Rire du soir, espoir
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Rire du soir, espoir
Rédigé à 18:49 dans Chose publique | Lien permanent | Commentaires (0)
A l'heure de la fashion week, honneur aux vieilles dames. L'une a respiré l'originalité et la tyrannie, la seconde sort son autobiographie et la dernière aimante la télé avec ses 80 balais.
Au galop, Mesdames, caracolez vertement pour mon enchantement.
Ouvrir le bal avec Bardot, fidèle au delà du supportable à sa misanthropie. Sa noirceur n'est pas pour moi, mais je me souviens de la Bardot brésilienne, hallucinante de style. Sauf que le masque est tombé et qu'au dela du visage resté sublime je vois à présent les colifichets pitoyables (fleurs dans les cheveux mochardes), l'aigreur qui enlaidit l'orgueil, la méchanceté qui anéantit la droiture, la solitude à moitié choisie, les caprices de gamine bourgeoise qui n'assume pas sa nature transgressive. Est-elle à ce point l'icone française par excellence ? Peut-être... Mais si oui, cela fait froid dans le dos : notre pays serait donc une belle vieille personne vivant, exténuée, au dessus de ses moyens et en deça de ses exigences. Un pays qui a beaucoup et qui n'en fait rien, peu sur de lui, misant sur un talent qu'il n'a pas et mésestimant son vrai atout. Bardot actrice ? Nulle. Bardot créative, pygmalionne, inspirante ? Que oui, la feignasse.
Poursuivons avec l'Italienne. La Loren, un festival anguleux, un mariage à l'italienne, une bombe particulière, une affamée perpétuelle. La nonna balance sa malle de souvenirs, et si le livre n'est pas écrit, il reste un témoignage de vie réussie, façonnée à l'arrache. Je veux, donc je serai. Et lorsque je serai, j'aimerai. La Loren est une charpente en acier trempé, au propre comme au figuré. Regard excessif, sourire vorace ; si Bardot est un félin, Sophia est une louve.
Arrive l'aigle royal, celle qui révolutionna la mode : Diana Vreeland. Un documentaire fantastique est passé hier soir sur Arte, la consacrant Grande Mademoiselle du style. Ses aphorismes, son énergie, sa façon de scander ses histoires, son oeil curieux de tout... La voici, princesse inca trônant dans son salon qu'elle surnommait "son jardin en enfer". L'oeil du XXe est morte aveugle, cruel paradoxe pour la plus grande des intelligences visuelles.
Des deux dernières je prends la volonté, la curiosité. La première... Son immobilisme me déprime trop. Et je n'aime pas la déprime. C'est commun.
Rédigé à 14:08 dans Chose publique, Cinéma, Déco | Lien permanent | Commentaires (0)
Grande déception. Je ne l’ai pas tout à fait fini, mais je parcours à présent la deuxième moitié en diagonale distraite et impatiente. Déception à la hauteur de la beauté du premier tiers : énorme. Et pourtant… Comme le projet était intéressant ! A quel moment ai-je basculé dans l’ennui ? Emmanuel Carrère se prête avec son Royaume à un exercice de haute voltige, de grand danger : décortiquer sa foi passée, se demander pourquoi il fut chrétien et analyser comment il ne l’est plus. Puis il continue en explorant l’aventure du paléochrétien, raconte l’Histoire à la source, s’épanche sur Saint-Paul, fait revivre cette poignée d’hommes qui bouffèrent de l’intérieur l’empire romain. Et c’est là que tout va mal : tant que Carrère se flagelle, ouvre ses plaies d’ado méchant, plonge dans ses souffrances d’égo fort, c’est fabuleusement émouvant ; mais dès qu’il se pose en « sachant », en historien, il se racornit et vous écrase de sa sèche culture livresque avec une prétention insupportable. Une amie a critiqué ce livre au motif que Carrère a une personnalité trop envahissante. C’est justement ce que j’ai aimé à la base : sa personnalité. Pour moi, le problème est inverse : dès que Carrère oublie qu’il a un cœur et des pulsions, c’est la catastrophe. Dès qu’il cède aux sirènes « culture générale » je n’en peux plus. Or dans ce livre nous avons 150 pages d’un homme qui interroge de manière troublante ses émotions puis 250 pages d’un homme très satisfait de son cerveau. Je tourne les pages à la vitesse de la seconde, Troas, Lydie, ah, une jolie galipette astucieuse et bien troussée qui assaisonne Saint Luc à la sauce porno, à nouveau l’Asie mineure, Rome…
Seigneur, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Rédigé à 19:46 dans Livres | Lien permanent | Commentaires (4)
Lira ? Lira pas ? Lu. Petite histoire dans l’histoire : à la nouvelle de la parution de cet ouvrage ma première réaction a été une réaction de réprobation, voire de dégout. L’amour ne se trahit pas, même s’il a été piétiné. Mais l’étrillage médiatique ajouté à la vindicte de certains libraires m’a fait changer d’avis. Boycotter un livre est une chose très grave. Pour cela il faudrait qu’il y ait crime. Or aimer n’est pas un crime, pas plus que ne pas aimer. Qu’a donc écrit Valérie Trierweiler pour justifier pareille haine ? Une incitation à l’abus sexuel sur mineurs ?, un livre révisionniste ?, une ode au massacre planétaire ?
Un ami m’a suggéré de le lire gratuitement sur pdf. Un autre a résolu le problème en me l’offrant… Merci pour ce moment, merci pour le cadeau narquois puisque ce livre, ami, tu l’as trouvé nul.
Je suis plus circonspecte. Ce n’est ni un torchon ni un beau livre. Il n’est pas bien ou mal écrit : il n’est pas écrit. Est-ce un livre d’amour ? Pour moi, non. Est-ce un livre politique ? Non plus. Est-ce un livre intéressant ? Sans hésiter, oui. Est-ce un livre qui provoque l’empathie ? Oui. Il est émouvant. Il n’est pas émouvant par ses pages amoureuses, superficielles, parfois ridicules, gênantes d’immaturité. Mais il est touchant car on y lit de manière particulièrement brulante l’immense chagrin des gens qui n’ont pas confiance en eux. Merci pour ce moment n’est pas le livre d’un amour déçu. C’est le livre d’une femme dont le beau visage public a toujours eu une expression inquiète, limite hagarde. C’est le livre d’une femme qui ne trouve jamais sa place. Il pose avec acuité –parfois malgré lui ! – le problème de l’ascension sociale. A quoi renoncer ? A quoi rester fidèle ? Comment évoluer sans se renier ? Là, on se met dans la peau d’une femme qui se fait violence, qui est violente, et qui, éperdue, frémissante, un peu hystérique, avance puis trébuche car elle n’a pas les outils pour réaliser ses rêves.
Lorsqu’elle se présente comme une femme libre et indépendante, le premier qualificatif est criant de fausseté : elle n’est pas libre, elle est lardée de douleurs sociales. Elle admire sans réserve une Michelle Obama pour sa « noblesse », son assurance, sa parfaite élégance de la vie. Elle, elle ne se fait pas de cadeaux, elle est lucide : elle passe son temps à se prendre les pieds dans le plat. Elle n’est pas sympathique. Elle avance avec un sourire, mais sa main reste toujours prête à frapper l’impénitent. Du coup, elle n’est pas forte, elle est dure. Elle n’est pas légère, elle est pesante. La question qui reste entière : cette femme s’est-elle mortifiée à ce point-là de manière plus ou moins consciente, croyant lire dans chaque regard un mépris de classe imaginaire, ou la société française est-elle responsable de cette incapacité à trouver une identité rassurante ? On a envie d’opter pour les torts partagés.
Une chose est certaine : son conjoint a été incapable de l’aider. Une autre est plus troublante : c’était à l’évidence le moins doué pour le rôle, bien moins doué que l’ex mari dont elle porte le nom et qu’elle évacue prestement d’un « il a une grande classe morale et pardon pour les souffrances que je lui ai infligées en le quittant».
Elle semble faire partie des sentimentaux mal ficelés, lesquels vont souvent se frotter vers ceux qui leur font le plus de mal, pensant avec autoritarisme ou masochisme: « A mon contact ils vont changer ».
Au final c’est un livre assez triste. Un petit livre triste d’une femme qui a été brutalisée, démolie. Devait-elle écrire ce livre ? On sent que c’est l’unique façon pour elle dans un premier temps de SAUVER SA PEAU : les mesquineries prennent une résonnance plus tragique encore car l’élégance morale, elle ne pouvait pas y avoir accès. J’espère qu’un jour elle le pourra.
Ne serait-ce que pour écrire un vrai livre d’amour…
Rédigé à 22:15 dans Livres | Lien permanent | Commentaires (12)
C’est une longue, longue histoire. Il y a une quinzaine d’années, tandis que je rêvais ma vie sans savoir que le meilleur allait arriver je suis un jour tombée en arrêt devant un magazine féminin ; la couverture était un pur mirage, un condensé de ce que j’aime le plus au monde : la poésie de la vie. Il y avait cette jeune femme aux yeux porcelaine et au sourire malicieux assise sur un canapé beige, le mur derrière elle était d’un bleu-vert très pale, elle portait une robe-jupon allant du vieux rose au brun foncé. Elle scrutait le photographe, gentiment joueuse, doucement mystérieuse.
J’ai eu l’impression qu’on me lançait une invitation personnelle : « Bienvenue chez moi ». Le magazine a trainé longtemps dans l’espace sacré l’appartement – les chiottes. Avant de disparaitre, de se désintégrer. Mais jamais je n’ai oublié les pages à l’intérieur, la féérie de la demeure de la demoiselle d’Afrique du Sud.
Lorsque j’ai enfin pu réaliser ma propre mise en scène esthétique et créer l’univers de ma nouvelle maison, j’ai cherché comme une folle ce magazine perdu (entre temps il avait fait faillite). J’ai cherché, googlisé, inondé le web de mots-clé (south africa + green and blue house, south africa + decoration, Atmosphère + Afrique du sud + décoration etc etc etc), mais je ne trouvais rien. J’ai recréé alors ce que j’avais mémorisé en y imprimant mon ADN si étrangement sensible à l’art de la jeune femme. J’ai peint ma bibliothèque en deux couleurs (vert pale les tranches, bleu pale le fond) car j’avais trouvé ce sens discret du détail un comble de raffinement.
J’aimais cette forme de grâce d’enfance qui protège celles et ceux qui assument une enfance différente sans pour autant la faire payer à autrui. C’est ainsi en tout cas que je m’étais projetée dans sa maisonnée. Une fois mon nouveau nid terminé, cette inconnue au talent de coloriste hors normes disparut pendant quelques années de mes radars d’esthète. Jusqu’à ce que je tombe sur un blog de mode, Doucement le matin un des meilleurs pour moi dans cette catégorie. C’était l’époque où je rattrapais le retard de « l’aventure blogosphère » et je remercie au passage les blogueurs de la première heure de m’avoir fait une petite place. La plume de la bloggeuse Frieda l’Ecuyère m’envoya donc en 2011 le premier signal : elle aussi avait été fascinée par l’article et ses photos, mais en bonne archiviste elle avait conservé le précieux magazine.
J’appris ainsi le nom de l’héroïne masquée : Ariane Besson. Réalisatrice de films. Pas du tout dans la décoration. J’ai tapé son nom sur Google, avec nonchalance, une fois l’an, curieuse par brefs instants de savoir ce que devenait Ariane. Puis, fin 2013, alors que YOK prenait enfin son envol un soir j’ai sursauté : Ariane, marquée par un voyage en Inde se mettait à créer des vêtements ! A ouvrir un pop up store à Cape Town : il y avait un lien Facebook sur lequel j’ai immédiatement cliqué.
Puis, armée du culot de celles qui n’ont rien à perdre je lui ai écrit dans un anglais bourré de fautes qu’elle m’inspirait depuis des lustres et que je rêvais, à défaut de la rencontrer, de vendre son univers. Elle me répondit dans un français parfait qu’elle en serait enchantée. Je ne connais toujours pas Ariane. J’ai rencontré sa sœur Aurore, qui semble avoir été créée sur terre pour illustrer le mot gracieux. Je vous passerai les détails pratiques, les échanges de mails enthousiastes de ma part, aussi charmants que prudents de la sienne pour arriver à l’essentiel : YOK est à ma grande fierté devenu depuis aujourd’hui le premier fournisseur de Bombay Babe. J’éprouve un troublant sentiment de plénitude, d’achèvement : celui de pouvoir remercier une créatrice. Je sais que mon instinct ne me trahira pas… J’ai appris à faire confiance à mon œil. Il a été éduqué à la dure, croyez-le bien.
A moi de transmettre le flambeau Bombay Babe, alias Ariane Besson. Je le ferai avec un mot que j’utilise très peu car en dépit des apparences, je ne suis pas une excessive : avec passion.
A propos, j'hésite à vendre cette étole Bombay Babe ; je crois que je vais la garder pour moi (ça commence bien). Avec ma capeline en feutre aubergine, avec un pantalon bleu saphir et des bottes très montantes, cet hiver j'arpenterai façon Loulou de la Falaise le bitume parisien. Ou je m'enroulerai dedans lorsque mon avion décollera vers des iles au trésor
Rédigé à 10:40 dans Actualité, Chose intime, Déco | Lien permanent | Commentaires (2)