Môman n'était pas tj facile à vivre quand nous étions enfants, mais elle avait deux qualités précieuses (elle les a tj) : un grand sens du gag et un goût musical impec (une mère qui vous oblige à écouter Dylan/Stones/Beatles/Cohen/Joplin/Carole King et tutti quanti tout en étant fort catho et d'une élégance enviée ds tt le quartier est un paradoxe ambulant). Papa est bosseur, maman, une vraie cancre. tendance Gaston Lagaffe.
lorsque j'eus mon bac sa réaction fut : "cesse de te réjouir ainsi et pense aux malheureux qui l'ont raté".
Donc, à la moindre grippe, à chaque anniv', ou pour garnir les cagouinces familiales il y avait, trônant en majesté : SPIROU. (Môman est Belgo-Bretonne, ceci expliquant peut-être son doux mélange d'abnégation et d'humour drolatique).
Je me vautrais ds les énormes albums reliés,
un sandwich ds une main, l'autre feuilletant avec impatience les pages tachées de gras de ces trésors. Il y avait les petit maîtres : Macherot (qui vient de mourir et dont les albums sont introuvables, dommage !) et sa souris Sybilline,
une très jolie histoire bien constuite dont je me souviens encore par bribes (comment s'appelait l'ignoble belette à la tête de l'armée des rats ?). Il y avait Will/Macherot/Franquin/Delporte et leur Isabelle,
belle bande dessinée onirique dont je viens de racheter l'intégrale (les premiers sont excellents, à la fin c'est n'importe quoi). Ah, la maison sur pilotis de la jolie Calendula !
J'en rêvais. Il y avait Génial Olivier, de Jacques Devos,
et l'instit sadique, monsieur Rectitude. Le gros crétin Absalon, Berthe, l'emmerdeuse. Et Olivier qui inventait des trucs fantastiques (la machine à copier les punitions, par ex).
Mais le plus GRAND, le DIEU, le MAITRE, c'était LUI : André Franquin (si j'avais eu un autre fils, sans rire je l'aurais appelé André)
Les fou-rires liés à Gaston Lagaffe ont illuminé mon enfance souffreteuse. J'ai lu ds un magazine très sérieux, à la mort de Franquin, que "Gaston est l'archétype du dépressif".
Si tel est le cas, je me revendique avec fierté comme appartenant à cette communauté. Ah, la galerie savoureuse des deuxièmes couteaux... Mélanie Molaire,
la vigoureuse agent d'entretien des éditions Dupuis ; Joseph Boulier,
le comptable atrabilaire. Yves Lebrac,
dessinateur amoureux de Sonia,
la grande gigue secrétaire du bureau de Moiselle Jeanne. Jules de chez Smith en face,
le bon copain. Bertrand Labévue,
l'ami bipolaire qui compte les hérissons morts sur la route. Ducran et Lapoigne,
les malheureux voisins des bureaux Dupuis. Lontarin,
l'agent de police bouc émissaire et, bien sûr, l'atroce De Maesmaker,
l'homme aux contrats ravagés par l'ouragan Gaston.
Ds le premier cercle : Fantasio puis Prunelle (j'ai un faible pour ce dernier)
Rrrodudddjjjjjiiuuu; et la petite fiancée moiselle Jeanne
qui s'arrange physiquement avec les années.
Et le gaffophone !
le chat ! La mouette rieuse ! Hyyyyaaaaaaaarrrhhhhhhh
J'ai effectué de magnifiques sauts de l'ange en plongeant ds ces albums. Le dernier est moins bien, "pollué" par un écologisme hargneux et beaucoup moins inventif. D'ailleurs, Franquin, pourquoi rendre l'homme à la Ford T écolo
Lui qui est né pour produire des gaz aussi destructeurs qu'hilarants ?
Pour plus d'infos : www.gastonlagaffe.com
Dimanche et rien à faire. Alors, un petit Johan et Pirlouit ("le pays maudit") avant un goûter chocolaté. Dimanche, jour du repos joyeusement régressif. Pardon ! instructif, cf môman (qui va m'engueuler car je ne suis pas allée à missa.)
La pine'up vous embrasse, un spécial pour mon frère Tergal, Depoil,
au patronyme très Franquin, qui a fait une critique de "Chronos blues" aux petits oignons. N'est-il pas adoraaaaaaaaable (dit façon moiselle Jeanne). A suivre Goscinny/Gottlib/Bretecher
"Le jour où Gaston Lagaffe m'a sauvé la vie..."
S'est-on seulement demandé à combien de jeunes humains ce sympathique anti-héros a redonné confiance en la vie ?
Combien d'adolescent(e)s en devenir ont-ils rêvé un jour d'avoir un tel copain, un soutien sans arrière-pensée ni conséquences, un poteau qui les soulage du poids du monde, un peu, juste comme ça, de temps en temps...
Lorsque je grandissais, tout autour, il n'y en avait que pour la réussite, le progrès, le péter plus haut que ses fesses (une prouesse dont j'aimerais bien, un jour, être témoin...). Pas de questions. Pas de doutes. Rien. Droit devant.
Pas de minorités à l'époque. Les nains n'étaient pas encore des personnes de petite taille, les gros étaient bien des gros lards et non des personnes à forte corpulence. Les laiderons n'avaient pas encore accédé au royaume des physiques singuliers et les simples d'esprits étaient voués à la guéhenne et au dépotoir social...
Les ados ? des choses informes en devenir (quoi ? qui ?), en révolte, en boutons et en larmes...
De fait, il s'agissait d'être la plus belle, la plus intelligente, la plus sage, la plus douée, la plus talentueuse, la plus remarquable des créatures ayant jamais foulé le sol... Affaire mal engagée et perdue d'avance.
Et pi.... et pi v'la t'y pas le Gaston qui se pointe, pouet pouet, dans un nuage infâme d'où émerge sa deuch'.
Le Gaston et ses gastonneries incroyablement drôles et supérieurement futées.
Le Gaston qui casse tous les clichés de l'époque à coup de fromage de chèvre roulés en cylindres, en lieu et place des précieux contrats.
Le Gaston qui conduit les puissants à envisager, à leur tour, le suicide... !
Le Gaston, c'est mon Billancourt à moi. Mon cuirassée Potemkine. Ma Françoise Dolto et ma Jeanne D'Arc réunies.
Mon rayon gamme dans l'eau froide.
Innocent et subversif comme jamais avant et jamais depuis.
Frankin est plus qu'un génie, c'est tout simplement un très grand monsieur.
Merci Valérie pour cette évocation cagouinesque et ces remontées du temps jadis !
Rédigé par : Cath | 31 janvier 2010 à 19:03
M'enfin !
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 31 janvier 2010 à 21:32