J'aime bien les enfants. Mais je n'aime pas qu'on sache que j'aime bien les enfants

Je joue souvent à la mère indigne qui parle de ses grands comme si elle s'en fichait (ou qui n'en parle pas parce qu'elle n'a pas une passion pour les conversations "progéniture"). C'est un jeu, une posture. J'aime mes petits comme une louve et je tuerais s'il le faut pour eux (d'ailleurs j'ai déjà tué). 

Je n'ai certes pas été une maman parfaite au sens guiliguili gueu gueu, je n'ai quasiment jamais joué à un jeu de société avec eux - je n'aime pas les jeux de société sauf le Trivial Poursuit, normal, je gagne à tous les coups, je connais les réponses par coeur. Mais le soir, quand ils étaient petits, avant qu'ils aillent se coucher, je leur ai inventé un tas d'histoires, jusqu'à ne plus en avoir de salive. Et j'adore, j'adore, même s'ils sont à présent grandets - il faut dire "jeunes adultes"- leur faire de gros hugs. Mais que quand on est seuls, hein, pas devant tout le monde. 

Mon fils aîné me demande encore en rigolant la fin de "Batman se meurt d'amour pour l'Empoisonneuse". C'est vrai, j'avais tendance à partir des Marvels pour y coller une bonne dose de romantisme. 

Tout ça pour arriver à l'émerveillement d'aujourd'hui: Un homme, la quarantaine heureuse, tout de sombre vêtu, se pointe chez YOK avec un énorme bambin dans les bras. Il le pose délicatement sur le sol, comme si cet Hercule nain allait se fracasser sur le parquet. 

Je demande aimablement l'âge du fiston

- 22 mois. 

22 mois... Il doit l'aimer, son chérubin. J'aurais dit 2 ans, pas 22 mois... Il a raison, chaque mois est précieux. Tandis que je réfléchis à la notion de mois, l'homme se tourne vers l'enfant: 

- Hercule, j'aime beaucoup cette table. Et toi?

A nouveau, ahurissement silencieux de ma part: quoi, il demande à son BEBE s'il aime une table à trois zéros? La bonne bouille d'Hercule s'illumine. 

Voyons voyons Valérie, tu es VENDEUSE à présent, un peu de courage, sois gentille avec ce petit... 

Et me voilà m'accroupissant devant le fruit des entrailles, à lui sourire maladroitement, une pensée cynique et mercantile planant dans le crâne (tu vas la prendre, la table, oui?) 

Hercule m'envoie un "Vivi" qui m'atteint au plexus. 

-Guiliguiliguili gueu gueu... 

Comme quoi, il n'y a pas d'âge pour commencer à aimer, je dis bien AIMER le langage enfançon. 

Bon, ils ont pris la table.