Oh, you... L'enchanteur de l'enfance, l'objet de bien des études, l'imagination totale montée sur pattes... Racontez-moi des contes qui se terminent bien, racontez-moi l'histoire d'un homme né pour le pays merveilleux, racontez-moi Disney. Non pas le marketing qui me donne envie de pleurer, celui de Disneyland que je déteste, mais l'histoire d'un homme capable de refaire tout Blanche-Neige parce que les couleurs de la carnation de la princesse ne lui plaisaient pas (véridique, les joues à peine rosies de la belle furent coloriées délicatement image par image).
Je crois que je lui dois, très jeune, très très jeune, à peine sachant marcher, les premiers chocs de coloriste.
Eh oui, cher Walt, alors que tu es en train de mourir d'un cancer du poumon, je balbutie devant une ressortie de Blanche Neige...d'un coup s'offre à moi ton premier long métrage, probablement ton plus beau. Tu as investi toute ta fortune dans le plus fantastique pari financier et esthétique de toute l'histoire du cinéma hollywoodien : en 1937, qui aurait pensé qu'un dessin animé pouvait durer plus d'une heure... Toi. 750 techniciens pour réaliser cette folie... Un budget initial décuplé qui faillit mettre en péril l'empire que tu avais déjà bâti...
1966, alors que je trottine, tu pars six pieds sous terre... C'est injuste. Nous étions faits pour nous rencontrer. Qu'on ne me parle pas de mièvrerie avec toi; ceux qui te qualifient de mièvre n'ont qu'à garder leurs gouts pour eux. Le premier sentiment - la peur- , comme tu l'illustres bien avec la séquence de Blanche Neige traversant la forêt... Et ce coloriage, tout en demi-teinte, bien loin des tons criards et vulgaires de tes successeurs...
(Idée de cadeau à me faire : "Walt Disney's sketch book of Snow white and the seven Dwarfs", Collins, 1938).
Tu nais à Chicago, le 5 décembre 1901, dans une modeste famille d'origine irlandaise qui aurait peut-être des origines françaises (d'isigny/disney?). La suite... je ne vous dirai plus rien car ce soir, sur Arte, 4 heures de documentaires te sont consacrées et il est fort possible que je verse une ou deux larmes d'émotion.
Lorsqu'on ressent un peu de tristesse, il est utile d'apprendre à se distraire tout seul. Cher Walt, tu as été un grand maître es rêves pour moi.
Tu m'as fait découvrir le travail d'équipe. Des noms prestigieux comme celui de la coloriste Mary Blair
des dessinateurs surdoués tels que Albert Hurter, Gustaf Tenggren et Kay Nielsen...
Loin, bien loin des parcs d'attractions que j'ai été obligée de subir comme toute mère de famille qui cède à sa progéniture et se retrouve le soir venu avec une bouillotte sur la tête après une journée à te maudire, ta puissance créatrice est là, vive, gorgée d'imagination, perfectionniste, nourrie d'art et d'architecture.
Après ta mort, les dessins animés baissent en qualité. Il n'y eut qu'un seul Disney... Dali t'adorait? Moi aussi, moi aussi...
Rédigé à 18:44 dans Chose intime, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)
2015. Entre les attentats, les noyades de petits garçons, les rapts de petites filles et le sadisme sur fond d'écran, la rétine des petits a sans doute imprimé son lot de tragédies. Pause. C'est Noël, ce sont les vacances. Loin des massacres à grande échelle, l'enfance se vit, s'épanouit, perçoit la poésie comme le malaise, et se protège.
Pour celles et ceux qui ont entre 6 et 8 ans, l'âge des raisonnements, il est peut-être temps de découvrir les trésors classiques du cinéma. Soufflons, laissons-nous envahir par...
1 La Vie est Belle. C'est le fringant Capra aux manettes, ce sont les US, oui mais c'est surtout un sublime conte de Noël qui appelle à ne pas se replier, c'est un chef-d'oeuvre aux multiples points de vue, c'est enchanteur, c'est un Jimmy Stewart au sommet, le seul à pouvoir jouer le rôle de George Bailey, alors si vous ne l'avez jamais vu, laissez-vous émouvoir et savourez le dernier quart d'heure, insurpassable.
2 Sans grande surprise en deuxième position et avec James Stewart dans son deuxième meilleur rôle - Stewart est pour moi le plus grand acteur américain de tous les temps - The Shop Around The Corner. Lubitsch, délaissant son univers sophistiqué, plonge dans l'émotion et le rire qui sont en partie liés et atteint l'universalité. Une intrigue merveilleuse, des entrelacs ciselés de détails délicats alors que le film se situe dans une boutique... La jeunesse de ce film est intacte.
3 Pour quitter le noir et blanc des deux premiers et se ressourcer dans la couleur : j'hésite entre Dumbo et Pinocchio qui sont mes deux Disney favoris. Il y a le fantastique, les parcours semés d'embuches, le chagrin et la confiance, la peur et le courage, le rejet et l'adhésion, l'amour, il y a toute la poésie de Disney lorsqu'il ne reculait devant aucune folie pour offrir des contes poignants. On taxe parfois Disney de moraliste, mais Disney était beaucoup plus un conteur... Au passage, pour ceux qui vont à San Francisco: le musée Disney est un bijou, bien loin des mégalomanies Disneyland and co.
4 Pour rester dans le technicolor : Ah, la version de George Sidney des Trois Mousquetaires... pour Gene Kelly, bondissant, pour Van Heflin en Athos mélancolique à souhait, pour le gag génial d'un duel, pour la plus parfaite des Milady (Turner), pour rêver d'aventures et pour que les petits découvrent Dumas via Hollywood...
5 Deuxième option de film d'aventures : le Zorro de Mamoulian me plait bien... Tyrone Power et Linda Darnell sont exquis, il y a le principe de la double identité, l'idée d'accomplir secrètement le bien et de servir l'intérêt commun... pas chef-d'oeuvre, comme les précédents, mais très joli film d'aventures.
6 : je clos avec une comédie musicale, celle qui repasse à chaque fois mais dont on ne se lasse pas (en tout cas pas moi) : Singin' in the Rain.
Un dernier pour la route, oh oui, un dernier chef-d'oeuvre, le plus beau premier film de l'histoire du cinéma, qui baigne dans une lumière d'aube : Le Garçon aux cheveux verts, de Joseph Losey. Ici, pas d'intellectualisme, mais au contraire toute la fraîcheur de l'enfance préservée au delà des meurtrissures. "Il n'y a rien de plus dans le noir que lorsqu'il fait jour"
Rédigé à 13:02 dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3)
voici ma lettre. A choisir dans une boutique boulonnaise...http://www.yok-design.com
Je suis une petite enfant : j'aimerais que tu m'offres des chaussons-renard ou ce chien à trainer derrière moi. J'aimerais aussi recevoir cette petite poupée chat.
Je suis une moyenne enfant : ces totems me feraient plaisir...
Je suis une grande enfant : je commence à aimer la papeterie pour la noircir de mes rêves.
Et une mappemonde pour localiser mes futurs voyages.
Je suis une ado : je veux des crèmes pour le corps au jasmin, au miel, une broche à piquer sur les tee-shirts, un sac en grosse toile...
Je suis une jeune adulte : des éléments décoratifs pour construire mon nid...
Je suis une femme : des bijoux qui ne ressemblent pas à ce qu'on voit partout... des cabas chatoyants... Un livre pour rire tendrement des déboires d'un homme... Un sac à ordi, des coussins improbables, des assiettes à mettre sur les murs de la cuisine, des sculptures de porcelaine qui rappellent l'armée des Qin, des chaises de bistrot de la ville lumière, des faïences sorties des Nymphéas de Monet, des bougies pour recevoir mon amoureux...
Je suis un homme : je collectionne les maisons d'architectes, les sacs à ordi, aussi, les tee-shirts colorés, les eaux de toilette au vétiver, les posters de Boulogne, les rangements de bureau en forme de stalactite, un roman pour me marrer, une lampe épurée, une autre baroque, des ustensiles de cuisine pour réaliser les meilleurs plats, des appareils photos et des sacs pour mes pompes, des pots africains, des bougies pour recevoir mon amoureuse...
Je suis une yokeuse : j'ai tout sous la main et plus encore...
Et pour les retardataires : baisers de la duchesse d'YOK qui n'a pas terminé ses cadeaux de Noël
Rédigé à 16:53 dans Cadeaux pour les amis (ou pour moi) | Lien permanent | Commentaires (1)
Une police sobre, des couleurs à foison... Petite, ma lecture secrète était déjà le ELLE de maman. Entre deux Fantomette, je feuilletais les promesses de féminité, de liberté contenues dans l'hebdo de mesdames Lazareff et Auclair.
Un paysage... Pendant les années d'enfance, les femmes y étaient peu sophistiquées. Des Scandinaves naturelles assuraient la mode, des interviews de femmes en colère et "normales" bouleversaient gentiment la vie ouatée des 30 glorieuses. Une vision déformée par la gamine que j'étais de femmes très chic en cheveux et en jupes de gitanes, de pots de plantes grimpantes, de pages pleines de textes qui parlent de divorce et de contraception. De mères parfois seules. Je tâtonnais, je cherchais les clés du futur... Sans savoir que j'allais vivre toutes ces situations.
Les années 80/90 de ELLE ont commencé à me passionner : j'avais enfin l'âge d'expérimenter la crème Embryolisse, de me rêver en Agnes B, d'aller m'ennuyer en boites, d'essayer des coupes de cheveux grotesques, d'entrer dans des boutiques pour m'entendre dire:"Le basique ne vous va pas. Soyez toujours TRES féminine".
Je collectionnais les chroniques d'Hector Obalk (qui m'a acceptée comme "amie" sur FB il y a 3 mois, j'appelle ça une consécration). J'avais collé son analyse de Velasquez sur mon agenda de classe de terminale. Les fiches cuisine ne m'intéressaient pas encore. La déco, oui... La littérature, aussi (mais pas trop dans le ELLE).
ELLE, ça avait de la gueule... C'était gentiment moqueur, un peu égoïste, un peu femme libérée c'est pas si facile, ça donnait les clés de Paris sans trop de snobisme, ça partait dans tous les sens, ça n'était pas agressivement féministe...
ELLE racontait des histoires, des histoires colorées et joyeuses. Dans le temps, j'adorais une mannequin qui s'appelait Veronica Webb. J'ai la mémoire de l'inutile, je retiens souvent des détails qui ne servent à rien. Donc cette Veronica m'avait tapé dans l'oeil parce qu'elle avait un style bien à elle. Et je me disais : une jeune fille qui sait être aussi... cohérente doit avoir un gout parfait. Elle n'est pas que jolie. Cela peut paraitre idiot, mais j'ai suivi à la trace son parcours. Il n'y avait pas encore la boite de Pandore d'internet, aussi je tâtonnais pour avoir des renseignement sur l'appartement à NY de Veronica, les gouts de Veronica... j'ai acheté un bouquin d'Arthur Elgort qui la citait et dès que j'ai vu son chez-elle, j'ai compris pourquoi elle me plaisait : elle aimait les traces de l'enfance, le bric-à-brac, le cher et surtout le pas cher...
Dans les ELLE, on s'identifiait ainsi à des personnages.
A 35 ans j'ai atteint le graal : ETRE DANS ELLE. Avec une page et demi d'article, SVP. C'était juste au moment de la parution d'Une cicatrice dans la tête. Lorsque l'éditeur m'avait appelée pour me dire qu'on allait m'interviewer, j'avais répondu, interloquée: "Ah ouais?"Je n'y croyais pas. L'éditeur avait perdu contrôle et m'avait claqué un cinglant : "Je ne sais pas si vous vous en rendez compte, Valérie, mais il y en a qui TUERAIENT pour une interview dans ELLE." J'étais morte de peur lors du déjeuner avec la journaliste. Mais au dessert, on était comme deux amies. J'ai perdu "mon" ELLE (octobre 2000), mais j'ai bien envie de le retrouver sur ebay. J'ai gardé juste une photo de l'entretien. Une preuve que j'appartiens à la famille des ELLE.
Et puis la vie a continué, ELLE a accéléré son tempo, je l'achète tous les vendredi (je refuse de m'abonner, je préfère l'acheter à mon QG, ça fait partie du plaisir). Je continue à le scruter, à l'aimer, à parfois le critiquer...
Alors comme ça, jolie ELLE, tu as 70 ans? Tu ne les fais pas. A ta tête à présent, une brune chère à mon coeur y déploie son charme phénoménal et sa drôlerie.
Pour cet anniversaire, tu as proposé aux actrices fétiche du journal une sorte de questionnaire ELLE. Laisse-moi aussi jouer avec toi...
Votre premier souvenir de ELLE : Maimé Arnodin et Denise Fayolle parlant du style Prisunic."Le beau au prix du laid", comment oublier pareil slogan...
Un papier, un reportage qui vous a marquée : milieu années 90, ELLE demande à ses journalistes quel est leur fantasme secret. les journalistes restent assez sages, assez neutres, style "j'aimerais coucher avec Bruel". Sauf une qui pond un papier à mourir de rire : "Ma nuit d'amour avec Michel Sardou". C'était Olivia de Lamberterie, je crois.
Une couverture qui vous a marquée : CELLE-CI !!! ELLE est une déclaration d'amour à lui. Lui est une déclaration d'amour à ELLE.
Un souhait à l'occasion de cet anniversaire : avoir plus de province et moins de Paris. Et de la drôlerie, de la drôlerie, de la drôlerie...
Bon anniversaire, petite partie de mon ADN ! la duchesse d'YOK te salue gaiement.
Rédigé à 16:20 dans Actualité, Chose intime, Déco, ELLE, Mode | Lien permanent | Commentaires (0)
Carton plein, vague populiste et cris d'horreur. Ah, ça, les "je vous l'avais bien dit" ne sont plus de mise... La masse des mécontents a (presque) élu son camp, et je doute fort que les "c'est mal de voter FN" servent à quoi que ce soit.
A l'heure d'internet sur fond de crise, la jalousie est exponentielle. C'est la plus puissante des pulsions, celle de la frustration...
Tu as des enfants (je n'en ai pas) : je te hais. Tu es cultivé (je ne le suis pas) : je te hais. Tu n'as pas d'enfants (tu es tranquille, pas moi): je te hais. Tu ne crois pas en dieu (tu es libre) : je te hais. Tu crois en dieu (je meurs de trouille) : je te hais. Tu as une amoureuse (je suis seul à crever) : je te hais. Tu es journaliste reconnu (je suis pigiste smicard) : je te hais. Tu es fonctionnaire (je suis pressé comme un citron par mes crétins de patrons) : je te hais. Tu es dans le privé (salaud, tu gagnes des cents et des mille) : je te hais. Tu es sublime physiquement (alors que je suis un gros thon) : je te hais. Tu es moche mais tu as de l'esprit (je suis beau mais un peu con) : je te hais. Tu pars en vacances (suis arrimé à mon village) : je te hais. Tu habites Paris (cette splendeur inaccessible): je te hais. Tu as une maison en province (je croupis dans un studio parisien) : je te hais. Je continue la lente litanie de l'aigreur des gens jetés les uns contre les autres ou ça suffit?
Si on ajoute le chômage-divorce-maladie-perte du logement qui touche chaque famille de près ou de loin, menace terrorisant chaque membre encore indemne, n'en jetez plus, la coupe est pleine.
La solution pour endiguer le FN? Si je l'avais, croyez-moi, je la chanterais sur tous les tons. Dans le village planétaire du net, les gens meurent d'envie en contemplant sur les écrans des bonheurs inaccessibles. Alors ils se font au choix péter la cervelle au milieu de la foule, ou ils votent comme ils peuvent pour bien rejeter les heureux. T'es riche, je ne le serai jamais ? Eh bien tu vas devenir pauvre comme moi, et je la tiens là, ma vengeance. Contre ça, les grands cris de "au secours la bête immonde est de retour" l'ont dans l'os. Les guignols soignent leur marionnette FN? ah ah ! les votants FN ne regardent pas les guignols (pas assez de blé pour s'abonner). Les fils de pub brandissent Desproges? Ah ah ah, c'est quoi un pubard, se demande-t-on dans la tour Nénuphar de Clichy-sous-Bois? Boon pleure? Il a si bien réussi que le Nord ne le lui pardonne pas...
On est au delà du racisme... On est dans le désenchantement grinçant. Avec urgence de relance économique. Responsabilité politique collective d'avoir un taux de chômage hallucinant et une réglementation du travail délirante. Responsabilité générationelle de ne pas donner envie d'admirer les vieux, ou même les jeunes matures...
Elle propose quoi, Marine Le Pen? Un engourdissement nationaliste aux accents thoréziens. Un appauvrissement général sur fond de vie "française et simple", un chouette nivellement par le bas qui séduit tous les snobés de la vie. Et elle ratisse dans tous les camps, absolument tous les camps. Une déflagration. Pour la contrer, bon courage, car elle n'est pas son père... Etre la fille d'un sinistre prédateur qui a organisé des ratonnades dans sa jeunesse... vous imaginez son parcours scolaire? Vous imaginez les crachats? Avec un père aussi monstrueux, soit on est une épave alcoolique qui menace de se suicider tous les quatre matins, soit on survit et on est ignifuge. La nièce? même schéma psychologique. Oui, bon courage. Et ce n''est pas le centre nuancé qui nous ramènera à la raison, c'est trop tard.
Non, ce n'est pas trop tard... C'est peut-être.. trop tôt... Cette victoire FN est peut-être, si les partis classiques la jouent fine et rapide, ce qui empêchera MLP de gagner 2017... Une région FN, c'est affreux? Oui. Mais le pays est très centralisé et elle n'a pas l'exécutif. Maintenant, si elle gagne la présidence (avec des législatives qui seront la foire du trône), alors là... on sera un pays handicapé, paralysé pour très longtemps...
Allez, confiance, doux pays de cocagne... je t'aime tant, et je ne hais personne.
La jalousie n'est ni mon moteur, ni mon pays. Dans mon paysage français, les éprouvés se relèvent et sourient.
Rédigé à 23:19 dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (2)
Etat post tristesse. C'est étrange, cette vision de Paris en ce moment. Le temps s'est dégradé, mais les terrasses sont pleines. Avec des amies, nous sommes allées voir une pièce de théâtre; celui-ci était bondé (Lettres de non motivation au théâtre de la Bastille, très bon). Hier, c'était complet au restaurant Vivant. Silhouettes sombres - j'ai l'impression que les gens s'habillent plus sombre- mais visages rieurs. Le quartier du Faubourg-Poissonnière reste une vraie pub pour Heineken. Les tablées d'amis rient, se délient sous les éclairages flatteurs de pénombre. Les dos se voutent légèrement sous les compliments. Les hommes resservent le verre des femmes. Le serveur se glisse pour prendre les commandes dans une atmosphère ambrée. Le merlu au chou noir se déguste avec un snobisme tout parisien.
Je n'ai pas échappé à cette provocation qui consiste à surjouer l'impertinence et la futilité face à la barbarie, Rome brule et je joue de la lyre. C'est, de toute évidence, un réflexe humain.
Est-ce une forme d'immaturité ou de grande maturité? Je ne sais pas. Est-ce un sursaut de liberté tendant sa torche ou une totale inconscience de ce qui se prépare vraiment, une cécité volontaire? Sommes-nous munichois ou churchilliens?
Avec un ami, hier, nous avons à peine évoqué les drames. Bien au chaud dans un restaurant délicieux, nous avons savouré un vin blanc du sud tout en parlant de nos petites personnes et de l'amour. Et de la confiance.
Peut-être aussi nous méfions-nous des grandes envolées lyriques et des débordements de consignes éthiques à tenir (responsabilité des uns et des autres dans la guerre qui s'intensifie, culpabilité apaisante, etc).
L'oeil un peu plus rond que d'habitude, j'ai envie de me ranger derrière le gouvernement et de ne pas faire de vagues. Après l'élan de solidarité, arrive celui des voix discordantes sur les réseaux sociaux.
Je suis fatiguée d'écouter ces voix discordantes. Elles me rappellent ce qui m'ennuie au quotidien: les pas ou mal aimés, les ivres de reconnaissance qui vous plombent une réunion de boulot car dès qu'ils l'ouvrent, on sait qu'on va subir la logorrhée de 45 mn d'un type - ou d'une femme mais j'ai remarqué que c'est souvent un type - qui croit tout savoir, qui ne sait généralement rien, mais qui a juste envie de l'ouvrir pour exister. Je suis fatiguée des fragiles qui jouent aux forts sans se rendre compte que leur fragilité est criante à travers leur volonté de ne rien écouter, de vouloir exister sans prendre en compte autrui. Je suis fatiguée par ceux qui veulent par dessus tout être importants. Par ceux qui prétendent vous aider alors qu'ils ont avant tout besoin d'aide.
On brandit l'idée d'une démocratie directe ?J'imagine derrière ce mot la masse des névrosés de la terre que papa ou maman n'ont pas ou mal aimé et qui trouvent dans la chose publique une sorte de compensation à leur soif de reconnaissance. Pitié, ne m'infligez pas sur les hautes marches du podium le petit caporal mal dans sa peau, la prof qui pense détenir la vérité, l'obscur sociologue rêvant d'être publié, la mère d'un surdoué qui veut qu'on l'entende, le musicien maudit, le sacrifié conjugal et le sacrifié salarial.
La démocratie directe, c'est une thérapie facebookienne. Une illusion.
Je garde l'intime tendresse. Avec les amis, nous continuons à rire, quitte à paraitre artificiels. Je laisse au gouvernement le sang-froid des grandes manoeuvres. Je suis une petite, une toute petite citoyenne qui peut râler sur la politique, mais qui obéit sagement en cas de tempête. Sauf si on lui demande de pactiser avec l'ennemi, ce qui n'est manifestement pas le cas.
Alors je repars dans les conversations sur l'amour, la beauté et la confiance, je vais sur les terrasses, je souris aux sourires, et je sublime la joie.
Rédigé à 13:50 dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (2)
Faire corps. Tronc commun. Tous avec. Tous contre. Une notion si difficile pour "l'indisciplinée obéissante" que je suis. Dès les débuts de l'ampleur des faits qui sont plus un raid méthodiquement préparé que des attentats, des images "je suis Paris" ont commencé à fleurir un peu partout. Je me suis tout de suite dit: "Ah non, ça ne va pas recommencer, on ne va pas se retrouver dans l'obligation d'être un journal ou une cause!". Alors j'ai posté ce statut : Puisque nous sommes en guerre, pas question de changer ni la photo de profil FB, ni quoi que ce soit. Sourire, envers et contre tout.
Et j'ai gardé la photo souriante sur FB un bon moment (mon sourire et la France), tandis qu'apparaissait un système de filtre FB pour imprimer en décalcomanie le drapeau français à notre photo. L'immense majorité de mes amis est devenue bleu blanc rouge. Je résistais. Mais lorsque j'ai vu des amis étrangers prendre les couleurs du drapeau français, je me suis dit que j'étais un peu idiote de résister et j'ai plongé avec deux jours de retard dans la vague tricolore. Moi aussi je ressentais l'envie du drapeau, pourquoi le nier? Je n'avais même pas à cacher mes petites cicatrices anar, elles peuvent faire bon ménage avec la troupe...
Ce matin, ou plutôt en cette fin de matinée car je me lève très tard le lundi - le lundi est mon dimanche- j'ai vu que quelques uns remettaient en cause ce patriotisme en le comparant à du fachisme. Qu'on puisse y voir un phénomène moutonnier un peu artificiel, certes, mais de là à employer un langage pareil... Il semble qu'une minorité mal dans sa peau a besoin de donner des leçons. Non seulement je les ignore totalement, non seulement il n'y a plus aucune place pour une pseudo humilité de bazar après ce qui s'est passé, mais ne comptez pas sur moi pour battre la coulpe façon Munichois comme je peux aussi le lire ici ou là (vive la paix, ne négligeons pas nos responsabilités, nous l'avons cherché, bla bla bla).
Afficher le drapeau n'est pas pour moi une injonction qui doit être suivie. C'est, ni plus ni moins, une réaction d'émotion basique, primaire, celle qui vient en effet des tripes et non d'un quelconque raisonnement: je suis française, il se trouve que j'aime mon pays, j'ai la chance d'avoir le droit de le critiquer vertement parfois, et lorsqu'on l'attaque, eh bien ce drapeau a une importance républicaine que je ne suis pas prête de laisser tomber. Les gens font ce qu'ils veulent, ils l'exhibent ou non, je n'admire pas plus ceux qui l'exhibent que ceux qui ne l'exhibent pas, c'est juste un réflexe personnel.
Un besoin de m'y rattacher. Une fierté, sans doute imbécile, probablement orgueilleuse, mais je me méfie bien plus des jaloux et des envieux que des orgueilleux.
Liberté? un Mantra. Egalité ? Ca n'existe pas. Fraternité? prouvons-le! et ça, c'est une injonction.
Rédigé à 12:48 dans Actualité, Chose publique | Lien permanent | Commentaires (2)
Comme c'était hélas prévisible, Daech a commis un carnage à Paris. Avec toute sa lâcheté, au beau milieu des quartiers insouciants et ouverts d'esprit- les quartiers où on s'amuse.
Le saisissement d'horreur n'a pas été long, lorsqu'une Grande Amie m'a appelée pour m'avertir. Mais que peuvent le chagrin, la colère ou la rage? Ils ne font que renforcer la jubilation des meurtriers qui veulent distiller en France un climat de guerre civile.
Les réseaux sociaux se sont transformés en quelques minutes en tissu de messages d'accablement, d'angoisse ou de solidarité. Lentement, dans la nuit, le bilan des victimes du terrorisme de Daech s'est alourdi. Et ça n'est pas fini, car nous sommes encore, maintenant, bien incapables d'être correctement informés de l'étendue du drame.
La langue maternelle ne suffit pas à exprimer tout ce que nous ressentons, à tel point que l'anglais a été souvent utilisé par des Français sur FB pour décrire avec précision leurs sentiments. Comme si nous avions besoin d'un autre langage. "No fear, no mercy", a justement écrit un ami. Une autre a cité Churchill dans le texte. Le troisième a posté cette chanson des Beatles "pour l'intro".
A mesure que l'atrocité des faits s'intensifiait, le monde entier s'est paré des couleurs de la démocratie française. Et nous avons assisté à une illumination mondiale du Liberté Egalité Fraternité.
On ne me retirera pas la rage, celle qui ne donne pas envie de pleurer, mais de frapper. On ne me retirera pas l'envie de tuer la mère, de vitrifier le cerveau des opérations meurtrières.
Si cela n'était pas aussi complexe, pas de doute, les dirigeants occidentaux l'auraient fait.
Alors tenir debout, afficher un sourire et un drapeau, et n'avoir aucune pitié pour les assassins.
Et souhaiter que les islamistes, gagnants depuis leurs premiers crimes, soient anéantis.
En attendant, comme le faisait Ernst Lubitsch dans To Be Or Not To Be, il me semble très salubre de tenter toutes les audaces satiriques pour présenter les djihadistes dans leur imbécilité sans borne de guignols inquiétants autant que stupides.
Aux morts : qu'ils reposent en paix.
Rédigé à 17:19 dans Actualité, Chose publique | Lien permanent | Commentaires (2)
Une mini note à l'arrache. Pas de temps en ce moment. Mais toujours du temps pour ma meilleure amie. Elle me demande une liste de chansons. Trouver une chanson française qui lui ressemble, qui me ressemble. Elle cherche SA chanson, je cherche la mienne. Elle raccroche, je reste les yeux perdus dans le vague... Je pense à Cabrel, mais je sais que ce n'est pas exactement l'ambiance que je recherche ; ça s'en approche. Je veux une chanson qui exprime la lumière et la simplicité. Je demande à mes amis FB leur chanson française préférée, ou en tout cas celle qui évoque leur caractère. Bingo, l'un trouve MA CHANSON. Celle dans laquelle j'ai toujours aimé me blottir. Le Sud. L'amplitude, la légèreté, la mélancolie, aussi. MERCI à TOI QUI L'A TROUVEE (pour changer).
Une été dans le sud, il y a un million d'années...
Bonne journée, même si le temps est gris. Avec ce mois de novembre en été, je repars pieds nus au travail en chantant Ferrer "
Pendant ce temps, l'amie poursuit sa quête. Elle trouvera. Votre chanson, celle qui vous ressemble... trouvez-la :)
Rédigé à 14:06 dans Chose intime, Musique | Lien permanent | Commentaires (5)