La Carte et le Territoire est en train de pulvériser tous les autres livres sur son passage, et je vis en ce moment à son rythme minutieux et entêtant.
Pourtant, pendant longtemps j'ai détesté Houellebecq ; "détesté" est un grand mot : je n'ai pas aimé Houellebecq. Pour deux raisons : l'une est idiote, l'autre, défendable.
Raison idiote : le bonhomme me dégoûte, un vrai a priori physique, limite raciste. Ce visage de rongeur, œil torve, cheveu pauvre, j'imagine une transpiration aigre, un type dans un imper trop grand et douteux, le genre à squatter les sorties d'école... je me souviens de Beigbeder, à la sortie de "Plateforme", me soulant avec le talent de son copain et "sa souffrance ! t'imagines pas : quand il était jeune, il faisait tapisserie dans les fêtes, assis à côté du teppaz". Je m'en foutais complètement, de sa souffrance. Les seules souffrances qui me remuent sont celles des maltraités. Pas celles des solitaires. (Là, j'ai grand tort : Houellebecq s'est penché avec talent sur les solitaires et ils sont fichtrement nombreux.) Et puis ces postures de mec qui a le melon, de misanthrope célinien ralpince... Un ami m'a fait remarquer la façon grotesque avec laquelle il tient son clop' (entre le majeur et l'annulaire), "de l'art de tenir sa cigarette comme un baltringue"...
ça a achevé le portrait.
Raison défendable bien que très perso : ses bouquins étaient bourrés de scènes de cul. Or, sans être bégueule du tout, je crois simplement que le sexe ne s'écrit pas. Même ceux qui frisent le génie n'arrivent pas à m'intéresser à leur prose. Le sexe pour moi, au delà du divin toucher, se voit et se chante (photos, films, musique). Là, il peut me troubler. Beaucoup. Mais le lire ou le dire... mutilation, diminution des sens, affadissement, désincarnation. Les mots érotiques ne marchent pas sur mon imaginaire. Oh, je ne dis pas qu'ado j'aie pu être remuée par quelques phrases et je défaillirais d'horreur sans doute à la relecture des mauvais romans engloutis à cette époque, mais je persiste : dans un livre, soit on est dans un clinique laborieux, soit on plonge dans la cucutterie rasoire. Quand j'ai dû (demande d'éditeur) écrire un passage un peu "chaud" dans Chronos blues, j'ai haï cet exercice. Non, il n' y a pas de mots pour appréhender le sexe ; ils sont toujours réducteurs. Même Apollinaire m'emmerde.
Et avec tout son talent, sa musicalité d'écrivain INCONTESTABLE, Wellbecq m'ennuyait.
Pas avec ce livre. Il peut alors se consacrer à sa dentelle, à son style que je compare à une toile de Vuillard, classique, pointilliste, jamais académique.
Critique à venir de ce formidable roman que je n'ai pas encore terminé.
Baisers de la pine'up qui a du mal à ÉCRIRE le mot "baiser"
Le sexe peut aussi être de la dentelle...
J'aime Houellebecq comme j'aime Gainsbourg !
Rédigé par : Caritate | 10 septembre 2010 à 13:41
très bon ton billet. tu m'encourage à me le procurer...car depuis très longtemps, je fait un rejet de Houellebecq! c'est physique, épidermique et comme toi, je pense que le sexe ne s'écrit Pas !
Rédigé par : Linda.S | 10 septembre 2010 à 13:54
Caritate : dans le sexe, je n'aime que la soie, pas la dentelle... et c'est indicible
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 10 septembre 2010 à 14:10
Mmouais. Ta note est bien mais tu ne m'a pas convaincu. En fait, j'ai essayé à plusieurs reprises de le lire, je n'y suis jamais parvenu. Je n'aime pas, mais pour des bonnes raisons. Je n'aime pas son style et je ne comprends pas ce qu'il écrit. Pourtant le sexe en mots, ça peut être troublant, mais pas chez lui.
Rédigé par : Denis | 10 septembre 2010 à 14:48
En fait, pour moi la sensualité en mots peut être troublante. Pas le sexe. Or Wellbecq est tout sauf sensuel. Pour son style... j'espère non pas te convaincre, mais t'expliquer pourquoi je l'aime demain.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 10 septembre 2010 à 15:04
Ah, la scène de sexe dans "Comme le temps passe" de Brasillach, mais qui lit Brasillach de nos jours...
Rédigé par : Le Nain | 10 septembre 2010 à 15:32
J'ai lu "comme le temps passe" à 16 ans. Je me souviens avoir adoré ce livre, sans connaître les idéaux sordides du bonhomme. En revanche, voyez comme je suis cohérente, AUCUN SOUVENIR de la scène de sexe.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 10 septembre 2010 à 16:02
C'est un roman où il n'y a pas de politique. Il traite de ce que l'on appelait au lycée les "sujets-bateaux", l'enfance, la jeunesse, l'amour, la guerre, la mort.
Brasillach s'est lourdement trompé, il l'a payé de sa vie, mais c'est un grand écrivain.
Rédigé par : Le Nain | 10 septembre 2010 à 16:39
C'est vrai, dans ce très beau roman, point de politique. Et c'est vrai qu'on peut être un salaud et un grand artiste (c'est, du reste, quasiment tj le cas)
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 10 septembre 2010 à 16:50
Pouf pouf j'ai rien dit : ou plutôt 1/ le talent, l'immense talent, même, ne justifie pas les crimes (donc Brasillach a payé ses crimes comme les autres)2/ je hais les intellos qui mettent en avant le talent d'un artiste pour excuser ses horreurs perso (tentation libertaire foireuse). 3/ il existe TOUT DE MEME des génies qui sont des créatures délicieuses (mais elles sont rares). je suis sûre que Vittorio De Sica -une de mes idoles - était charmant
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 10 septembre 2010 à 17:03
Si le talent ne justifie pas les crimes, ceux-ci n'empêchent pas de reconnaître le talent.
Suis communiste si j'admire les poèmes d'Aragon, qui a chanté la Guépéou et Staline, suis-je fasciste si j'aime les talents de polémiste de Rebatet, suis anti-révolutionnaire si j'aime Rivarol ?
Trop réducteur que tout ceci.
Et je ne suis pas libertaire.
Rédigé par : Le Nain | 10 septembre 2010 à 17:34
Mais je n'ai jamais dit le contraire ! C'est L'INVERSE que je dénonçais (et ce n'est pas réversible)
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 10 septembre 2010 à 20:36
Oui, j'ai considéré les Particules Elementaires comme un TRES grand roman français de la fin du siècle. Le seul qui m'ait époustouflé en vérité. Ensuite c'est un peu barré en capilotade, comme lorsqu'un chanteur inspiré sur un premier disque tente de recycler la recette et n'aboutit qu'à se répéter, donc à lasser. J'ai acheté celui-là hier, en espérant te rejoindre dans l'analyse, non de la question "sexe" (à l'inverse de toi, rien ne me fait plus d'effet que les mots, dans ce registre) mais pour vérifier qu'il a bien trouvé le deuxième souffle. J'attends beaucoup de ce nouvel opus.
Rédigé par : Herve Resse | 11 septembre 2010 à 09:38
T'as qu'à biaiser !
Et chez Caritate tes pas la dernière avec les W, K et Y ...
Rédigé par : Dominique | 14 septembre 2010 à 19:48
Ouais mais bon, c'est frais ! Genre cuculgnangnan (je parle pas de Caritate mais des niaiseries que je ponds chez elle)
Oh, comme j'aime le biais ! (et les regards en biais). ça doit être mon côté catho vicieux
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 14 septembre 2010 à 19:58