Peut-être assistons-nous à la fin d'un humour et donc à une ère nouvelle, peut-être la vie médiatique dite "anti-conformiste" nous donne à contempler ses dernières ruades... Des ruades rances, d'une pauvreté graphique aussi bien que rédactionnelle à s'enfoncer dans la misanthropie ; quitte à se moquer d'une Nadine Morano, née Pucelle, moquons-nous aussi d'un Laurent Joffrin, né Mouchard (ça ne s'invente pas).
Parce que oui, je crois que c'est la fin d'une convention faussement dérangeante dont Charlie et l'esprit canal sont les derniers éléments. Les hurlements de petits groupes sur le grand ménage de Bolloré masquent à peine la réalité: Si Le Grand Journal marchait, Bolloré, en parfait capitaliste, aurait gardé Aphatie, tout d'Hugo Boss vêtu, petites patouilles modeuses et style à la Fouquier-Tinville affirmé. Sauf que pas de bol, cette posture ne marche plus. Le grand patron n'affadit pas la ligne, il est à la recherche d'audience. Audience signifiant humour ravageur, il faut bien virer les malheureux qui ne font plus rire personne et qui sont aussi subversifs qu'une pub pour déambulateur.
Quant à Charlie, il n'est pas question de parler une fois de plus de la couv' de ce magazine qui n'a jamais été autre chose qu'un ramassis de médiocres, si loin de l'humour noir qu'ils cherchent à atteindre (paix à Reiser). Je vais me contenter de copier à ce sujet ce que j'ai écrit sur Facebook, ainsi que les commentaires que j'ai reçus :
J'ai été Charlie un jour. Un seul. Maintenant, qu ils fassent faillite ne me dérangera pas plus que ça. Ils sont redevenus ce qu'ils ont toujours été, une bande d'abrutis incapables d'auto dérision, tapant sur tout ce qu'ils n'aiment pas en évitant soigneusement de se ficher de leur propre gueule. Comparer Morano avec Anne de Gaulle, c'est tellement au delà du minable que je ne trouve pas de qualificatif. Abject?
- Voilà pourquoi, même dans l'émotion, je n'ai pas pu être Charlie.
-Je double like
-Vous avez mille fois raison, Valérie. Cette caricature est pitoyable, et va au-delà de l'abject. Ce n'est même pas, ou même plus, ce qu'était souvent le Charlie de Charb, une parodie médiocre et militante de l'humour noir si corrosif d'Hara-Kiri et de Choron. Méchanceté d'autant plus nocive qu'elle est veule et bête. "Je suis Charlie", déjà, était le pire slogan qu'on pût imaginer après les attentats de janvier : au lieu de réaffirmer l'existence d'une communauté nationale blessée et meurtrie, au-delà des idéologies ou des confessions des uns et des autres, il n'était rien d'autre que le symptôme d'une juxtaposition de narcissismes individualistes et égotistes, vulgaire et complaisante OPA idéologique de Saint Germain des Prés et des vieux anticléricaux militants sur une cause qui aurait dû être sacrée et collective. Bref, ce canard doit être définitivement rayé des cadres et n'a guère de raison de survivre à ses martyrs...
-Je n'arrive pas à sortir d'un sentiment d'abattement, d'écoeurement et de quasi honte. Que cette feuille de chou ait pu répondre à un racisme par un racisme mille fois pire, c'est un scandale, au sens littéral. Quand on sait, en plus, que Charlie s'est écharpé après le massacre autour de "l'héritage" des 30 millions de dons dans la plus pure tradition mauriacienne, leur bassesse me dégoute au delà des mots. j'espère, j'espère qu'ils vont être arrêtés par des procès ruineux. Je l'espère de tout mon coeur. Je signale à tout hasard les mots que j'ai lus sur un statut Fb (je donne le nom du monsieur, un minable architecte à qui veut en mp) : "Espérons que la fondation Lejeune ne va pas tuer Charlie". Il a dégagé vite fait de mes "amis", mais si c'est oeuvre de salubrité publique de donner son nom, je le ferai. et s'il y en a du côté de Charlie pour dénoncer une "politique de la pensée", un carnage ne vous rend ni intouchable, ni impuni.
-C'est non seulement une phrase immonde, mais très révélatrice : les cibles de Charlie désormais seront celles dont ils n'auront rien à craindre, sinon au pire quelques procès qu'ils essaieront, et parviendront sans doute, à transformer en publicité racoleuse, comme les Bedos père et fils le font déjà depuis des années. "Conformisme de l'anticonformisme", disait Jean Cocteau du dadaïsme. Charlie va en faire un marché, et vivre de sa bassesse et de ses morts comme les bourgeois de Balzac de leurs rentes.
Que les à présent richards de Charlie vivent de leur rentes en se vautrant comme des cochons dans la bassesse... Pas si sur. Parce que ça risque de leur couter très cher en procès. L'ignoble phrase lue sur les réseaux sociaux de la plume d'un certain Delb, architecte j'imagine à moitié bouffé par l'ogre URSSAF et qui tue le temps avec un blog laïcard d'un convenu déprimant : "Espérons que la fondation Lejeune ne tue pas Charlie". Cette phrase, cher monsieur aux admirations qui ne dépassent pas les Uber Mamma de Starck, risque bien de devenir : "La fondation Lejeune a tué Charlie et nous nous en réjouissons".
Si les procès flinguent cette feuille de chou, nous aurons alors - enfin ! - la possibilité de voir s'épanouir le vrai humour cinglant, celui qui tape sur tout le monde sans chochoterie partiale, celui qui n'épargne ni les laics, ni les religieux, ni les gays, ni les handicapés, ni les hommes ni les femmes, ni la droite ni la gauche, ni les extrêmes etc etc.
En effet, sur l'ineffable FB, il y en a un ET UN SEUL capable de tout dynamiter : j'ai nommé un inconnu masqué sous le pseudo Ricard Burton. Le pseudo annonce à lui seul l'abrasif... Parfois, si je veux me marrer, je relis un à un ses statuts. (Je suis très inquiète, Ricard, vous n'avez rien posté depuis 10 jours. Rassurez-moi, dites moi que vous êtes bien vivant ; j'oeuvre en sourdine pour vous mettre à la tête de Canal, sachez-le.) Pour les autres, les commentaires de ses statuts sont aussi drôles que son oeuvre, résurrection inattendue de Desproges.
En revanche, du coté des blogueurs de la première heure, n'attendons pas de miracle, ils sont tellement obsédés par leurs followers que, même si certains ont toute ma sympathie, ils vont aller dans le sens du poil où rien de dépasse #GenerationPetitsMouchoirs
En attendant le règne de l'humour anar après le désolant règne de la génération Petits Mouchoirs, je ne suis pas Charlie, je ne l'ai jamais été, je suis trop sapiosexuelle (ravie d'avoir découvert ce nouveau mot, merci à celui qui se reconnaitra) pour rire ne serait-ce que deux secondes à des égarements d'anticalotins primaires.
A tous les parents d'enfants et d'adultes trisomiques peinés par la couverture de Charlie : cette lettre du chagrin du Grand Charles résume la tendresse dont l'humanité est capable, et révèle qu'Anne de Gaulle a sans doute eu un rôle majeur dans la construction de cet homme :
« Ma chère Adélaïde, En ces tristes jours où ma famille et moi-même sommes frappés par la douloureuse perte de ma petite Anne chérie, vos mots d’affection et de sympathie nous ont apporté un profond et très sincère réconfort. Vous savez ma chère amie, vous qui avez déjà été frappée par cette épouvantable souffrance que de porter en terre un enfant, à quel point il est difficile d’admettre l’adieu. Dans ma peine extrême je sais que ma chère petite est partie paisiblement. La vie l’a quittée avec douceur pour la conduire là où maintenant elle est l’égale de tous. Malgré la maladie, cette enfant était débordante d’affection pour les siens. Il n’y avait chez elle ni méchanceté, ni calcul, ni faux semblants, aucun de ces traits communs que je rencontre si souvent chez nos semblables. Que ma petite me manquera. Recevez ma très chère Adélaïde mes plus sincères remerciements. Votre dévoué Charles. » Colombey, 16 février 1948.
Je ne suis pas capable de dire "Je suis Charles", je ne le mérite pas. Mais je sais que je ne suis pas Charlie, et c'est un soulagement sans nom.
Je n'ai jamais été Charlie, même si je pense que tuer des saltimbanques n'était pas une manière idoine de montrer un désaccord. C'est le dernier avatar d'une presse destinée à choquer le bourgeois qui disparaît, presse faite par des bourgeois d'ailleurs.Mais il n'y a plus guère de bourgeois.
J'aime particulièrement le style du général, précision dans le choix des mots, rythme de la phrase, clarté de la pensée. Mitterrand n'était pas mal non plus, quoique que je ne sois pas socialiste. Les hommes politiques d'aujourd'hui n'ont pas eu cette éducation classique qui font les beaux discours et les écrits clairs. Nous n'avons plus que des mots insipides dont le sens originel est souvent détourné. Je relisais récemment des discours de Condorcet, Tocqueville et Clemenceau prononcés à la tribune. Mon Dieu, que nos orateurs sont minables. Signe des temps ?
Rédigé par : Le Nain | 10 octobre 2015 à 03:16
Les limites de mon gout pour le style sont résumées par la phrase de Proust : "Le comble de l'intelligence, c'est la bonté". Jamais je n'ai pu admirer François Mitterrand pour cette raison : la sécheresse de coeur, le gout immodéré pour l'intrigue, les scandales très graves (écoutes, amitiés profondes avec des hommes répugnants, suicides en masse chez ses proches, jalousie envers De Gaulle qui l'a poussé à fleurir chaque année la tombe de Pétain et j'en passe). C'est pour moi, carrément, le pire président de la 5e.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 10 octobre 2015 à 11:41
Bien d'accord avec vous Valérie, Vous venez de mettre des mots sur une gêne qui me suivait bien avant les attentats, et qui refait surface avec cette basse couverture. Elle est plus que basse bien sûr.
Rédigé par : Mano | 12 octobre 2015 à 04:09
Je vous remercie. Parfois, j'ai l'impression que c'est vous qui mettez les mots sur les sensibilités que j'aime
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 13 octobre 2015 à 00:12