Le dernier roman de Catherine Hermary-Vieille, Merveilleuses (éd. Albin Michel) raconte l'amitié et la vie de deux femmes : Joséphine de Beauharnais et Thérésa Tallien avec pour toile de fond une période très peu exploitée en littérature, le Directoire (1795-1799).
L'époque se prêtait aux sarcasmes, mais Catherine Hermary-Vieille est une raconteuse d'histoire, pas une moqueuse. Elle ne juge pas ses héroïnes pas plus qu'elle n'épingle une vie parisienne égoïste, stupide, qui recrée à toute allure une palanquée de privilèges quelques années seulement après les avoir abolis. L'auteur choisit de suggérer comment deux femmes, qui paraissent un peu sottes et très artificielles, vont non seulement survivre à des périodes effroyables, mais encore vont réussir leur vie jusque dans la vieillesse.
Le roman décrit plus qu'il n'analyse, c'est au lecteur de se faire son point de vue. Et c'est très enrichissant. A vous de trouver ce qui vous intéresse, puisque Catherine Hermary-Vieille reste (très subtilement) dans le constat. Elle s'attarde sur la frénésie de mode des Incroyables et des Merveilleuses, les engouements, les tissus qui reviennent au gout du jour, les quartiers qui se parent de magnifiques hôtels particuliers, le vertige des fêtes comme celle du Bal des victimes. Les clubs qui se créent pour tout et n'importe quoi, le divorce qui devient une manie, les femmes qui font le pari de descendre les grands boulevards à moitié nues.
Hermary-Vieille réussit à parler d'époques troublées avec calme. Comment? Parce qu'elle se place du point de vue de ses héroïnes, se focalisant surtout sur Joséphine. C'est peut-être ma seule frustration. J'aurais aimé en savoir plus sur Notre-Dame de Thermidor, la belle Thérésa.
Joséphine est de dix ans l'aînée de Thérésa. Mais elles ont beaucoup de choses en commun, des qualités qui vont leur sauver la vie et leur donner une existence globalement heureuse.
Elles ont reçu une éducation d'aristocrate à la fin de l'Ancien Régime. Cette connaissance des codes leur sera précieuse sous le Directoire. Elles ont été mariées très jeunes à de vieux barbons débauchés. Elles accueilleront donc la Révolution avec joie, mais sans illusions. Elles sont un mélange de tenue et d'exubérance, la première leur servira durant leur court passage en prison, la deuxième en fera les reines parisiennes de la 1ère République. Elles ont parfaitement compris que pour réussir dans la vie, il faut savoir écouter. Elles ne sont pas les plus intelligentes, elles ne sont pas les plus belles, mais elles ont un bon fond. Cette gentillesse naturelle sera leur passeport de bonheur. Et heureuses, elle le seront bien plus que leurs hommes (Tallien, Barras, Napoléon...) qui, eux, finiront tous mal.
C'est un livre que je conseille car il arrive avec finesse à donner des clés pour comprendre combien la France est douée pour le luxe, et combien aussi le bon sens n'est pas toujours le sacrifié de l'artifice.
Baisers de la pine'up en mode languide.
PS: et si je revoyais ce charmant film de Rappeneau, Les mariés de l'an II?