Les trois mousquetaires : d’Artagnan
Nous sommes allés voir le film de Martin Bourboulon, non sans a priori : pouvait-on mieux faire que George Sidney avec sa Milady de rêve (Lana Turner), son Richelieu roué (Vincent Price), son Athos torturé (Van Heflin) et la fraîcheur de Gene Kelly dans le rôle titre ? Surprise ! ce film, s’il ne possède pas le panache primesautier de l’Old Hollywood, est envoûtant de bout en bout. Les scènes de groupes sont grandioses - pensées spéciales au tribunal jugeant Athos, du Rembrandt, et au mariage de Gaston d’Orléans qui lorgne vers les maîtres italiens,
festival de gris scintillants et de blancheur translucide. Ce film déploie une amplitude, une souplesse dumasiennes, même s’il le solennise parfois un peu trop. Les acteurs sont excellents, la juvénilité de François Civil/d’Artagnan apportant beaucoup à ce film délibérément sombre. Romain Duris transforme Aramis en pirate raffiné ; pourquoi pas, c’est assez jésuite ; Cassel compose un Athos tout en sensibilité et Louis Garrel donne au roi une présence dense, mystérieuse, éclipsant Richelieu. Eva Green, crépusculaire Milady, possède une aura cruelle autant que psychotique.Martin Bourboulon a bénéficié d’un énorme budget. Il aurait pu le gâcher, il en fait une épopée prenante, luxueuse et pessimiste. Léger bémol, les duels, traités comme des séances de kung-fu mâtinées de rugby. Là, on regrette la science des maîtres d’arme des films de cape et d’épée. Mais pour les chevauchées extraordinaires dans la campagne ou le long des falaises, on est prêts à les oublier. On se laisse envahir par un Dumas troublant, élégant, une époque dangereuse et crottée à l’apparat éblouissant.
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