Un homme politique plutôt mesuré meurt et l'hagiographie s'enflamme comme une poudrière sur les réseaux sociaux. "Nous sommes orphelins de Rocard, Rocard, l'homme au parler vrai, Rocard, injustement tué par Mitterrand, Rocard, qui conjuguait économie de marché et humanisme, Rocard, l'homme droit et intègre comme on n'en fait plus etc etc etc".
J'ai machinalement partagé l'annonce de son décès, sans m'appesantir, faute d'avoir bien connu son programme. Il me semblait en effet réformiste, mais pour le parler vrai, j'avais connaissance de rumeurs plutôt contrastées (l'homme n'intervenait jamais sans être payé). J'ai donc partagé cette annonce plus par respect à l'égard des personnes engagées depuis longtemps dans la vie politique qu'autre chose.
Et ce matin, parcourant distraitement le journal, je tombe sur ceci:
Non, vous ne rêvez pas et le pire, j'ai l'impression diffuse que cela ne choque que moi. Cet homme a écrit ses dernières volontés en précisant qu'il exigeait un hommage national. Avec allocution présidentielle, s'il vous plait. Plus un hommage particulier rue de Solférino. Et des cendres dispersées en toute simplicité dans un somptueux village corse. Personne ne relève l'incroyable vanité humaine ? Personne ? Michel Rocard, jamais ELU par la France entière - on pense ce qu'on veut de François Mitterrand mais il avait été élu par le peuple - juste nommé brièvement ministre, demande un hommage national...
Si n'importe qui peut être Victor Hugo, je ne vois plus l'intérêt de se retenir et j'incite n'importe quel lambda moyen à exiger ses funérailles nationales pour ruiner un peu plus vite le pays. Soyons tous prétentieux, c'est dans l'air du temps.
On peut aussi relire avec nostalgie le testament de Charles de Gaulle, bijou d'humilité suprême ou d'orgueil absolu, je ne sais pas. Mais je préfère l'orgueil à l'hypocrisie. Et quitte à être orpheline d'un grand homme, je sais qui je choisis.
Pour mémoire :
Le testament du Général
Document manuscrit, fait en 3 exemplaires numérotés (le 1er à Georges Pompidou, le second à Elisabeth de Gaulle et le troisième à Philippe de Gaulle)
Je veux que mes obsèques aient lieu à Colombey-les-Deux-Eglises. Si je meurs ailleurs, il faudra transporter mon corps chez moi, sans la moindre cérémonie publique. Ma tombe sera celle où repose déjà ma fille Anne et où, un jour reposera ma femme. Inscription : Charles de Gaulle (1890-?.). Rien d'autre. La cérémonie sera réglée par mon fils, ma fille, mon gendre, ma belle-fille, aidés par mon cabinet, de telle sorte qu'elle soit extrêmement simple. Je ne veux pas d'obsèques nationales. Ni président, ni ministres, ni bureaux d'assemblées, ni corps constitués. Seules, les Armées françaises pourront participer officiellement, en tant que telles ; mais leur participation devra être de dimension très modeste, sans musiques, ni fanfares, ni sonneries. Aucun discours ne devra être prononcé, ni à l'Église ni ailleurs. Pas d'oraison funèbre au Parlement. Aucun emplacement réservé pendant la cérémonie, sinon à ma famille, à mes Compagnons membres de l'ordre de la Libération, au Conseil municipal de Colombey. Les hommes et femmes de France et d'autres pays du monde pourront, s'ils le désirent, faire à ma mémoire l'honneur d'accompagner mon corps jusque sa dernière demeure. Mais c'est dans le silence que je souhaite qu'il y soit conduit. Je déclare refuser d'avance toute distinction, promotion, dignité, citation, décoration, qu'elle soit française ou étrangère. Si l'une quelconque m'était décernée, ce serait en violation de mes dernières volontés.
À se demander si ça n'est pas un coup de pied de l'âne de Cambadélis qui a divulgué l'info...Rocard ayant étrillé le PS dans l'un des derniers Le Point.
En tout cas, merci pour la reproduction des dernières volontés du grand Charles !
Rédigé par : Stephanie | 04 juillet 2016 à 22:25
Après la stupéfaction, j'y ai pensé aussi... C'est tellement prétentieux et à coté de la plaque que Cambadélis s'est peut-être empressé de partager l'info... Bien,s'il m'arrivait qq chose, perdue pour perdue, je souhaite la Patrouille de France et la Tour Eiffel qui scintille à mes couleurs (et des hologrammes d'Elvis, Chaplin et Lubitsch, tant que j'y suis). Plus sérieusement : appréhender la mort au prisme de la gloire posthume, c'est n'avoir rien, mais alors rien compris à la vie.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 05 juillet 2016 à 00:31
C'est toute la différence entre un homme politique qui se sert de l'état pour satisfaire son ego, fût ce post mortem, et un homme d'état, qui méprise ce genre de hochet. De toutes façons, de Gaulle avait une piètre opinion de la classe politique, et ne voulait pas d'hommage de la part de celle-ci.
Rédigé par : Le Nain | 05 juillet 2016 à 08:08
j'ignorais cet éclairage particulier, en effet celà donne à réfléchir.
Rédigé par : shimrod | 05 juillet 2016 à 08:45
sans commentaire...http://www.huffingtonpost.fr/2016/07/03/michel-rocard-hommage-cambadelis-ceremonie-religieuse_n_10792804.html
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 05 juillet 2016 à 09:40