foutu de nous, il a injecté une fortune dans le numérique pour réaliser son rêve.
Affinons l'attaque : la 3 D est un désastre qui donne une nausée persistante. La lumière de la 3 D est affreuse, sombre, crépusculaire. Mieux vaut voir ce film "à plat", c'est plus charitable et les couleurs bleutées rendent mieux.
Le sens du mouvement est catastrophique : chaque plan est en accéléré, les héros passant leur temps à se trémousser comme dans un film muet, voltigeant de scènes en scènes sans respiration et sans épaisseur. On a une impression de technicité orgiaque, hystérique, ballet soûlant de courses-poursuite épate-bourgeois: scène interminable de duels de grues dans un port au cours de laquelle j'ai eu envie de zigouiller Tintin tellement c'était longuet.
Quant aux personnages... Le capitaine Haddock est fade, Tintin a des caprices d'enfant gâté, seul Sakharine a l'esquisse d'une personnalité : censé avoir le visage de Daniel Craig, il ressemble singulièrement à Spielberg qui a sans doute numérisé son propre visage à vocation de séduction satanique. Quant aux Dupondt, ils ne servent à rien. Spielberg, dont le sens des émotions humaines n'a jamais été très développé, a réussi le tour de force d'ôter tout intérêt affectif aux héros.
Comme toujours, Spielberg réussit les décors (marché aux fleurs, galion, Sahara) et rate le principal: les protagonistes ont trois expressions de visage.
Ce réalisateur confirme qu'il est le Roger Hart du cinéma, doublé d'un autiste imperméable à l'émotion: soit ses films dégoulinent de bons sentiments écœurants (La couleur pourpre, ET), soit ils regorgent d'effets spéciaux tout aussi indigestes (Indiana Jones). Le seul film extraordinaire de Spielberg est Duel: normal, les héros sont des camions.
Si vous aimez le total look siglé, si vous aimez les intérieurs de palais de Dubaï, si vous aimez la techno et ses stroboscopes syncopés vous aimerez ce film. Pour moi, il est un condensé des travers qui envahissent peu à peu le cinéma américain: une numérisation à outrance et une scénographie résumée à une pantomime de robots en furie.
Baisers de la pine'up qui réfléchit à l'idée d'intenter un procès à Fanny Hergé-Rodwell pour saccage intégral de la poésie de feu son mari (Spielberg est un moule à gaufres)
Ps : dans ce film, Moulinsart ressemble à une vieille maison de notable, pas à un château grand siècle. le majestueux escalier cher à monsieur Boulu offense les lois de Blondel et a la verticalité d'un mauvais Lapeyre. C'était la dernière flèche de Mme Sanzot, sur ce, à bientôt pour de nouvelles aventures.
Le voilà habillé pour l'hiver, il ne craint plus les (dé)gelées.
Ca plaira peut-être aux enfants, c'est certainement le public visé. J'ai hélas (ou heureusement) passé l'âge.
Rédigé par : Le Nain | 31 octobre 2011 à 11:45
Le Nain : je n'ai pas hésité à sortir de la salle pour fumer une cigarette en plein milieu du film tellement je m'ennuyais. Concernant les jeunes, j'ai vu sortir les enfants qui peuplaient le public le teint vert et le regard un peu perdu. ils avaient l'air tout sauf émerveillés.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 31 octobre 2011 à 11:52
J'en étais sur, je résiste pour ne pas aller le voir au cinéma, malgré un matraquage publicitaire intensif. J'attendrais qu'il passe à la télé.
Pourtant, je ne suis pas contre une adaptation au cinéma, d'ailleurs j'aimais bien ceux avec Jean-Pierre Talbot, même si ils ont un peu vieilli.
Mais c'est la nouvelle poule aux oeufs d'or.
Rédigé par : Denis | 31 octobre 2011 à 12:10
Allez voir Polisse pour vous remettre et à venir Les Intouchables...Tintin doit rester un rêve.. Alors faites comme moi réouvrer vos albums de 62p..et rêver en oubliant le merchandising entourant ce film qui n'en est pas un .. Mille sabords !
Rédigé par : Alain | 31 octobre 2011 à 12:37
A tout le monde: j'enrage d'autant plus que le scénario ne manquait pas d'audace ni d'originalité. au lieu de reprendre fidèlement la trame des Tintin, le fait de désosser trois albums est vraiment intéressant. Hélas, cela n'a servi à rien tant l'atmosphère hergéenne est absente de ce feu d'artifice qui fait mal aux yeux.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 31 octobre 2011 à 18:00
Et pourtant à priori point de Rastapopoulos derrière la manivelle !
Quelques amis blogueurs bien intentionnés me sussurent à l'oreille que ce ne serait que perfide et vile jalousie de ta part car tu n'as pas été invitée à l'avant-première ...
Rédigé par : Dominique | 31 octobre 2011 à 20:58
Je ne paierai pas pour voir ce film. Je viens d'entendre l'avis d'un spectateur fin amateur de cinéma et par ailleurs tintinophile distingué. Pour lui la déception est que le Tintin qui y apparaît a été débarrassé de toute sa personnalité (altruisme, détachement, courage, humilité...) pour se transformer en pur héros de cinoche américain classique : intéressé par l'appât du gain (trouver de l'or à la fin) plutôt que par l'aventure qu'est la recherche d'un ... trésor (la nuance est à souligner).
Rédigé par : Grincheux Grave | 31 octobre 2011 à 22:49
Ce n'est pas Tintin qui est le plus malmené, car la créature d'Hergé est naturellement désincarnée et Spielberg, qui peine à faire vivre des personnages de chair et de sang est plutôt à l'aise avec lui. Non, ce sont Haddock et Milou, personnages, eux, d'humeur et de sensibilité, qui sont à côté de la plaque et qui n'arrivent pas à vivre à l'écran. C'est dommage: Spielberg possède une minutie et un perfectionnisme dignes du père de Tintin, mais échoue complètement avec les co-protagonistes. C'est d'autant plus énervant que Spielberg avait de grandes qualités pour réussir son pari :par exemple, il déteste le bâclage et c'est un film tout sauf bâclé. Le scénar n'est pas si mal, aussi. On entrevoit ce qu'aurait pu être le film par instants. Par instants seulement. C'est désolant.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 01 novembre 2011 à 00:01
Et au fait Haddock il fume la pipe et il boit du Whisky dans le film et c'est complètement aseptisé ?
Rédigé par : Denis | 01 novembre 2011 à 20:37
Non, Denis, Haddock n'est pas aseptisé: son alcoolisme est bien présent. Mais il manque son côté picaresque dans l'addiction. Il n'a pas ses fameuses fulgurances et semble un peu bourré pataud.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 01 novembre 2011 à 23:38
Ok, merci, c'est déjà ça.
Rédigé par : Denis | 02 novembre 2011 à 16:10
Comme je te disais hier soir, je suis sortie très énervée. Ce n'est pas drôle, on s'ennuie à mourir, ta fille avait bien raison ! Si ! ce qui m'a fait rire, c'est Vincent qui s'est retourné vers moi après la scène de side-car et qui m'a dit “Les nazis vont débouler !”. Un très mauvais Indiana Jones...
Rédigé par : Armelle | 02 novembre 2011 à 17:12
Les Indiana Jones ont pris un de ces coups de vieux! j'adorais à 16 ans, mais en les revoyant je trouve qu'ils n'ont pas tenu la rampe
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 02 novembre 2011 à 20:16
Tu me confirmes l'intuition que tout fan de "l'oeuvre" ne pourrait qu'être déçu... Merci de l'avoir vérifié pour moi, je te dois la moitié d'une place, mille sabords.
Rédigé par : mossieur-resse | 06 novembre 2011 à 16:10
Tu sais, il y a des fans de Hergé qui ont aimé ce film (foisonnement des détails, excellent passage, c'est vrai, de la narration de Haddock restituant les aventures de son aïeul). En général, les malades de la bd, les pro du dessin ont aimé. Ce sont les amateurs de "l'esprit Hergé" qui se sont sentis trahis. J'ai détesté ce film, mais je comprends tb les arguments des "pour". Spielberg est le cinéaste empathique par excellence, il ne se mouille jamais. Il se contente de donner aux spectateurs ce qu'ils veulent recevoir. Pour son côté "artisan", pour cet ennemi du bâclage, le détail est très important. C'est pour cela que je croyais qu'il pouvait réussir le défi. là, pour moi, il a fait plaisir à Abdallah. Pas à Hergé. Le sens du détail est omniprésent dans ce film, et il le flingue. Si tu vas quand même voir Tintin, évite la 3d : le procédé est hideux et de l'autre coté de l'atlantique il commence à se casser la gueule; c'est une impasse aussi couteuse que peu esthétique.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 06 novembre 2011 à 16:30