D'où vient ce mot, à la fois moelleux et râpeux, qui symbolise pour moi l'essence du masculin ? Ce mot à l'autorité tendre et douce, cette invitation à prendre la main... Le crooner. Créature souvent italo-américaine, star du mouvement et donc du désir, puisant dans le sud sa gaieté toute latine, la brusquant avec le rythme des pays neufs... L'anglais est ta langue, quoi qu'on en dise. L'américain, même, que tu peux mâcher langoureusement.
A l'heure où les hommes se gémissent dessus, tu confortes à ta manière optimiste et voyante les codes de la séduction. Je pars sur tes chansons, noyée dans les volutes de cigarette. Tandis que les rockers sont condamnés à un vieillissement de cauchemar, tu traces la route du temps sans contrainte - et pour cause: la tendresse, ton maître mot, ne connait pas les années. Malin, tu sublimes la jeunesse en lui donnant ton héritage : celui de s'accorder sans effort à la féminité.
A l'heure où les hommes, las et fragiles, nous enjoignent à leur faire la cour, tu restes debout, droit dans tes bottes, gardant l'avantage de la générosité et du timing de l'aventure. Tu donnes le la, après, à nous de danser ou non. Tu devrais être cité en exemple à suivre, souple, sentimental, blagueur, coloré et culotté. Meilleur ami de la femme, meilleur mentor de l'homme. Latin de la nuque aux chevilles.
A l'heure où les lions vont boire, je n'écoute que toi. Tu transmets pleinement l'assurance dans la vie, son ambivalence entre brisure et pause, nervosité et sérénité. Tu transmets aussi bien la sensualité, l'érotisme, que la mélancolie. Tu es mon évidence, derrière tous tes masques : ton élégance bienveillante balaie les impuissances, les misérables complexes humains.
Sinatra est le meilleur, certes. Mais pour illustrer tes bienfaits je choisis Bennett. Pour ces deux vidéos saisissantes, tellement explicites de ta force : Tu es âgé, face à une jeunesse marketisée. Mais que ce soit avec Lady Gaga ou avec Winehouse, tu arrives à les transfigurer. Tu les encourages à laisser exploser leur talent, tu mets toute ta lumière à leur service. Cela s'appelle du grand art. Tes yeux pétillent de gaieté et de reconnaissance autant pour ce qu'elles donnent que pour ce qu'elles te donnent. Cela s'appelle le masculin et le féminin rêvés. Et c'est intemporel. Bublé et les autres l'ont compris. Grâce d'homme, ne meurs jamais et laisse-moi aussi... Te sublimer.
Je ne suis pas fan du tout. D'ailleurs, en rédigeant cette réponse, j'écoute Haendel, water music. Une musique qui me parle plus que tous les crooners du monde.
Rédigé par : Le Nain | 19 septembre 2015 à 17:52
Les troubadours du XX sont pourtant irrésistibles... Haendel ne remplit pas tout à fait la même mission !
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 19 septembre 2015 à 20:03