SuperBelleAmie m’appelle ce matin.
- Tu fais quoi aujourd’hui ? Tu ne peux pas laisser ta boutique à tes esclaves (mes enfants) pour m’accompagner ? C est le dernier jour des soldes privées à Marne La Vallée Village.
Mèche dans l’œil, farfouillant dans la réserve de YOK je dresse l’oreille. C’est QUOI, Marne La Vallée Village ?
SuperBelleAmie m’explique patiemment que c’est un gigantesque outlet où on fait de très bonnes affaires.
- Y’a Dolce Gabbana et Paul Smith, tiens !
(SuperBelleAmie me connait bien, elle a décrypté ma soif d’Italie mâtinée d’excentricité anglaise). Ni une ni deux je décide de claquer en une heure le chiffre très satisfaisant que j’ai effectué en une matinée YOK. Et comme ce soir je suis invitée à l’événement le plus branchouille de la ville-lumière, il faut bien se réussir, nom d’une fille femme.
Nous voilà dans la clio sans clim de superbelleamie, poireautant comme deux blairettes dans un cagnard d’embouteillage. Si je l’appelle ainsi, c’est parce que sans ma solide hétérosexualité je crois que je serais tombée raide de SuperBelleAmie. Même quand il fait une chaleur de bête, comme dans sa voiture pourrie, elle reste superbe comme une reine des neiges. Je suis très inquiète d’aller dans un outlet. J’imagine une foule atroce, des mémères aux mauvaises teintures de cheveux et aux sourcils dessinés au crayon châtain gras, des types crados remorqués par lesdites mémères – bref l’horreur. Après une heure à cuire, nous arrivons au lieu-dit. Premier calvaire : trouver une place de parking dans ce temple de la consommation posé sur la plaine de la Marne. Mes warnings sont bouillants. Surtout quand une salope au visage de cochonnet tente de nous choper la mauvaise place que nous enfin avons trouvée après 15 mn de tours inlassables. Elle nous braille des insultes, en plus, cette voleuse. Mais SuperBelleAmie est comme moi : nous restons de marbre devant la vulgarité. Puis nous entrons enfin dans le petit parc dédié au shopping de masse. Brutalement je me retrouve transportée dans le Connecticut, ou à Minneapolis (ou dans la banlieue milanaise) : j’ai devant mes yeux une rue pavée jalonnée de pseudo auberges aux devantures aguichantes : Valentino, Ralph Lauren and co me sourient de toutes leurs blanches dents. Mais ma confiance n’est pas encore au rendez-vous.
-Tu es sure qu’il y a des trucs bien ? Pas des machins importables pour gogottes fans de marques ?
Paupières mi closes, SuperbelleAmie ne répond pas. Elle me jette dans une boutique italienne. C’est grand. C’est pas très beau. Mais les fringues…
Après une heure à nous admirer à tour de rôles dans différents emplois et contre-emploi – superbelleamie en wrap dress, moi en saharienne, superbelle en femme-fleur, moi en guêpière de sicilienne – Nos cerveaux se brouillent juste ce qu’il faut pour gouter au plaisir de l’achat « pour la vie ». En l’occurrence, de l’ultra féminin.
Les bobos de la place de la République n’ont qu’à bien se tenir : ce soir je serai la plus mignonne pour aller causer design. Enfin presque, nom d’une superbelleamie.
C'est quoi un outlet ? Ca se mange, ça se boit, se fume ? Je sens que mon manque de vocabulaire va se combler.
Rédigé par : Le Nain | 19 mai 2014 à 10:38