Papa. Et pudique comme il est, il fera semblant de ne pas le voir. Il parait qu’il ne faut pas dire « mon papa », « ma maman », ça fait commun. Il faut dire « mon père », « ma mère ». Je m’en fous. Je dirai toujours mon papa et ma maman.
Bonne fête, papa. J’ai cherché aujourd’hui une photo de nous-deux dans les archives que j’accumule. Je n’en ai trouvé aucune. Nous sommes une famille d’individualistes, nous ne connaissons pas la photo de groupe. C’est troublant, cela me manque, mais c’est ainsi.
A défaut, une photo de toi qui m’observe, et de moi qui te regarde.
Les époques sont différentes : sur la première j’ai 18 ans et je suis en train de partir de la maison. Sur la deuxième, je suis revenue, 12 années plus tard, et tu m’accueilles.
Nous n’avons jamais partagé la moindre conversation intime. Tu ne connais pas ma sensibilité pas plus que je ne connais la tienne. Nous nous connaissons par des chemins de traverse : tu aimes quand nous allons ensemble chez IKEA – tu adores aller dans cet endroit, sans doute comble –t-il ta phénoménale impatience, ton gout pour la chose acquise dans l’immédiateté. Tu aimes quand je te fais part de projets concrets. A ce titre, tu es mon premier yokeur. J’ai appris qu’à chaque fois que j’ai sorti un livre, tu allais en cachette à la FNAC ou ailleurs harceler le vendeur pour savoir combien il y en avait de vendus. Puis en loucedé tu prenais le précieux objet perdu dans les rayonnages pour le placer en tête de gondole, à la place des Dan Brown.
Ta générosité a peu d’égal – il faut lutter pour la refuser. Tu sais donner… Mais… Tu as du mal à recevoir…
Peut-être que recevoir, c’est dépendre, et que la dépendance te fait peur. Je ne sais pas. Tu aimes les lectures d’homme (Camus, Buzzati, Tocqueville), tu aimes être entouré de jeunes, tu aimes lire de la poésie, surtout Char. Tu adores zapper comme un fou et hurler lorsque tu ne trouves pas la bonne chaîne. Tu manges la nourriture comme tu respires : à vive allure. Tu n’aimes pas les états d’âme ; les minauderies ; les histoires de bonnes femmes. C’est ce que tu proclames parce qu’en fait, tu es bien content lorsque je te colporte un ragot parisien. Ton réseau, je ne le connais pas, tu as toujours eu une répugnance à mélanger famille et business. Le mien, tu ne le connais pas non plus, mais, parfois, je sens que tu aimerais bien le connaître.
Je crois… Je crois que tu m’as passé un peu de ton courage. Ma passion pour le bavardage, de qui je la tiens? Pas de toi, paysan madré que tu es!
Alors, au farouche gardien de ses secrets d’homme, je dis : « Chapeau, merci, et prends soin de toi. » Et je t’embrasse, bien sur, papounet chéri.
J'aurais aimé que cela me fut adressé . C'est touchant , émouvant . Les filles sont plus douces que les garçons avec leur père . Heureusement il y a les petites filles qui émouvantes avec leur grand père . Merci pour ce petit moment de douceur .
Rédigé par : André Joucla | 15 juin 2014 à 18:11
Cher André, je vais vous obéir plus qu'à mon père qui s'en fiche (je sais que vous êtes un chouette sportif) : je file courir pour reprendre un peu de santé et de silhouette.Bonne fête! Plein de bises au Sud-Ouest
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 15 juin 2014 à 18:17
Pourquoi n'ai-je jamais appelé mon père papa ? Peut être parce que je savais dans mon for intérieur qu'il ne l'était pas. De la même façon que je ne savais pas, que je ne sais toujours pas sourire sur une photo.
Fêlures enfouies et recouvertes d'un mince vernis ?
Rédigé par : Le Nain | 16 juin 2014 à 08:53
Des sourires peuvent cacher des grimaces. Et certains vernis sont très, très utiles pour tenir debout, je crois. Ne pas être dupe, sans doute. Mais savoir qu'on est aimé. Ce qui, je crois, est votre cas (j'espère que votre petit-fils se porte bien)
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 16 juin 2014 à 12:19
Il va bien, du haut de ses neuf mois !
Rédigé par : Le Nain | 16 juin 2014 à 17:01