"Quand tu vieilliras, tu aimeras la nature" avait un jour répliqué maman à mes jérémiades ados anti-campagne. J'ai vieilli et je suis toujours aussi peu sensible à la verdure. Ou plutôt si : j'aime l'explosion du printemps, mais en ville uniquement.
Je n'ai pas la main verte. Le discours écolo me fait sourire, comme tout dogme (franchement, pourquoi dépenser des fortunes dans les magasins bio qui vendent quelques légumes rabougris à côté, tenez-vous bien, de produits aussi spécifiques et glauques qu'une huile pour périnée - berque.)
J'ai fait mienne cette phrase de Tristan Bernard concernant la campagne : Le jour je m'emmerde, la nuit j'ai peur.
Et pourtant... Ingalls a cassé sa tirelire pour acheter une maison au vert. Concession à mon urbanité: elle se situe au cœur d'un village avec commerces. Lorsque nous y allons, c'est-à-dire souvent, Ingalls, au choix, coupe des buches (l'hiver) ou taille frénétiquement ses branches de magnolia. Il s'est métamorphosé en Ingalls jardinier et tente de transformer la cour pouilleuse de notre nid d'amour en feu d'artifice paysager. Je me moque mais il a bien du mérite, l'endroit ressemblant à Checkpoint Charlie. Il a réussi à y faire pousser de la glycine et du lilas, ainsi qu'un cyprès qu'il surveille d'un œil amoureux. La sensibilité taiseuse d'Ingalls s'épanouit dans ce travail répétitif, tandis que ses fragiles lombaires crient danger.
Quant à moi... J'oscille entre vautraille sur le transat avec une pile d'Agatha Christie, goûtant autant le soleil que les polars, et commérages actifs au village en compagnie de mon amie l'esclave la taulière du restau d'à côté. Il y a une miss Marple en moi : le seul intérêt que je manifeste touche l'humain. Peu m'importent les tamaris (un arbre qui n'est regardable qu'au printemps et qui est particulièrement hideux en morte saison) pourvu qu'il y ait scoop à Trifouillis les oies.
Ah si : j'aime l'eau. Je peux regarder la Loire indéfiniment.
De retour à la capitale hier (et en étant partis suffisamment tôt pour éviter les bouchons) nous nous sommes écroulés avec Ingalls devant la télé. Là, notre complicité a fusionné grâce à Un dimanche à la campagne de Tavernier. Un film où il ne se passe rien mais dans lequel la délicatesse se distille aussi bien à travers les entrelacs des personnages, la beauté d'un jardin et le raffinement d'une demeure.
Je ne jardinerai jamais comme mon amoureux, mais j'aime le regarder être heureux.
Baisers d'une pine'up arrivée à maturité