Faut-il aimer Elvis pour voir le film de Liza Johnson qui vient de sortir sur nos écrans ? Honnêtement, je ne sais pas.
Je suis allée le voir hier soir avec ma fille, laquelle n'est pas trop portée sur les elvisolatries même si elle prétend qu'à force d'avoir été gavée au King depuis l'enfance lui donne une certaine porosité au mythe.
J'avais vu la photo de Michael Shannon en Presley avant de visionner le film et j'avais été dévastée d'horreur devant l'étendue du sacrilège: un rat à la peau salingue, la bouche en tirelire, tout de guingois planté, l'air déguisé dans les costumes d'apparat... Lui, mon Elvis? Jamais. Kevin Spacey, fort de l'aura de House of Cards, semblait un Nixon crédible.
Avant de voir le film (dernière séance), ma fille Colette m'a demandé de lui parler de Presley. Comment était-il enfant? Il vivait comment? Il se droguait beaucoup? pourquoi il est mort si jeune? Il aimait les nanas? Il picolait? Etait-il violent? Pourquoi je l'aimais tant, au delà de la musique...
- Elvis ne se droguait pas avec de la came comme l'héroïne ou la coke. Il se droguait aux médicaments (air inquiet de Colette). Il mélangeait antalgiques, amphèt et hypnotiques. Et il en est sans doute mort. Pour l'alcool, il n'y touchait jamais; il détestait ça, il faut dire que dans sa famille paternelle, il y avait pas mal d'alcooliques et le spectacle n'a pas du être agréable. Il a eu une enfance très pauvre, mais jamais il n'a manqué du principal, c'est-à-dire l'amour. Ses parents l'aimaient énormément. Sa mère le couvait, son père ne jurait que par sa femme. Il était choyé (air rassuré de Colette). C'était un enfant à la fois très poli et très nerveux. Il l'est resté, adulte. A l'âge de 20 ans, à peine son premier succès enregistré, il est devenu un phénomène, une star. Il n'a jamais pu marcher dans la rue seul. Une gloire à ce stade-là, c'est très rare, et heureusement car c'est monstrueux. Il en est sans doute mort aussi, de cette gloire écrasante. Il aimait les nanas ? Que oui... la violence : pas vraiment... enfin si, il tirait quand même sur sa télé avec des flingues (air horrifié de Colette) mais il n'a jamais frappé qui que ce soit (air adouci de Colette). Et si je l'aime tant, c'est pour ce mystère entre politesse et drôlerie - il était très drôle et il adorait se foutre de lui. Il avait gardé autour de lui sa bande de potes de l'enfance. Un de ses amis les plus fidèles, Jerry Schilling, qui est toujours en vie, a été consultant sur le film qu'on va voir et qui raconte la rencontre entre Elvis et le président des US de l'époque, Richard Nixon. Mais je ne suis pas du tout certaine que le film soit bon, hein, on va voir, on va découvrir...
Et on a découvert le film... Au début, en voyant la tronche de l'acteur j'ai poussé une exclamation sourde : "Mais il est carrément immonde!" Colette a piqué sa première crise de fou-rire tandis que je me renfrognais dans mon fauteuil. Le générique, ravissant bien que pompé sur ceux de Saul Bass, m'a séduite. Puis... Puis je me suis laissée envouter... parce que le charme Presley est bien là, dans son mélange détonnant entre parfaite connaissance de la nature humaine et grande naïveté, entre générosité et désillusion... Entre souffrance d'être incompris et acceptation à la fois sage, drôle et dangereuse de cette souffrance, entre sureté totale en son talent et quasi tristesse de posséder un don pareil... Formellement, ça n'est pas du tout Presley - il n'y a d'ailleurs aucune chanson d'Elvis pour scander le film - mais fondamentalement le pari est réussi : Johnson et Schilling ont fait un très bon travail (au passage et c'est curieux, l'acteur qui joue Schilling a, lui, quelque chose d'Elvis physiquement). Spacey cabotine pas mal, mais son interprétation assez sympathique de Nixon, sans être une perf d'acteur, est convaincante. Shannon joue à fond la sobriété, ce qui lui permet deux moments d'anthologie, deux monologues, l'un comme l'autre face à un miroir où il interroge le destin avec une pudeur elvisienne.
La fameuse scène du bureau ovale qui cloue le film n'est pas celle que je préfère - à l'exception du karaté final qui m'a fait rire aux larmes. Mais j'ai aimé une infinité de détails (Elvis débarquant dans un fast food pouilleux, Elvis séduisant la terre entière par sa seule présence -pas trop crédible vu la démarche gauche de Shannon et son coté un peu crade alors qu'Elvis, en parfait homme du sud, était toujours impeccable-, Elvis tendre avec ses potes, à la fois paternel, nourricier et gamin...)
Pour une vision du Elvis sombre, hilarant, lunatique et extra lucide, allez voir ce film.
Mais pour la gestuelle magique d'Elvis, pour la façon dont il communiquait sa joie, sa sensualité rieuse de chanter et d'être, allez plutôt par là.
Et matez le léger déhanchement final : un don pareil, on l'a ou non, mais il ne s'apprend pas.
Ps : Colette a mis la note de 19 au film (elle a adoré). je vais être sobre, je mets un 15...
Ce n'est pas mon truc. Elvis m'est aussi étranger que le Nô japonais. D'ailleurs, je n'ai même pas compris le titre du billet.
Rédigé par : Le Nain | 26 juillet 2016 à 07:31