C'est fou ce que tu ressembles à grand-père Raoul... C'est fou ce que tu ressembles à tante Odette... C'est fou ce que ce genre de phrase peut marquer un enfant innocent.
Ma cousine Émilie, après avoir entendu à 10 ans son père proclamer qu'elle était le portait de l'arrière-grand-mère Pineau était allée, dévorée de curiosité, jeter un œil dans les archives familiales. Elle eut un mouvement d'horreur devant la photo d'un pékinois au gros nez, l'air méchant, les sillons dévorant des joues de vieille, le visage dur le chignon dru et le cou enserré dans un ruban de velours noir d'une autre époque. Quoi ? Elle ressemblait à ce roquet hargneux, au groin épais ? Son père eut beau la consoler en lui répétant que l'arrière-grand-mère était surnommée dans sa jeunesse "bouton de rose" (on a du mal à y croire), ce spectre ridé la tourmenta plus que de raison.
Ma sœur est quasi tombée dans l'anorexie à cause d'un soit-disant air de famille.
Une autre cousine, devant la photo peu flatteuse de sa grand-mère en première communiante, fut toute désorientée par une identité que ma tante lui étiquetait d'office.
Notre famille a la manie des ressemblances et je n'ai pas échappé au schimiliblick : depuis mes 8 ans, il était évident que j'étais le portait vivant de tante Marguerite. J'acquiesçais poliment, vaguement inquiète de ce que cela signifiait. Tante Marguerite étant morte à 25 ans en mettant son deuxième enfant au monde au milieu des année 30, pas de photos à contempler, juste le chagrin encore vivace de ma grand-mère nantaise, mère de papa, qui décelait le visage de sa sœur chérie dans mes yeux interrogateurs.
Après tout, je voulais bien ressembler à tante Marguerite ; tout le monde s'accordait à dire qu'elle était aussi jolie que gentille mais ce fantôme, morte bien trop jeune, était un écho évident à ma terreur de mourir à cause des crises d'épilepsie.
La maladie s'étant calmée, tante Marguerite fut mieux acceptée. En grandissant, dans les rares rassemblements familiaux de grande envergure - la branche nantaise s'étant reproduite comme des lapins, hein les Tertrais, 220 à eux seuls sur FB - je tombais parfois sur un Libaudière (nom d'épouse de tante M) qui m'observait, mélancolique et fasciné. Une vieille personne de 50 ans me disait alors, à moi la jeunette de 15 : "comme tu ressembles à maman ! " une maman qu'elle n'avait connue qu'en photos. Je souriais, ne sachant que dire à cette cousine germaine de papa que je sentais inconsolable.
Ma grand-mère est morte, bien tard, à l'aube de sa centième année. A défaut de lui ressembler j'espère qu'elle m'a passé un maximum de gènes. Le chagrin s'est tassé, les boites de photos furent ouvertes. ET JE VIENS DE DÉCOUVRIR LE VISAGE DE TANTE MARGUERITE. Un choc.
Au delà d'une ressemblance bien réelle, j'y trouve mon sourire, la forme du visage, les yeux, tout. Son blair est un peu plus long que le mien mais ce sosie des année 30 me trouble infiniment. Elle a l'air joyeuse. Pleine de vie. Son mari était-il gentil avec elle ? Tante Libaudière m'obsède à présent. Mes lèvres qui n'étaient ni celles de papa ni celles de maman, ce sont les siennes. Mes yeux, un peu ronds, mi gris mi bleus, ce sont les siens. Mes bonnes joues : elles sont là. Mon drôle de sourire en levant le menton et retroussant les babines : elle a le même.
Suis donc, physiquement s'entend, plus nantaise que bretonne ou vendéenne. Et c'est la branche familiale que je connais le moins bien. C'est aussi la branche qui a soit-disant du sang indien (et même NOIR, selon certains, chic après un commentaire désapprobateur, je voulais dire : youpi, avoir ne serait-ce qu'une goute de sang noir ou indien me ravit. Et je précise "soit-disant "car j'ai hélas bien peur qu'il s'agisse d'une légende).
Tante Monnie, où que tu soies, prends soin de moi. Laisse-moi perpétuer ton sourire le plus tard possible sur cette vieille terre. je t'adresse cette supplique. S'il te plait, entend-la.
Baisers d'une pine'up qui aimerait tant mourir TRÈS TRÈS vieille
Ah oui !!!
Rédigé par : Caritate | 09 septembre 2010 à 14:24
Effectivement, c'est assez criant.
Personnellement je déteste cette manie de chercher des ressemblances, qui m'exaspère au plus haut point chaque fois que l'on cherche à tout prix à vous rapprocher d'une personne de la famille.
On arrive le plus souvent à une ressemblance hasardeuse, rarement flatteuse, qui donne le sentiment de se faire voler un bout de son identité, dans le seul but de satisfaire l'expert improvisé en pédigree qui se verra conforté dans son désir unioniste familial.
Mais c'est quand même fou ce que tu ressembles à ta grande tante Marguerite! ;)
Rédigé par : fredouat | 09 septembre 2010 à 14:53
Moi aussi, je déteste ça - et j'interdis aux parents de reproduire cette manie sur mes gamins (ils ne peuvent pas s'en empêcher). Mais la tante Margoton, c'est sûr, je peux pas la renier. Ce qui est drôle, c'est de ressembler bcp plus à une improbable grande-tante qu'à ses propres parents.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 09 septembre 2010 à 14:57
Et après la recherche de la ressemblance physique, on se lance dans la psycho-généalogie !
Rédigé par : Caritate | 09 septembre 2010 à 14:58
C'est tentant (mais morbide)
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 09 septembre 2010 à 15:01
Il vaut mieux ressembler à une improbable grand-tante qu'au facteur, ou au voisin, ou à n'importe quel autre personnage étranger à la famille !
Rédigé par : Caritate | 09 septembre 2010 à 17:14
ça... me rappelle une sœur d'Ingalls qui prétendait qu'elle ne ressemblait à personne et qui avait développé un syndrome enfant adoptée
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 09 septembre 2010 à 17:29
@Valérie: les années 1930 ne sont pas celles d#aujourd'hui. Je ne vois pas pourquoi vous ne suivez pas votre Grand-mère centenaire...
Je suis le portrait craché de la mère de mon père, par le caractère je suis un beau amalgame de tous mais surtout de mon père et de la mère du père de mon père. Du coté de ma mère, je n'ai pris que le nez, la myopie et la vésicule biliaire. Autrement dit: une maison avec plein de défaut de constructions, ou plus littéraires une maison biscornue!
Bonne soirée
Rédigé par : Helene | 09 septembre 2010 à 19:08
"C'est aussi la branche qui a soit-disant du sang indien (et même NOIR, selon certains, chic)"
Depuis quand ca passe au rang a titre accessoire "chic"d'avoir du sang metisse?? je trouve votre commentaire a la limite du politiquement correcte....
Rédigé par : ca m'interloque | 09 septembre 2010 à 23:37
1 : le politiquement correct est une notion qui m'emmerde. 2 : chic n'était pas à prendre au sens d'"élégant" mais au sens de "chouette", "youpi", etc. Rien de plus triste que les familles qui se marient entre cousins, ds une même religion, une même bien pensance, une même caste... Alors oui, chouette si un ancêtre a épousé une Indienne !
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 09 septembre 2010 à 23:43
Etant adopté, je ne ressemble à personne de ma famille, forcément. Des fois, j'aimerais bien....
Rédigé par : Le Nain | 10 septembre 2010 à 08:17
Cher Le Nain, une de mes meilleures amies a grandi dans une famille qui l'avait adoptée. Comme elle est très pudique, je ne connais pas ses interrogations. En revanche, je peux dire que c'est une des personnes les plus libres que je connaisse, dans le meilleur sens du terme. J'espère ne pas vous avoir heurté ou rendu mélancolique. Parfois, vous coller des ressemblances vous paralyse et vous freine. Parfois aussi, ne pas en avoir peut provoquer la même sensation, j'imagine. Et puis, je crois de toute façon qu'on ne ressemble VRAIMENT à personne.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 10 septembre 2010 à 11:32
Rassurez vous, vous ne m'avez point heurté, ni rendu mélancolique. J'ai même fait l'arbre généalogique de ma famille adoptive que j'ai remonté jusqu'en 1576, ce qui me rend tout fier. Et j'ai pu rassurer ma soeur, adoptée elle aussi,si le cancer du sein est héréditaire, elle ne risque rien de ce côté là, car nous ignorions nos azdoptions.
Rédigé par : Le Nain | 10 septembre 2010 à 15:28