Dans la série je vais mieux, j’étais invitée hier à aller au cinéma avec des amis ingallsiens. Dans la série je peux être peau de vache, j’y allais à reculons : voir un film de et avec Albert Dupontel signifiait pour moi bâclage assuré, gags grinçants, rictus crispés, regards de taré bien appuyés, caméra errant en diagonale et dents pourries à chaque plan. Ingalls était très sensible à l’abrasif, et Dupontel faisait partie de ses dieux lorsque nous nous sommes rencontrés. A l’époque, je ne connaissais pas. Je me souviens que nous nous étions retrouvés un soir au cinéma pour voir un film qu’il m’avait donné comme étant un chef d’œuvre ; l’histoire d’un amoureux-SDF -psychopathe. Un truc dont je me souviens par bribes lugubres de terrains vagues très sales, de rires de déments et de plans épileptiques. Ingalls, un peu gêné par mon air sérieux – j’étais censée m’esclaffer- n’avait pas arrêté de m’embrasser. Dupontel dans le couple : l’affaire était close. Je l’avais habillé pour l’hiver en trois mots : esthétique nulle, intrigue absconse, scatologie lassante. Ingalls avait souri et admis sa défaite. Ce que j’aimais avec toi : on polémiquait, on gardait nos goûts, on ne cherchait pas à convertir l’autre PAR TOUS LES MOYENS. Et ne me parlez pas de Deux jours à tuer que j’avais trouvé à l’époque le summum de la lâcheté amoureuse, le cancer est encore un sujet à débattre avec précaution ici. Alors, ce 9 mois ferme ? Pas mal. Pas mal du tout. Idée de base géniale. Vraie intrigue. Sandrine Kiberlain au meilleur, jamais je ne l’ai trouvée aussi juste que dans ce rôle de magistrate sans illusions. Qu’on cesse de lui faire jouer les grandes bourgeoises coincées qu’elle ne sait pas interpréter (elle n’a pas l’hystérie qu’il faut pour cela), il lui faut des rôles durs, des rôles intelligents, cassants. Pour ce personnage, elle mérite le césar. Les seconds couteaux : formidables, mention spéciale à Nicolas Marié, l’avocat bègue, et à sa magistrale plaidoirie. Dupontel lui-même plutôt pas terrible, sauf à la fin où il explose dans la tendresse. Je mets genou à terre (spécial Nathalie G. qui m’avait chaudement recommandé ce film) : c’est mieux que pas mal du tout, c’est même très bien. Ca y est, je l’ai écrit, c’est fait. Je maintiens cela étant ma position sur l’esthétique : j’ai bien compris que Dupontel filmait comme un branque de façon voulue, que sa caméra oscillante veut nous montrer l’absurdité de la vie via ses plans de traviole. Sauf que c’est inutile : quand les gags sont suffisamment forts, ce qui est le cas dans 9 mois ferme, les effets de style ne sont pas nécessaires ; ils ont tendance à appauvrir la justesse des non sens. J’aimerais aussi avoir une réponse (merci Nathalie G.) à une question toute bête : pourquoi, dans chacun de ses films ou presque, Dupontel apparait-il avec une prothèse de dentition dégénérée ? Fait-il une fixette ?