M'as-tu déclaré un jour pas si lointain, sourire amusé aux lèvres. Tu n'avais que méfiance, voire mépris pour la blogosphère, mais tu me lisais en douce... Oh, comme je t'aime, lointain et pudique, Ingalls malgré toi.
J'ai commencé à bloguer pour une raison bassement mercantile : mon attaché de presse ne ramenait aucun article et j'avais envie que mon premier roman, Chronos blues, ait du succès. Ma ténacité n'a pas payé, mais elle m'a fait découvrir l'univers des blogs. Connaissant ma nature enthousiaste qui peut parfois prêter à la confusion et pour éviter les contresens, fragilités psychologiques et érotomanes qui peuplent le net, je t'ai mis en avant immédiatement : je n'étais pas célibataire, j'étais en couple. Non seulement j'étais en couple mais j'étais en couple avec un homme exquis : toi.
Tu ne voulais pas - et c'est à ton honneur - que ton nom apparaisse. J'ai suggéré "Ingalls", tu t'es marré, banco.
Les gens peuvent ironiser tant qu'ils veulent, Charles Ingalls est un très beau personnage de série. Il ne profère jamais d'idioties, il est humble, il travaille beaucoup tout en restant un père et un mari attentionné. S'il y avait un peu plus de Charles Ingalls sur terre pour défricher des terres hostiles et poser un regard aimant sur la famille tout en gardant l'esprit curieux, nous irions mieux. Une amie célibataire m'a dit : "Chacune cherche son Ingalls".
tu vois, chéri, tu es même entré dans le vocabulaire amoureux.
Contrairement à l'original de la série qui est petit et trapu, tu étais grand et maigre.
Physiquement, tu ressemblais assez à Obama. Un très joli sourire, des traits bien équilibrés, une silhouette longue et élancée avec une large carrure. De longs bras, si longs qu'ils faisaient pleurer les tailleurs et qu'il fallait t'habiller chez les Américains en XL.
La panoplie classique de mon Ingalls était : futal en toile résistant et bon marché. Chemise. Pull usé. Echarpe en coton de préférence unie. Parka, gants (souvent troués) pour le scooter.
Tu as découvert la coquetterie en même temps que la maladie : brusquement, tu as pris grand soin de ta personne. Chemises nouvelles, pantalons doux, panama l'été et feutre l'hiver, manteau de belle coupe - tu as tenu avec une rage sourde à ne jamais te laisser aller.
De très bel homme tu es devenu splendide. Tu n'étais pas un minet ni un modeux : pas de look d'architecte branchouille ou d'animateur télé aux dents blanchies, pas de tee-shirt foncé sous la veste - une abomination esthétique qui fait perdre toute allure à n'importe quel mâle, imaginez une seconde Cary Grant avec un tee-shirt et une veste, c'est affreux. Les tee-shirts sous la veste sont réservés aux femmes. Les hommes qui veulent avoir du style portent soit un tee-shirt seul, soit veste+chemise en dessous. Tu abondais en ce sens, aimant l'art de Jean Nouvel, pas son goût vestimentaire.
Tu avais le teint très mat, la peau marquée par l'absence de soins; tu sentais bon.
De temps en temps, pour le travail, "tu te déguisais en guignol" selon tes dires. le costard t'allait à merveille. Tu faisais semblant d'être à l'aise dedans. Tu en avais deux, c'est tout.
J'aimais que tu sois Ingalls.
Le vrai Charles Philipp Ingalls décrit par sa fille Laura dans ses romans a bien existé. Il est né le même jour que moi, troublante coincidence. http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Philip_Ingalls
Il possédait ton altière beauté.