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Rédigé à 11:59 dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (2)
- J'essaie de lire les journaux féminins, mais franchement, quelle nullité ! En 6 secondes j'en fais le tour.
Cet ami ne l'a pas exprimé tout à fait ainsi, parce qu'il n'est pas catégorique. Il l'a plutôt dit sur un mode incrédule. A la façon d'un homme qui essaie de s'y intéresser mais qui n' y arrive, pas, il jette l'éponge devant une telle... vacuité. Les femmes sont-elles toutes des bourgeoises-et-fières-de-l'-être avec leurs petits ricanements, leurs dérisoires désirs de jeunesse, leur coté bande de chipies, leur obsession de la nourriture aussi saine qu'infecte et leur conformisme érigé en valeur absolue ? Parce que oui, si on lit scrupuleusement les magazines féminins, on peut le penser.
Pour défendre ce Grand Ami, tu as raison, on a l'air bien crétines, nous, les femmes, à travers ces paysages marketés qu'on nous impose. Mais, tu sais, les magazines pour hommes ne valent pas mieux... Ah ils sont beaux les minets de GQ et tutti quanti sanglés dans leurs costumes Slimane qui leur donnent l'air de jockeys courts sur pattes, obsédés par les applis, les femmes-trophées, les vacances dans les spas pour perdre leur début de ventre, leur culture générale qui se résume à aller au concert du dernier groupe trendy ou la lecture en diagonale du roman scandaleux-dont-ils-ont-entendu-parler dans leur salle de gym..., ils sont beaux, les petits monsieurs qui rêvent de ressembler à Denisot lorsqu'ils auront 60 piges...
Madame parfaite et Monsieur parfait se tiennent la main sans affect particulier et trottinent sous le ciel des grandes villes françaises ou étrangères l'oeil à peine aux aguets et l'esprit tranquille. Ils sont le coeur de cible de cette masse informe qu'on appelle la presse modeuse. Déjà à l'école, ils étaient ainsi structurés : souvent très bien intégrés, pouvant être assez déplaisants avec celles et ceux qui dépassent, plutôt bons vivants, réguliers et gracieux avec une pointe d'ordinaire. Le fait de ne pas être REMARQUABLES, d'avoir la sensibilité d'un géranium, ils en ont fait une force ; celle de construire un groupe solide, une vraie socialisation qui dépasse les clivages droite/gauche. Du Troca à Oberkampf, de Meudon à Montreuil, ils changent vaguement d'uniforme, la classe sociale tangue un peu, mais la prison de pensée est la même.
Madame parfaite a la silhouette martyrisée par son coach personnel qu'elle refile en gloussant à toutes ses copines. Elle a épousé monsieur parfait, dans un élan de reconnaissance instinctive. Son intérieur a ça de significatif : on n'y trouve pas un vrai livre, sauf les livres pour illettrés : les livres d'art ou de design achetés "pour faire joli". Pas de photos de la famille à l'exception des enfants - les grands-parents font tache dans son nouveau paradis moderniste. Monsieur parfait est au bord du burn out, au bord seulement. Il a parfois du mal à supporter son travail, mais la vision de ses enfants partant s'installer à Dubai ou à Rio le rassérène un peu (oui, même les gauchos pensent comme cela). Il suit la mode comme une bête, même s'il s'en défend (il s'en défend de moins en moins). il s'habille parfois "sportif", plus ou moins consciemment, parce que "ça fait jeune". Il a des produits de beauté mâle, perdre ses cheveux le traumatise. Lorsqu'il s'aventure dans le design, il a des goûts "épurés" - comprenez : il a une terreur de faire une faute de goût, plutôt un appartement ressemblant à une chambre d'hotel que risquer d'avouer qu'il regrette que sa femme ait jeté sa tirelire-cochon.
Il est l'esclave consentant, comme madame, à tout ce qui lui permettra de savourer les dîners entre soi, des vacances entre soi dans un bel élan uni générationnel, des dîners vive le vin à ceux vive le quinoa en passant par les dîners vive nos enfants. Avec madame parfaite, leur rêve déco (attendre 55 ans pour cela) est d'avoir une lounge chair Eames à 6000 boules - la vraie, pas les copies italiennes, nom d'une pipe, je n'ai pas trimé pour une copie ! Avec la table Knoll et les chaises-tulipe Saarinen, c'est le fantasme d'une vie. Madame, qu'elle travaille ou non, est entourée d'une myriade d'amies clonées sur le modèle petits traits pointus-cheveux-longs-j'adule Charlotte Gainsbourg-je fais du yoga-mes enfants sont ignobles avec moi - ça passera- je fume un joint de temps à autre - parce que je suis originale- enfin je pense.
Mais... Monsieur et Madame parfaits ont un regret d'anciens étudiants moyens. Une chose les gratouille, les chatouille : ils savent que si question silhouette ce sont de très bons élèves, question culture générale (cad fantaisie, rêve, faculté de changer d'univers) ce sont de gros cancres. Alors, trottinant main dans la main, ils lisent les journaux de mode, des classiques aux pointus, espérant glaner ici ou là l'aspérité qui leur fait défaut. Et comme les journaux modeux NE PEUVENT PAS LES REJETER SINON C EST LA FAILLITE, ils les flattent à longueur de pages en glissant ici ou là un article au choix croustillant, au choix profond, qui distillera un micro doute dans leurs cervelles : ah oui ? Il faut avoir cela pour être du sérail ? Il faut se trainer à telle expo pour obéir au sacro-saint et ineffable air du temps ? La boucle est bouclée. C'est ainsi depuis... depuis la nuit des temps.
Soyons bienveillants avec les monsieur parfaits et les madames parfaites : à défaut de s'adorer et de former des couples qui donnent ENVIE - c'est rarement le cas -, ils sont souvent de bonne humeur. Pestouillards, peu inventifs, mais de bonne humeur. Eh oui, toute médaille a son revers : c'est chouette, le groupe, mais en groupe, on est moins fantaisistes que seuls ou à deux.
Et puis il y a Historia et Géo pour nous sauver, hein ?
Rédigé à 23:43 dans Chose publique | Lien permanent | Commentaires (4)
- Et si on se cassait à Berlin pour un we ?
- Chiche !, ai-je répondu à Minnie
C 'était la semaine dernière et cela semble déjà hors du temps. Une parenthèse brumeuse, un voyage amical, une étrange découverte - j'étais allée à Berlin en 97 lors d'un voyage-éclair qui n'avait pas pour but de visiter la ville. Celle que j'ai un jour surnommé "Minnie" s'appelle Nathalie. Notre amitié est sous le signe du complémentaire car nous sommes aussi dissemblables que possible ; seule une hypersensibilité nous relie, elle, la passionnée, moi, l'enthousiaste, elle, l'énigmatique, moi, l'extravertie, elle, la lumière du nord, moi, celle du sud. A elle la réplique qui tue, à moi l'ironie. Ce qui affleure en sourdine est une fêlure d'enfance que nous possédons l'une comme l'autre et que nous tamisons avec nos armes et nos parades.
Avant même de commencer ce périple, tu me demandais déjà de le retranscrire. Berlin...
- Valérie, ton Berlin fantasmé sauce Lubitsch/Max Reinhardt/Bauhaus/Gropius/expressionnisme n'existe plus depuis une éternité. Il est mort avec la guerre. Berlin, c'est un no man's land, un film de nulle part. Je l'aime pour ça, je m'y sens bien. Je ne sais pas comment tu vas trouver cette ville, mais je suis curieuse d'avoir ton avis.
Un no man's land ?, aimer un no man's land ?
Comment me glisser dans la capitale qui éclaire ton visage ? A peine sortie de l'avion tu t'exclames : "Comme elle est belle !" Nous avons marché. Beaucoup. J'ai tenté de comprendre la ville, et toi à travers la ville.
Si je deviens poreuse, transparente, empathique, voilà ce qui émerge : le ciel est bas dans cette immense ville de plaine dont on ne distingue pas les limites distinctes hormis le mur qui t'importe peu, mais qui m'obsède. Il n'y a pas de castes, pas de pression, peu d'esthétisme affiché hormis les nouvelles réalisations architecturales ; l'esthétisme s'y explore de nuit, pas de jour. De jour, on voit une classe moyenne qui se promène, donnant à Berlin l'image avenante d'une cité aux loyers accessibles, une ville non reservée aux élites fortunées, une métropole qui s'étale entre parcs, canaux, architecture industrielle très présente, immeubles d'autrefois ravalés et restaurés. Elle n'échappe pas - tu vas bondir - à une certaine fadeur. Mais elle se rattrape par une courtoisie d'un autre âge, rassurante, vestige prussien du civisme nordique. Sa beauté a une couleur sourde, celle d'un jaune-beige, d'un gris foncé. Du noir, aussi. Elle ne possède pas l'écrasante splendeur de Paris qui distille les états d'âme à l'infini. Elle n'a pas le dynamisme électrique et dispendieux de Londres. Ce n'est qu'une capitale politique, on sent que les pouvoirs industriels et financiers ne sont pas là. Elle récolte les artistes, les créatifs, les architectes. Mais difficile de déceler le va-et-vient entre l'argent et la création pure. Comme si les deux ne se rencontraient jamais. Il n'y a pas d'embouteillages, pas de nervosité urbaine. Les réalisations signées Foster, Dudler ou Chipperfield semblent avoir été construites sans autre but que d'être sagement admirées, presque rêvées. Tu t'attristes de ses cicatrices, de son aspect bombardé ; je n'y arrive pas, je ne suis sensible qu'à son coté renaissant. C'est une ville poétique. On a tué son orgueil ? Elle renait par l'humilité. Et une forme d'étrangeté.
Tu voudrais y vivre. Moi, je ne sais pas. Il faut y retourner pour le savoir. A priori, non. J'ai besoin d'une intensité visible, limite théâtrale que je ne pourrai pas trouver dans les villes de l'est - je préfère New York et le soleil couchant. A l'ouest, toujours plus à l'ouest. Comme si, dans ma tête, il fallait inlassablement aller de l'avant. Mais je comprends pourquoi tu aimes sa respiration sage en surface, saccadée lorsque le monde de la nuit s'éveille. Ce n'est pas une ville musée, elle est réelle, elle donne ce qu'elle a sans fioriture. Pas de tricherie, pas de moquerie. Tu avais raison, le Berlin que j'avais fantasmé, trivial à la Wilder, hilarant, à la fois scintillant et grossier n'existe plus. Ici, pas de tyrannie de l'apparence. Pas d'impertinence. Une foule qui fait du vélo et promène ses bambins dans les parcs. Pas mal de hipsers, de temps à autre une silhouette originale... Mais quand la silhouette est originale, elle est TRES originale.
Tu es repartie pour d'autres voyages dans le nord. Après m'avoir offert un bouquet de saucisses.
Rédigé à 11:55 dans Voyages | Lien permanent | Commentaires (2)
Le texto me rend de plus en plus perplexe, de plus en plus pensive, à la limite parfois du mal à l'aise. Cette habitude d'écrire au lieu d'appeler ou d'écrire POUR PREVENIR QU ON VA APPELER s'infiltre comme un poison pour casser la spontanéité de la parole. Oh, j'ai pris le train en marche, je textote allègrement. Non, pas allègrement, justement : je textote par mimétisme, par "politesse", rarement par plaisir. Pourquoi, lorsque j'ai envie de joindre des amis, ai-je de plus en plus l'habitude de tomber dans la névrose de la précaution oratoire ? Comme si c'était une muflerie de défourailler son portable sans avoir averti préalablement son interlocuteur... Comment en suis-je arrivée à l'absurdité de dialogues écrits de 15 mn chrono avec des amis ou des gens que je crois des amis ? Suis-je une petite personne tout-à-fait sans gêne si j'avoue préférer les appels directs ? La parole est-elle donc devenue si... Invasive ? Ou l'immédiateté de la vie réclame-t-elle des pauses écrites, des rythmes sourds, de nouveaux codes de respirations ? Est-on une Nabilla si on aime dire "Allo" ? Est-on une cinglée si on préfère la précision du langage à tous les emoticônes de l'univers ?
Moi, j'aime quand on m'appelle direct. Tant pis si je suis occupée. Prends le risque de me déranger, ami(e), j'y vois une affection avant toute chose. Heureusement, avec ma famille on a l'habitude de tirer à vue (appels/appels/appels -déserts de textos). Ce qui amène une autre interrogation : l'appel est-il l'ultime expression de la plus naturelle des intimités ? Pas tout à fait si j'en juge les dring dring de ma banquière et de certains fournisseurs (ceci dit, j'adore ma banquière).
Dans le coton du monde du silence, l'écran s'éclaire : ah, c'est toi.
Rédigé à 13:11 dans Chose intime | Lien permanent | Commentaires (0)
Il était une fois un hôtel de légende dans lequel j’ai passé une semaine au temps d' il y a longtemps. Sauf que je ne savais pas à l’époque combien ce palais fatigué recelait de fantômes éblouissants. J’étais jeune, je retrouvais une pote là-bas, avec toute l’insouciance des ignares. Je me souviens de l’Apache (ou Cheyenne) dont la silhouette s’encastrait dans les hauteurs des portes comme celle du Requin de James Bond. Je me souviens de la vieille photographe-dealeuse qui ne payait jamais son loyer. Des petits vieux à la réception qui nous souriaient particulièrement – je trouvais ça charmant – jusqu’à ce que je réalise qu’ils étaient persuadés qu’on couchait ensemble, ma pote et moi, ce qui a un peu refroidi mes regards attendris à leur égard. Je me souviens de la moquette crasseuse dans la chambre. De la ferronnerie ouvragée des balcons, qui donnait envie de rester des heures entières à cloper dehors par temps de canicule. e me souviens d’un restaurant de mafieux sur Alphabet st. avec des gens peu recommandables. De la folie bio qui commençait avec les vieilles junkies accros à l’herbe à chat. De l’écrivain d’origine écossaise ou irlandaise, beau comme un O’Toole desséché par l’alcool et avec lequel j’avais des discussions passionnées sur le cinéma hollywoodien (Robert ?, Robert who, j’ai oublié). Je me souviens d’un concert dans le Bronx. D’une boite sinistre. De la cage d’escalier dont je ne me lassais pas. J’admirais des photos collectionnées par Bertolucci et Saint-Laurent. Je n’avais aucune conscience de ce que je vivais. Je n’étais pas vraiment heureuse. Mais j’aimais les voyages. Une piqure de nostalgie de ce que fut le Chelsea hotel dans ma vie d’avant… Le Chelsea a été racheté et restauré, ce qui me coupe tout désir d’y remettre les pieds. Mais comme j’aimerais retourner à New York…
Rédigé à 23:39 dans Chose intime, Déco | Lien permanent | Commentaires (0)