- J'essaie de lire les journaux féminins, mais franchement, quelle nullité ! En 6 secondes j'en fais le tour.
Cet ami ne l'a pas exprimé tout à fait ainsi, parce qu'il n'est pas catégorique. Il l'a plutôt dit sur un mode incrédule. A la façon d'un homme qui essaie de s'y intéresser mais qui n' y arrive, pas, il jette l'éponge devant une telle... vacuité. Les femmes sont-elles toutes des bourgeoises-et-fières-de-l'-être avec leurs petits ricanements, leurs dérisoires désirs de jeunesse, leur coté bande de chipies, leur obsession de la nourriture aussi saine qu'infecte et leur conformisme érigé en valeur absolue ? Parce que oui, si on lit scrupuleusement les magazines féminins, on peut le penser.
Pour défendre ce Grand Ami, tu as raison, on a l'air bien crétines, nous, les femmes, à travers ces paysages marketés qu'on nous impose. Mais, tu sais, les magazines pour hommes ne valent pas mieux... Ah ils sont beaux les minets de GQ et tutti quanti sanglés dans leurs costumes Slimane qui leur donnent l'air de jockeys courts sur pattes, obsédés par les applis, les femmes-trophées, les vacances dans les spas pour perdre leur début de ventre, leur culture générale qui se résume à aller au concert du dernier groupe trendy ou la lecture en diagonale du roman scandaleux-dont-ils-ont-entendu-parler dans leur salle de gym..., ils sont beaux, les petits monsieurs qui rêvent de ressembler à Denisot lorsqu'ils auront 60 piges...
Madame parfaite et Monsieur parfait se tiennent la main sans affect particulier et trottinent sous le ciel des grandes villes françaises ou étrangères l'oeil à peine aux aguets et l'esprit tranquille. Ils sont le coeur de cible de cette masse informe qu'on appelle la presse modeuse. Déjà à l'école, ils étaient ainsi structurés : souvent très bien intégrés, pouvant être assez déplaisants avec celles et ceux qui dépassent, plutôt bons vivants, réguliers et gracieux avec une pointe d'ordinaire. Le fait de ne pas être REMARQUABLES, d'avoir la sensibilité d'un géranium, ils en ont fait une force ; celle de construire un groupe solide, une vraie socialisation qui dépasse les clivages droite/gauche. Du Troca à Oberkampf, de Meudon à Montreuil, ils changent vaguement d'uniforme, la classe sociale tangue un peu, mais la prison de pensée est la même.
Madame parfaite a la silhouette martyrisée par son coach personnel qu'elle refile en gloussant à toutes ses copines. Elle a épousé monsieur parfait, dans un élan de reconnaissance instinctive. Son intérieur a ça de significatif : on n'y trouve pas un vrai livre, sauf les livres pour illettrés : les livres d'art ou de design achetés "pour faire joli". Pas de photos de la famille à l'exception des enfants - les grands-parents font tache dans son nouveau paradis moderniste. Monsieur parfait est au bord du burn out, au bord seulement. Il a parfois du mal à supporter son travail, mais la vision de ses enfants partant s'installer à Dubai ou à Rio le rassérène un peu (oui, même les gauchos pensent comme cela). Il suit la mode comme une bête, même s'il s'en défend (il s'en défend de moins en moins). il s'habille parfois "sportif", plus ou moins consciemment, parce que "ça fait jeune". Il a des produits de beauté mâle, perdre ses cheveux le traumatise. Lorsqu'il s'aventure dans le design, il a des goûts "épurés" - comprenez : il a une terreur de faire une faute de goût, plutôt un appartement ressemblant à une chambre d'hotel que risquer d'avouer qu'il regrette que sa femme ait jeté sa tirelire-cochon.
Il est l'esclave consentant, comme madame, à tout ce qui lui permettra de savourer les dîners entre soi, des vacances entre soi dans un bel élan uni générationnel, des dîners vive le vin à ceux vive le quinoa en passant par les dîners vive nos enfants. Avec madame parfaite, leur rêve déco (attendre 55 ans pour cela) est d'avoir une lounge chair Eames à 6000 boules - la vraie, pas les copies italiennes, nom d'une pipe, je n'ai pas trimé pour une copie ! Avec la table Knoll et les chaises-tulipe Saarinen, c'est le fantasme d'une vie. Madame, qu'elle travaille ou non, est entourée d'une myriade d'amies clonées sur le modèle petits traits pointus-cheveux-longs-j'adule Charlotte Gainsbourg-je fais du yoga-mes enfants sont ignobles avec moi - ça passera- je fume un joint de temps à autre - parce que je suis originale- enfin je pense.
Mais... Monsieur et Madame parfaits ont un regret d'anciens étudiants moyens. Une chose les gratouille, les chatouille : ils savent que si question silhouette ce sont de très bons élèves, question culture générale (cad fantaisie, rêve, faculté de changer d'univers) ce sont de gros cancres. Alors, trottinant main dans la main, ils lisent les journaux de mode, des classiques aux pointus, espérant glaner ici ou là l'aspérité qui leur fait défaut. Et comme les journaux modeux NE PEUVENT PAS LES REJETER SINON C EST LA FAILLITE, ils les flattent à longueur de pages en glissant ici ou là un article au choix croustillant, au choix profond, qui distillera un micro doute dans leurs cervelles : ah oui ? Il faut avoir cela pour être du sérail ? Il faut se trainer à telle expo pour obéir au sacro-saint et ineffable air du temps ? La boucle est bouclée. C'est ainsi depuis... depuis la nuit des temps.
Soyons bienveillants avec les monsieur parfaits et les madames parfaites : à défaut de s'adorer et de former des couples qui donnent ENVIE - c'est rarement le cas -, ils sont souvent de bonne humeur. Pestouillards, peu inventifs, mais de bonne humeur. Eh oui, toute médaille a son revers : c'est chouette, le groupe, mais en groupe, on est moins fantaisistes que seuls ou à deux.
Et puis il y a Historia et Géo pour nous sauver, hein ?
C'est très drôle. Pour les revues d'histoire, que je survole toutes, la mieux faite à l'heure actuelle est le Figaro histoire. J'y trouve la plupart des livres que je vais lire.
Rédigé par : Le Nain | 28 novembre 2014 à 08:45
Vous personnifiez pour moi la passion de l Histoire. Je ne vous connais pas, mais je vous admire de nourrir inlassablement votre passion. Un conseil de livre historique à savourer ? Suis preneuse
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 28 novembre 2014 à 12:37
Tout dépend de votre période préférée. Je vais attaquer le Louis XV de Petitfils, on en dit beaucoup de bien, mais ce n'est pas trop ma période.
Rédigé par : Le Nain | 28 novembre 2014 à 18:56
Je n'ai pas vraiment de période préférée. disons que je fais un grand saut de Rome au Moyen Age tardif , j'aime la Renaissance, j'adore le XVIIe, moins le XVIIIe, et bcp le XIXe. je sais que votre période de prédilection est le moyen âge
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 28 novembre 2014 à 19:49