Cette phrase est inscrite sur les frontons de la cour centrale du château de Versailles. Je souris. Quelles sont-elles, les gloires de la France ? Ingalls en fait partie sans nul doute, à sa manière déterminée, à son travail acharné en dépit de toutes les atrocités qu’il a dues subir.
Toutes les gloires de la France n’appartiennent pas au passé proprement dit du château. Elles font référence à une salle ouverte par Louis-Philippe lors de la transformation du palais en musée : la galerie des Batailles. C’est ma salle préférée. Un cours d’histoire subjectif et cocardier : point de Crécy, Azincourt, Pavie ou Waterloo dans cet endroit dédié uniquement aux VICTOIRES et aux hommes morts au combat. Cette salle masculine, aristocrate puis timidement roturière, nous parle d’inévitables guerres, d’unité française acquise dans le sang, de tacticiens de génie et d’hommes de l’ombre. A première vue. Sur les murs, des tableaux de boucheries victorieuses, discrètement ponctuées de statues d’hommes morts dans les défaites. Ces statues, comme je les aime. Elles sont le prix de nos réalités. Du Moyen-âge tardif jusqu’à Napoléon, ces hommes émergent avec leurs vêtements d’époque, leurs visages expressifs, leur mystère, leur fardeau. Je les regarde un à un : qui êtes-vous, Hugues Quieret ?
Comme vous êtes joli, Anne de Joyeuse au patronyme aussi féminin que votre délicate fraise Henri III.
Et Henri de La Tour d’Auvergne, dit Turenne, votre buste pensif et éloigné du centre de la pièce ne mériterait-il pas une place de choix, au regard de votre génie tant admiré par Bonaparte ?
Cette salle me fait-elle estimer les frondeurs ici représentés alors que je suis plus Mazarin que Condé ?
Que vient faire la statue du Téméraire au beau milieu de la galerie ?
C’est le plus bel homme. Mais en quoi a-t-il œuvré pour la France, l’arrière-grand-père de Charles Quint, qui n’a fait que chercher chicane au roi ? L’aristocratie française fut-elle courageuse et héroïque ou bien stupide, intrigante, querelleuse et en grande partie responsable de la Révolution, comme je le pense secrètement?
Ils sont là, figés dans le plâtre, sensuels à la Kléber,
austères à la Simon de Montfort
Ils ont sans doute commis des tas d’erreurs. Ils sont morts en pleine bataille. Ingalls les observe avec attention. Si j’étais professeur d’histoire de France, je donnerais mes cours ici. Je ferais assoir mes élèves sur des coussins et nous passerions des heures à essayer de comprendre les époques. Ingalls adore que je lui parle d’histoire. Que je lui raconte des histoires. Ecoute-moi, chéri, toi dont le nom de famille signifie « chicane » en vieux français : il était une fois un pays appauvri par les taxes…
Hugues Quiéret a perdu la bataille de L'Ecluse, fut fait prisonnier et décapité par l'Anglois. Cette défaite est le résultat de son incompétence.
Si mes souvenirs sont bons, la devise de Joyeuse était "hilariter". Il se fit tuer sottement à la bataille de Coutras.
Le chemin de Turenne jusqu'à sa tombe définitive aux Invalides est très curieux. Il fut d'abord inhumé à Saint Denis, sa momie fut profanée lors des évènements de 1793, et exposée dans un musée improvisé durant quelques années où les gens payaient pour la voir. Napoléon le mit aux Invalides.
La statue de Charles le Téméraire ne ressemble pas du tout à ses portraits de l'époque. Son tombeau est à Bruges, et il est fort beau. Il est à côté de sa fille Marie, morte des suites d'une chute de cheval.
J'aime beaucoup Simon de Montfort, infatigable et intransigeant. Il préféra quitter la croisade de 1204, considérant que prendre Constantinople n'était pas lutter contre les infidèles. La légende veut que le pierrier qui envoya la pierre qui le tua fut manoeuvré par des femmes.
Rédigé par : Le Nain | 30 octobre 2013 à 08:22
La situation actuelle m'a donné envie de revoir cette salle. Il faut vous dire que je n'avais pas mis les pieds au château depuis mon adolescence. Je ne regrette pas de m'y être faufilé tardivement. je poursuis mes interrogations françaises. Notre pays durement unifié court-il de risque d'une féodalité moderne, de fronde bis? Le FN est-il le nouveau parti des sans-culottes, avec la Terreur comme conséquence? les 80 bustes représentés ont-ils réellement leur place? En effet, la statue du Téméraire ne ressemble pas à ses portraits, mais c'est curieusement celle de toute la galerie qui, avec celle de Kleber, dégage le plus d'énergie.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 30 octobre 2013 à 11:10
Le FN, c'est Beppe Grillo, un parti attrape tout qui surfe sur l'inconsistance, l'illisibilité et les querelles incessantes d'ego surdimensionnés de la droite classique. Celle-ci est trop gênée par son socialisme atavique pour s'opposer avec quelque efficacité. Après tout, les deux sortent du même moule jacobin, et le FN les suit de près.
Sinon, le musée de l'armée aux Invalides est très intéressant.
Rédigé par : Le Nain | 30 octobre 2013 à 12:10
les egos Le Pen ne sont pas mal non plus dans le genre. De toute façon, pour faire de la politique il faut un ego fort. Le FN est pour moi un parti "communiste de droite", si j'ose accoler les deux mots. Pour l'instant, Marine Le Pen a tout intérêt à ne pas bouger : les journaux font campagne pour elle, ce qui est sidérant.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 30 octobre 2013 à 12:19