Il est l'heure de faire sa valise, de partir au loin pour alterner repos et découverte. Il est donc l'heure de charger l'engin à roulettes de parpaings de papier - vous parlez à une dingue du net qui appartient malgré tout à la génération "je lis un livre en tournant chaque page, voire en la pliant".
J'emporte du Conroy. Le sudiste y va fort, mais ça marche. J'emporte du lourd. Je trahis la classique planète US/UK/France pour aborder les rives turques avec une certaine appréhension : je ne suis pas sensible naturellement aux écrivains orientaux, à leur dentelle sophistiquée et brouillonne, à leur calligraphie qui s'égare. J'aime l'émotion plaquée à l'état brut. Nous verrons
Lire pour se documenter ou s'identifier à une histoire, lire pour s'évader... deux amies ont écrit cette année des livres aux antipodes, même si elles possèdent un point commun : questionner la notion de racines.
Isabelle Vieville-Degeorges aux éditions Plein Jour parcourt le chemin des étrangers s'installant en France non pour une question de vie ou de mort, mais par choix passionné. Cette passion française s'exprime grâce à un style d'une finesse ravissante et à une faculté d'arriver à s'oublier pour mieux mettre en valeur les autres. Isabelle, qui mêle son propre témoignage d'enfance expatriée en Afrique aux choeurs des voix polonaises, islandaises, japonaises, colombiennes, s'interroge sur notre pays : la France est-elle réelle à l'heure des troubles identitaires? tout est coulant, fluide. Ce court essai n'a rien de sociologique ou d'aride. C'est un témoignage sincère, dans sa candeur et son attention, à l'oeil des étrangers qui nous aiment, au delà de la défiance française, notre sport national.
J'ai un grand remord : j'ai lu ce livre à un moment difficile pour moi et je n'ai pu, sur le coup, dire le bien que j'en avais pensé. J'espère qu'Isabelle ne m'en voudra pas. C'est toujours dur de lire l'ouvrage d'une amie; surtout lorsqu'on écrit. Vais-je aimer, moi qui respecte l'atroce travail de l'écriture, le trac qui saisit lorsque le livre sort? Oui. Sans une hésitation. Le livre n'a ni morgue ni prétention, ni préciosité, ni sensiblerie, ni hystérie. Il est calme, il est doux, il fait du bien... Il surprend et injecte un regain d'optimisme. Je suis Française, je suis vue ainsi? Comme c'est bon, à l'heure où on se flagelle en permanence... Amis qui restez dans notre pays de cocagne, lisez-le. Une absurde fierté vous prendra sans vous enivrer. Grâce au miroir des autres éducations, la notre acquiert une dimension très émouvante. Pourquoi Elle? Pourquoi Nous ?
A vous de le découvrir #GodBlessFrance
Avec Stéphanie des Horts, vous partirez sur des rivages franchement saturés ; Stéphanie annonce la couleur : l'héroïne se consume d'amour pour un aventurier des derniers soubresauts des Indes britanniques avec le double handicap d'être métissée anglo-pakistanaise et d'être trop belle trop jeune. Ce qui ne pourrait être qu'un roman de plage (tourments, richesse, gloire et beauté) vire assez vite au malaise et à une gravité très originale. Dépouillez le livre de ses pierreries et de ses sordides parasites de la gentry d'après-guerre et vous arrivez à l'essentiel : lorsqu'on ne sait pas comment appréhender le sentiment amoureux, on s'esquinte. Lorsqu'on garde trop d'enfance en soi, on en meurt. Lorsqu'on traine dans des univers ou seuls les codes comptent, on s'endurcit au delà du tolérable. C'est un roman qui va du coté de Cukor (La Croisée des Destins) ou Preminger (Ambre)
Les deux écrivains sont des spécialistes de la littérature britannique : chez Isabelle, cela se traduit par un sens très pointu du détail, une orfèvrerie digne d'un tea time, chez Stéphanie, par une sorte de désenchantement cruel.
Alternez les deux ; vous ne serez pas déçus. L'un se lit à petites gorgées. L'autre se dévore. C'est ainsi qu'ils ont été conçus
Bonnes vacances à tous
J'ai beaucoup de mal à trouver des livres qui m'intéressent en ce moment. Le seul que j'ai trouvé est Au pays des sans nom, gens de mauvaise vie, personnes suspectes ou ordinaires du Moyen-Age à l'époque moderne de Giacomo Todeschini chez Verdier. Il m'a l'air d'être d'un bon niveau. Le reste sera des relectures.
Bonnes vacances.
Rédigé par : Le Nain | 03 août 2015 à 15:45