J'ai passé la journée de mardi dans un lieu au cœur des réalités : parmi les professeurs et les jeunes filles de terminale du lycée susnommé, à Saint-Jean d'Angély.
Au cœur des réalités puisque les élèves que j'ai vues se destinent à des métiers d'aide à la personne, et qu'un débat autour de la vieillesse était organisé avec la maison de retraite "Les Jardins de Mathis" de Saint Julien de l’Escap.
Tout a commencé il y a six mois. Le documentaliste du lycée, Monsieur Dovi Dom m'avait envoyé un mail pour m'inviter, dans le cadre du prix Chronos, à débattre avec les élèves au sujet de mon roman Chronos Blues.
Le prix Chronos est décerné par un public varié et couronne des livres qui parlent de la vieillesse et de la communication entre les générations.
Le mardi 17 mai au matin j'étais donc sur le quai de la gare de Surgères pour retrouver Mme Landraud, professeur au lycée et chargée de me conduire jusqu'à Saint-Jean d'Angély. J'étais à la fois fatiguée par une nuit d'insomnie et très curieuse de ce qui allait se passer. Comment réagiraient les jeunes filles (classe de 18 lycéennes), qu'allions-nous nous raconter?
A l'arrivée à Saint-Jean, j'ai vu deux clochers plus beaux que Saint-Sulpice : un bijou de dentelle de pierre non achevé était planté dans la ville, qui fut riche et puissante avant que le phylloxéra la ruine. D'élégants hôtels particuliers en pierre blonde évoquent cette splendeur brisée net.
Au lycée, Monsieur Dovi, le documentaliste de lycée Audouin Dubreuil m'accueille avec autant de gentillesse que Mme Landraud. La salle de documentation est claire, gigantesque et bien tenue. Un peu intimidée j'y suis présentée aux élèves : de très jolies filles de terminale CSS - ne flippez pas pour l'examen à venir, vous l'aurez si vous bossez comme vous le faites. J'ai visité le collège avec elles, et la classe de travaux pratique est étonnante : reconstitution des lits d'hôpital, mannequins de personnes âgées, fauteuils roulants, pouponnière pour celles qui se destinent au métiers de l'enfance... Elles m'ont donné un cours de "posture" : comment éviter d'avoir mal au dos en fléchissant bien les jambes lorsqu'il s'agit de porter de lourdes charges. Ce qui m'a tout de suite frappée : leur incroyable maturité. Je ne suis pas certaine qu'elles se rendent compte à quel point elles sont fortes. Rien à voir avec des adolescentes braillardes. Ces jeunes filles, à force de stages dans les maisons de retraite ou les maternelles, ont acquis une lucidité et une humilité stupéfiantes. Laver les personnes âgées ? Elles trouvent cela pas facile, mais comme elles le disent: " Nous serons un jour dans leur cas."
Elles sont toutes très mignonnes physiquement : modèles petite puce, plantureuse, liane, blondes-brunes-rousse. Mignonnes et calmes... Elles sont "bien élevées" et c'est devenu rare, les ados bien élevés. Après avoir fait connaissance (et fumé ensemble sur le parking du lycée), nous avons pris la route de la maison de retraite. Brutal changement d'univers. Déjeuner avec les résidents et le personnel du foyer, les élèves se mélangeant aux vieux - je devrais dire vieilles, majorité écrasante de femmes du 6 e âge. Les filles me briefent sur les résidentes : unetelle semble sympa mais c'est la pire langue de vipère qui soit. Une autre parait triste, mais elle est gentille. L'autre papy : y faire gaffe, il a beau être hors d'âge il ne parle que de sexe et n'hésite pas à vous mettre mal à l'aise dès qu'il le peut. Misère de vie ! ILS ne détèlent donc jamais ? j'apprends que le fameux pervers pépère a dit à une résidente : "Pousse-toi, la grosse !" et qu'elle lui a répondu : "Tu le veux, mon poing dans la gueule?" Je m'étouffe de rire et de raie aux câpres. Avec l'assistante du foyer, Mme Quiroz, nous convenons que les échanges entre les résidents, même musclés, valent mieux que le mutisme.
Dehors, il fait une chaleur étouffante. Dedans, c'est l'aquarium. Des visages parcheminés nous regardent. Ils expriment parfois une vivacité inentamée, parfois une silencieuse résignation. Le débat commence dans la grande salle de la maison : la vieille dame "chef de classe" dope ses copines. On craint qu'elle ne monopolise l'attention, au final elle sera douce comme une agnelle. Son CV : mélange de coeur d'or et de méchanceté, une incisive qui se mêle de tout, mais qui fédère une bande assez fatiguée. Chacun son rôle, jusqu'au bout de la vie.
Je ne raconterai pas le débat, je le garde jalousement pour moi. Ces trois heures à évoquer Chronos Blues, à le disséquer et à parler livres furent un enrichissement et je le dois aux élèves qui ont souhaité me rencontrer. J'ai aimé notre discussion sur le parking du lycée, à la fin de la journée et merci à Cassandra - je crois que c'est elle - pour m'avoir dépannée de deux clops'. A elle, à Zoé et à toutes les autres : vous pouvez être fières de vous (pour les piercings : allez-y mollo quand même...)
Dernier message : je garde nos confidences sur ce que vous aimez dans les livres. Vous m'avez enrichie et inspirée bien plus que vous le pensez. Grâce à Monsieur Jovi, tenez-moi au courant des résultats de votre BEP Carrières Sanitaires et Sociales.
Baisers d'une pine'up Vendéenne à ses petites cousines charentaises et à leurs super profs
Ps aux Get 27 : venez donc chanter au foyer, les vieilles y sont sympa (et appelez Séverine Quiroz de ma part, elle est au courant ainsi que le diecteur de l'établissement, Monsieur Haussmann)
Pps : Mon mari a perdu en 1969 l'hélice de son petit avion dans le bassin de la fontaine de Saint-Jean d'Angély. Passionnant, non?