Ma plus vieille amie, celle du collège des bonnes soeurs, m'a demandé : "Tu veux quoi comme cadeau d'anniv ? "
J'ai répondu : "Les mémoires de John Lydon - alias Johnny Rotten". Elle s'est marrée : "C 'est logique. Surprenant, mais logique".
Surprenant, j'imagine : je n'ai jamais été punkette. Logique : ce mec, c'est moi.
Le mot "urgence" a du être créé pour nous. Sa définition du mot rage, c'est la mienne : aller au front.
Nous sommes deux gauchers, deux survivants, deux personnes sujettes à l'épilepsie. L'amnésie, l'insomnie, ça le connait.
J'adorais qu'il ait osé chanter DOS A LA SCENE. J'aime sa précision et son rythme sec. Ce type n'a jamais pu se défoncer, trop peur de perdre ce qu'il a tant ramé à retrouver : la mémoire. Ca rend son énergie encore plus dingue, tendue par sa haine de la fausseté, du flou, du mou et des entourloupes.
J'ai plongé dans sa vie tête baissée. Parfois jusqu'au cauchemar. Je n'ai pas fini, je vais peut être déchanter, mais pour l'instant, je savoure sa jeunesse comme une gosse. L'enfance, la lutte, les parents, l'ado, la voracité, la rue, l'amitié, les premières nanas.
Johnny, c'est l'anti-déprime : pas le temps d'être dépressif. Tant mieux. Je ne comprends pas la dépression. Ce ne sont pas mes habits. C 'est un domaine pour lequel je n'ai pas d'empathie. Je ne sais pas faire, les dépressifs m'ennuient. Cette maladie me dépasse totalement. Je n'ai même pas envie qu'on me l'explique. Ceci dit, on me l'a souvent expliquée alors que je n'avais rien demandé. J'écoutais les plaintes mais c'est horrible, impossible de m'y intéresser. D'ailleurs c'est pour ça que j'ai peur de commencer le Houellebecq. Autant j'ai adoré La Carte et le Territoire (pas de cul, pas de pauvre type qui se déteste, n'aime personne ou mendie un sentiment qu'il est incapable d'éprouver, pas d'optimisme délirant ni de noirceur gluante, non, juste une vision tachiste et mate du pays), autant je crois que je vais devoir m'accrocher pour épouser Soumission et la vision nihiliste d'un quadra nageant dans le terne. Attention, ça ne veut pas dire que je sois insensible au chagrin - je connais - ou à la souffrance, mais la souffrance pour RIEN, c'est au dessus de mes forces. En plus il y a souvent un truc manipulateur avec les dépressifs, un regard qui me fait peur "Viens rejoindre mon état foireux, allez... ". Mon éducation m'empêche de leur dire frontalement "Allez vous faire foutre", mais en fait, c'est ça. Vais-je avoir envie de dire à Michel "Va te faire foutre ? " Suspense.
En attentant - prions pour que Rotten ne tombe pas dans la dépression, je n'en suis qu'au premier tiers - God Save the Queen. Un homme qui aime être au bord de l'effondrement, ça, je comprends. TB. Au bord. Au bord, seulement.
En bonus, une interview de Rotten ici
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