Des yeux noirs, qui riaient en quasi permanence dans ton visage mobile. Une petite taille qui ne t'embarrassait nullement. Toujours de bonne humeur, toujours, et avec tout le monde. Le don de l'amabilité. Rien de ricanant, dans ton talent d'amuseur. Un métier grave (médecin) et ta légèreté d'artiste de la vie. L'oncle de la gentillesse piquante, séduisante, et si mignonne...
Oncle Thierry, tu étais le charme. Je serais tentée de dire le charme d'une autre époque si tu n'avais pas gardé ta vie durant ta popularité de gaieté à toute épreuve. La dernière en date a eu raison de ton existence. Mais je ne peux que t'imaginer luciole éclairant les nuits. Le mot "sémillant" peut sembler déplaisant, futile, crétin. Sémillant, tu l'étais, par nature autant que par politesse. Sémillant, tu l'étais, avec ta voix à la fois haut perchée et mate. Tu étais 100% du sud, parlant avec les mains, recevant les amis, prenant fort au sérieux ton rôle de chef de famille. Un vrai Italien. Tu accueillais les nouveaux venus dans le clan sans aucun préjugé, sans aucun cliché ou racisme.
Je t'avais appelé il y a quelques temps, alors que les cousins me disaient la progression de la maladie qui t'érodait doucement. Ne pas s'en plaindre était la moindre des choses, n'est-ce pas? Tu possédais un courage tout féminin, pour traverser les douleurs.
- Ma petite Valérie, comme je suis heureux de t'entendre! Comment vont Max et Colette? Et la vie? oh, moi, tu sais, je combats, je combats. Non, cela n'est pas trop dur. C'est beaucoup plus dur pour ta tante, mais elle est extraordinaire. Ah, si je ne l'avais pas, je n'ose même pas y penser... Elle est merveilleuse...
Le mot "merveilleuse" s'était éteint sur un soupir où le bonheur et l'attendrissement se disputaient à l'éreintement.
Tu es parti hier, entouré par ta femme et tes enfants qui te veillaient. Tel un petit roi, tel un grand homme aimé.
Béni sois-tu, Thierry chéri, tu savais te faire aimer. Les hommes qui savent ne pas se prendre trop au sérieux, mais qui prennent l'amour des leurs très au sérieux, gardent pour l'Eternité une fraicheur inoubliable. On peut être amusant et savoir se faire respecter; on peut être souriant sans être idiot; on peut être courageux tout en étant coquet; on peut être attentif sans être intrusif. On peut se souvenir d'un oncle à la grâce enfantine et au sourire enchanteur.
A toi, jeunot, de profil avec l'aïeul Gaston et mon père de face, sur les lieux des Vacances de Monsieur Hulot.
Mon oncle, tu n'étais pas Tati, tu étais dans la plus pure tradition des Lubitsch, esprit cavaleur en moins. Le Ciel ne pouvait pas attendre, alors demain, en Vendée, nous serons tous là pour t'embrasser une dernière fois. Et pour nous embrasser, grâce à toi.