Les règles du jeu d'Amor Towles (éd Albin Michel) est un premier roman américain ovationné par la critique des deux côtés de l'Atlantique. J'ai adoré les premières pages puis j'ai continué avec nettement plus de réserves. Et pourtant! S'il y a un livre qui était fait pour moi, c'est celui-là. L'histoire de l'ascension sociale de Katey Kontent, jeune femme solitaire et très maîtrisée, dans le New York de la fin des années 30 avait de quoi me fasciner. Les références de l'auteur touchent à mon intimité profonde, ma sensibilité, mon esthétique et ma morale. Trouver dans un ouvrage des emprunts à Dickens, Thoreau, Agatha Christie, Condé Nast, c'était comme si je me retrouvais. D'où vient alors ce sentiment de tristesse une fois le livre terminé? Pourquoi ne l'ai-je pas dévoré comme une ogresse? Stylistiquement il est finement écrit. Il est d'une grande précision, d'une poésie minutieuse. Alors pourquoi cette lecture poussive, laborieuse? Ce livre a tout sauf l'essentiel: la vie. Pas une seule fois je ne me suis vraiment intéressée aux personnages, créatures sorties de Gatsby le magnifique. Pas une seule fois je n'ai frémi pour l'héroïne à la force glacée. C'est un livre désincarné. Sans réel sentiment. C'est un livre sans courage, un tableau net et magnifiquement appliqué. Par moments, les descriptions frôlent le sublime. On est impressionné par une telle justesse. Mais dès que l'auteur anime ses personnages, il tombe à côté. J'en étais désolée pour l'écrivain: avoir autant de talent et de maîtrise et aussi peu de sens narratif, c'est du gâchis. L'analyse est si belle, le "raconte-moi une histoire" si plat... Ce roman mérite un 20/20 en technique et un 0 en sens de l'humain. Je n'ai jamais vu un roman aussi bancal, excellent dans un domaine et nul dans l'autre. La chute est à l'image du livre: décevante et sans intérêt. Si on oublie la pauvreté romanesque, il reste une succession de tableaux bien coupés, haute couture dans le style, d'une superbe érudition au service d'elle-même.
Publisher Weekly parle d'un roman à la voix qui tient de Francis Scott Fitzgerald et de Truman Capote... Cela laissse songeur. Il n' a ni l'émotion du premier, ni la légereté acerbe du deuxième.
Baisers de la pine'up affirmative : un roman réussi c'est autant une affaire de technique que de maniement des émotions. Et dans ce domaine, Amor Towles (comme Houellebecq qui voue une grande admiration à la dame de Torkay) a raison: Agatha Christie est une reine inégalée.
Allez, mes dernièrs bouquins. Beaucoup de relectures, Ariès, Duby et Favier surtout. Dans mes nouvelles acquisitions, la naissance du capitalisme au Moyen-Age de Heers et surtout une histoire du diable XIIème- XXème siècle de Muchembled absolument remarquable.
Toujours pas de romans, ça ne me fait pas rêver.
Rédigé par : Le Nain | 02 avril 2012 à 07:56
L'histoire du diable... c'est un livre pour moi, la reine des succubes !
Rédigé par : Lilith | 02 avril 2012 à 10:25
Apparemment, le diable est exclusivement masculin, il n'y a pas de diablesse ! En Histoire, du moins.
Rédigé par : Le Nain | 02 avril 2012 à 11:06
La part de Dieu, la part du diable... Un de mes romans préférés et même si vous n'aimez pas les romans, cher Le Nain, je pense que celui ci vous intéresserait beaucoup. Sinon, je suis en train de ranger ma bibliothèque et je tombe sur des livres que je relis avec passion. récits, romans ou témoignages, je les partagerai avec vous dans les prochaines notes
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 02 avril 2012 à 12:38