Son prénom était Madeleine mais tout le monde l'appelait Delon
C'était ma grand-mère et aujourd'hui elle aurait eu 100 ans.
Elle est morte en avril dernier.
Delon... un surnom masculin et cependant elle était féminine. Féminine avec un caractère trempé dans l'acier, limite napoléonien (elle était née le jour d'Austerlitz, à Nantes, en 1909). Ma grand-mère s'est éteinte comme elle le souhaitait, chez elle, dans son sommeil, entouré par toute sa famille. En dépit d'un épuisement généralisé, nous papotions au téléphone 15 jours avant son décès et j'ai encore en mémoire sa joie de me voir bientôt publiée. Sa joie de me savoir heureuse en compagnie de mes enfants et d'un homme fantastique. Elle fut une grand-mère idéale, eut une vie non moins idyllique. Enfance nantaise, mère peu aimante mais tante qui lui procure toute sa tendresse. Jeunesse trépidante, au coeur des années 30 - elle gagnait tous les concours de charleston. petite, menue, chevelure de jais, visage mat, yeux charbon et nez busqué, elle possédait une beauté de métisse, quasi indienne.
A défaut de ses couleurs j'ai hérité de son profil acéré. Nous, ses petits-enfants, elle nous aimait sans différence aucune, sans faire de sélection. Lorsqu'elle eut 20 ans elle rencontra mon grand-père, un médecin vendéen. Et elle quitta immédiatement sa vie mondaine pour aller vivre dans un petit village perdu au milieu de nulle part. Là, elle put faire ce qui lui plaisait : aimer son mari et lui faire quatre enfants. Mon père, l'aîné. Puis mes deux oncles et enfin ma tante, la petite dernière. Lorsque nous étions enfants elle nous aimait d'un amour distrait ; pas de minauderie - elle nous parlait comme elle le faisait avec les adultes. Plus nous grimpions en âge, plus nous l'intéressions. Nos premières amours, nos succès - ou échecs - scolaires et universitaires, elle aimait parler de tout cela. Veuve depuis une trentaine d'année elle évoquait notre grand-père avec une émotion, une sensualité étonnantes. Mémoire d'un siècle, nous l'écoutions nous parler de son enfance, des cris de joie à Nantes à la fin de la Grande Guerre, des difficultés au début à s'adapter au monde rural pour elle, l'urbaine.
C'était un socle, une intelligence émotionnelle parfaite : elle savait remettre les idées en place car elle possédait un équilibre mental stupéfiant : ni trop sensible ni trop endurcie, juste forte et pétrie de bon sens. Dans une autre vie elle eut fait une femme d'affaire redoutable. Un drame ? elle écoutait. Une dramatisation ? elle tempérait. Il y avait les choses graves et les vétilles et elle savait mieux que personne nous inviter à trouver les solutions adéquates.
Seigneur, qu'elle me donne ses gènes ; inconsolable à l'idée de ne plus pouvoir lui parler, je souris à la chance de l'avoir connue. Et d'avoir pu lui dire adieu.
Elle aurait bien rigolé à la peinture de Jacques Duruy !
Ou aux rodomontades de messieurs plus très jeunes croisés dans les salons du livre qui, à l'écoute du sujet de mon bouquin proclament : "pas de problèmes ! il faut rester jeune dans sa tête" ! Elle aurait pouffée, la Nantaise : elle savait si bien que la clé pour bien vieillir c'est justement d'accepter d'être vieux dans sa tête, vieux de toute son expérience.
Moins poseuse qu'elle ça n'existait pas. Alors la posture (un truc très français), elle s'en balançait ! Façon Françoise Rosay.
elle serait FIERE DE TOI...Fière de ce beau Roman. oui j'en suis certaine. quelque part, tu a hérité de sa force, de son courage, de sa soiffe de vivre et de rendre les gens autours de toi heureux. Bravo pour ce Bel Hommage. de là haut elle te regarde et veille sur sa Lili...et ses petits...sans oublié le fiancé.
Rédigé par : Linda.S | 05 décembre 2009 à 23:46
J'ai lu l'article sur Madeleine Pineau-Valencienne qui m'a vraiment ému car c'est le portait d'une femme très énergique et très sensible comme l'a connue ma mère qui a travaillé chez elle, Rue Gutenberg, et qui l'admirait énormément. Après sa rentrée en Italie (en 1980) ma mère m'a toujours fait écrire à La Bréchoire chaque année pour lui envoyer ses voeux de Bon Noel et elle recevait toujours une carte de réponse écrite à l'encre bleue.
Rédigé par : Rita Santi | 07 décembre 2009 à 00:47
Rita !!!! C'est toi ? j'adorais ta maman, je l'adorais de tout mon coeur. Tu étais magnifique !!!! et Suzanne (qui n'en faisait qu'à sa tête)? et jeannine ? Rosa faisait les meilleurs pâtes du monde. As-tu la recette de celles aux épinards ? je suis preneuse. J'aimerais tant te voir. bisous file-moi ton mail, je t'enverrai mon portable. ps : je suis sûre que tu cartonnes; tu étais programmée pour.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 07 décembre 2009 à 01:18