C’est une longue, longue histoire. Il y a une quinzaine d’années, tandis que je rêvais ma vie sans savoir que le meilleur allait arriver je suis un jour tombée en arrêt devant un magazine féminin ; la couverture était un pur mirage, un condensé de ce que j’aime le plus au monde : la poésie de la vie. Il y avait cette jeune femme aux yeux porcelaine et au sourire malicieux assise sur un canapé beige, le mur derrière elle était d’un bleu-vert très pale, elle portait une robe-jupon allant du vieux rose au brun foncé. Elle scrutait le photographe, gentiment joueuse, doucement mystérieuse.
J’ai eu l’impression qu’on me lançait une invitation personnelle : « Bienvenue chez moi ». Le magazine a trainé longtemps dans l’espace sacré l’appartement – les chiottes. Avant de disparaitre, de se désintégrer. Mais jamais je n’ai oublié les pages à l’intérieur, la féérie de la demeure de la demoiselle d’Afrique du Sud.
Lorsque j’ai enfin pu réaliser ma propre mise en scène esthétique et créer l’univers de ma nouvelle maison, j’ai cherché comme une folle ce magazine perdu (entre temps il avait fait faillite). J’ai cherché, googlisé, inondé le web de mots-clé (south africa + green and blue house, south africa + decoration, Atmosphère + Afrique du sud + décoration etc etc etc), mais je ne trouvais rien. J’ai recréé alors ce que j’avais mémorisé en y imprimant mon ADN si étrangement sensible à l’art de la jeune femme. J’ai peint ma bibliothèque en deux couleurs (vert pale les tranches, bleu pale le fond) car j’avais trouvé ce sens discret du détail un comble de raffinement.
J’aimais cette forme de grâce d’enfance qui protège celles et ceux qui assument une enfance différente sans pour autant la faire payer à autrui. C’est ainsi en tout cas que je m’étais projetée dans sa maisonnée. Une fois mon nouveau nid terminé, cette inconnue au talent de coloriste hors normes disparut pendant quelques années de mes radars d’esthète. Jusqu’à ce que je tombe sur un blog de mode, Doucement le matin un des meilleurs pour moi dans cette catégorie. C’était l’époque où je rattrapais le retard de « l’aventure blogosphère » et je remercie au passage les blogueurs de la première heure de m’avoir fait une petite place. La plume de la bloggeuse Frieda l’Ecuyère m’envoya donc en 2011 le premier signal : elle aussi avait été fascinée par l’article et ses photos, mais en bonne archiviste elle avait conservé le précieux magazine.
J’appris ainsi le nom de l’héroïne masquée : Ariane Besson. Réalisatrice de films. Pas du tout dans la décoration. J’ai tapé son nom sur Google, avec nonchalance, une fois l’an, curieuse par brefs instants de savoir ce que devenait Ariane. Puis, fin 2013, alors que YOK prenait enfin son envol un soir j’ai sursauté : Ariane, marquée par un voyage en Inde se mettait à créer des vêtements ! A ouvrir un pop up store à Cape Town : il y avait un lien Facebook sur lequel j’ai immédiatement cliqué.
Puis, armée du culot de celles qui n’ont rien à perdre je lui ai écrit dans un anglais bourré de fautes qu’elle m’inspirait depuis des lustres et que je rêvais, à défaut de la rencontrer, de vendre son univers. Elle me répondit dans un français parfait qu’elle en serait enchantée. Je ne connais toujours pas Ariane. J’ai rencontré sa sœur Aurore, qui semble avoir été créée sur terre pour illustrer le mot gracieux. Je vous passerai les détails pratiques, les échanges de mails enthousiastes de ma part, aussi charmants que prudents de la sienne pour arriver à l’essentiel : YOK est à ma grande fierté devenu depuis aujourd’hui le premier fournisseur de Bombay Babe. J’éprouve un troublant sentiment de plénitude, d’achèvement : celui de pouvoir remercier une créatrice. Je sais que mon instinct ne me trahira pas… J’ai appris à faire confiance à mon œil. Il a été éduqué à la dure, croyez-le bien.
A moi de transmettre le flambeau Bombay Babe, alias Ariane Besson. Je le ferai avec un mot que j’utilise très peu car en dépit des apparences, je ne suis pas une excessive : avec passion.
A propos, j'hésite à vendre cette étole Bombay Babe ; je crois que je vais la garder pour moi (ça commence bien). Avec ma capeline en feutre aubergine, avec un pantalon bleu saphir et des bottes très montantes, cet hiver j'arpenterai façon Loulou de la Falaise le bitume parisien. Ou je m'enroulerai dedans lorsque mon avion décollera vers des iles au trésor