Après les femmes et les enfants, l'EL a égorgé devant son autel un vieil et humble curé de campagne avec toute la mise en scène voulue dans l'escalade à la lâcheté. L'immense majorité est bouleversée et glacée.
Accablée, je recopie les réactions qui m'ont touchée ici et là.
En premier lieu la lettre du père Jacques souhaitant de bonnes vacances à tous parue dans La Vie. Et l'émouvant article de François Miclo.
Mais aussi les témoignages d'autres confessions, notamment celui du CRIF, et ceux, épars, des nombreux musulmans révoltés. Mais aussi celui des athées qui mesurent la symbolique atroce de ce geste. Mais encore... surgissent la bassesse, la mesquinerie, la méchanceté et l'aigreur. Après le mutisme, certains y vont d'une vanne ignoble sur le clergé catholique. Parfois sur des supports de l'Education Nationale, parfois à leur compte sur twitter et FB. "Ah, si on peut plus rigoler" ai-je même lu.
Oui, c'est peut-être le temps du grand ménage confessionnel et humain. Peut-Être aussi est-ce le temps des Grandes Espérances.
Je suis issue d'une famille catholique pratiquante. J'ai pris le large avec le dogme à ma majorité. Non pour des raisons de foi, mais pour des raisons que je qualifierais de féministes, ne trouvant aucune raison factuelle à interdire la pretrise aux femmes. Et puis je n'ai jamais compris dans le dogme cette glorification de la virginité ; le sexe est surestimé à la fois par les religieux et par les athées libertaires : je n'ai jamais trouvé le sexe sacré ou honteux. Je le trouve bon, pas avec n'importe qui, pas n'importe comment.
Si j'ai pris des chemins de traverse, la lecture des évangiles me touche toujours autant - l'amour et les colères du Galiléen me font du bien.
Je suis issue d'une famille catholique pratiquante avec un frère qui a épousé une Séfarade et une soeur un Kabyle d'éducation musulmane. Mes neveux et nièces sont les sang mêlés d'un amour familial. Avec la bénédiction de parents croyants. Nous aimons Emilie et Adda comme nos frères et soeurs, et c'est ainsi que nous nous appelons.
Mes trois meilleures amies : l'une est d'éducation musulmane. L'autre est d'éducation chrétienne mais est agnostique. La troisième est juive et athée. Celui que je considère comme mon grand-père était juif croyant et pratiquant. Mes deux grands amis viennent de fêter leur mariage gay. J'y étais, émue et heureuse. Car si je me positionne contre la GPA-PMA, ne supportant pas l'idée de la femme objet, je crois en l'amour entre deux êtres, peu importent les joyeusetés du genre. Et j'ajoute, au risque de choquer, que je trouve un bénéfice à la manif pour tous : avoir ouvert les yeux sur l'aspect hideux de ce qui consiste à payer un ventre indien rempli d'ovocytes ukrainiens pour avoir le bébé blond de ses rêves.
Ce monde-là, mon monde, je le défendrai bec et ongle. Chaque jour j'ai des exemples pour contrebalancer l'horreur. J'ai en tête celui de mon cousin, urbaniste, qui a mis en relation sur le plateau de Saclay une congrégation de religieuses avec une association humanitaire ultra laïque qui réinsère les SDF grâce à un potager ouvrier. Les deux ont fait de véritables miracles ensemble. Et j'espère que ces micro miracles continueront à fleurir.
J'espère qu'en dehors de pleurer nos morts nous serons capables de nous battre en gardant notre gentillesse et notre drôlerie. Je l'espère au nom du Bataclan, du policier et sa femme assassinés, de l'industriel décapité, des dessinateurs et des clients de l'hyper casher fusillés, de la foule écrasée et du père Jacques égorgé.
Je suis contre le port du voile, contre l'asservissement de la femme, contre l'homophobie et j'ai la chance de pouvoir le dire et le vivre. Je suis aussi une petite personne effarée par la méchanceté, la jalousie, l'amertume. Effarée par certains propos tenus sur le net par ceux que je croyais des amis.
Je partirai à la guerre sans problème contre l'obscurantisme, le crime et l'ignominie. Mais pas avec tout le monde. Ceux qui refusent de serrer la main aux femmes : dehors. Ceux qui ricanent en permanence sur le religieux, s'enorgueillissant d'être athées sans réaliser que le XXe siècle, siècle de la mort du religieux, n'a pas empêché le Mal de faire son oeuvre : dehors aussi. Le prosélytisme me révulse, quelle que soit la religion et la religiosité pompeuse de certains athées commence à me fatiguer.
Je pleure le père Jacques, je pleure toutes les victimes de Nice, je crois hélas que ça n'est que le début et j'espère que s'il y a un temps pour vivre et un temps pour mourir, nous serons assez forts pour guerroyer ensemble contre les semeurs de mort.