Grande déception. Je ne l’ai pas tout à fait fini, mais je parcours à présent la deuxième moitié en diagonale distraite et impatiente. Déception à la hauteur de la beauté du premier tiers : énorme. Et pourtant… Comme le projet était intéressant ! A quel moment ai-je basculé dans l’ennui ? Emmanuel Carrère se prête avec son Royaume à un exercice de haute voltige, de grand danger : décortiquer sa foi passée, se demander pourquoi il fut chrétien et analyser comment il ne l’est plus. Puis il continue en explorant l’aventure du paléochrétien, raconte l’Histoire à la source, s’épanche sur Saint-Paul, fait revivre cette poignée d’hommes qui bouffèrent de l’intérieur l’empire romain. Et c’est là que tout va mal : tant que Carrère se flagelle, ouvre ses plaies d’ado méchant, plonge dans ses souffrances d’égo fort, c’est fabuleusement émouvant ; mais dès qu’il se pose en « sachant », en historien, il se racornit et vous écrase de sa sèche culture livresque avec une prétention insupportable. Une amie a critiqué ce livre au motif que Carrère a une personnalité trop envahissante. C’est justement ce que j’ai aimé à la base : sa personnalité. Pour moi, le problème est inverse : dès que Carrère oublie qu’il a un cœur et des pulsions, c’est la catastrophe. Dès qu’il cède aux sirènes « culture générale » je n’en peux plus. Or dans ce livre nous avons 150 pages d’un homme qui interroge de manière troublante ses émotions puis 250 pages d’un homme très satisfait de son cerveau. Je tourne les pages à la vitesse de la seconde, Troas, Lydie, ah, une jolie galipette astucieuse et bien troussée qui assaisonne Saint Luc à la sauce porno, à nouveau l’Asie mineure, Rome…
Seigneur, pourquoi m’as-tu abandonné ?