Disons-le d’emblée, je me suis terriblement ennuyée à la lecture du livre de Dicker. On m’avait dit : « Tu ne pourras pas le lâcher. » Après une semaine de lecture poussive je salue l’astuce de la fin, mais c’est à peu près tout. Mes reproches ne portent ni sur la construction ni sur le style, mes reproches portent sur la justesse. Le livre est mal écrit ? Oui. Très mal, même. Cela n’est pas si grave, Rowling n’a pas de style et pourtant j’ai dévoré les Harry Potter. Ce qui l’est bien plus : la quasi-totalité des dialogues sonnent faux. Ce qui est pour le coup très préjudiciable dans un roman dont le thème est l’exigence de l’écrivain et son cortège d’angoisses. Le narrateur est à peu près bien servi. C’est le seul. Que la partie Harry Quebert-Nola Kellerman soit inepte, bourrée de poncifs dignes d’un mauvais romancier de romans roses lambda (« elle avait mis le feu à mon âme ») s’explique à la toute fin : c’est en effet un indice majeur dans ce long polar. Mais là où le bat blesse : nous sommes censés être dans un roman psychologique à la Agatha Christie qui radiographie une petite ville et ses étouffants secrets et aucun personnage ne tient debout. Je n’ai pas cru un seul instant au chef de la police, ni à la cruciale patronne du bar, ni au personnage de David Kellerman. Moralité : si vous écrivez un truc construit – ce livre l’est-, vous pouvez écrire avec les pieds, vous pouvez avoir la finesse psychologique d’un calamar, peu importe, vous trouverez votre public.
Passons à présent à Dans mes yeux, la biographie de Johnny rédigée par Amanda Sthers. Très bonne surprise qu’on peut mettre en parallèle avec le livre précédent. Je vous en conjure, ne croyez pas les critiques littéraires qui ont ovationné Dicker et mettent à mal cette bio. Amanda Sthers a réussi quelque chose d’assez difficile : elle s’est « transformée » en Johnny. En évitant les clichés pathos (enfant abandonné par son père et tutti quanti), elle donne avec une très grande justesse de ton la parole à l’idole. On y retrouve les marques de fabrique d’Hallyday : sa profonde humilité, sa sensibilité, son instinct parfait, sa simplicité qui est tout sauf de la bêtise. Les titres de journaux racoleurs nous bassinent avec « Johnny sort son flingue », phrases lapidaires sorties de leur contexte à l’appui. Ah bon ? Pour vous, Johnny assassine ? Eh bien s’il en est ainsi je veux bien être assassinée par lui. Ce n’est pas un livre fielleux. PAS DU TOUT. Il raconte sa vie avec un certain calme. Et au vu des humiliations qu’il a vécues, si c’était moi, j’aurais tué avec bien plus de violence. La plus belle partie, reprise également avec des ricanements parigots dans les canards, c’est sa déclaration d’amour à Laetitia.
- Mais bien sûr… Sthers est une amie de sa femme, Laetitia s’est donné le beau rôle…, murmure la cohorte des envieux et des laissés sur le bas-côté de l’intimité du chanteur.
Il ne vient pas à l’esprit des aigris qu’un couple qui tient depuis 17 ans dans le monde atroce du spectacle a quelque chose de fort. Il ne vient pas à l’esprit des gens qu’une femme comme elle est forcément un être à part. Les pages sur Laetitia tintent d’un son qui évoque l’amour absolu. Ne riez pas, n’y touchez pas. Gardez vos larmes et vos sarcasmes.
Baisers de la pine’up ultra sensible aux fausses notes.
Il faudra sérieusement me menacer pour me faire lire un livre sur Johnny.
Sinon, dans mes dernières lectures, le Jacques Coeur de Heers (qui vient de mourir), Les chevaliers Teutoniques de Gouggenheim, la guerre Russo-Turque 1877-1878, téléchargé sur Gallica, La guerre censurée de Frédéric Rousseau , guerre de 14, ce qui m'a amené à relire Ceux de 14 de Genevoix et les croix de bois de Dorgelès, Les expulsés de Douglas sur l'expulsion des minorités allemandes des pays de l'est entre 1945 et 1948, puis quelques mémoires de la bonne époque dont celles du cardinal de Retz.
Rédigé par : Le Nain | 11 février 2013 à 14:37
Je ne peux rivaliser. Vous qui aimez avant tout les ouvrages ayant trait à l'histoire ou les fictions lorsqu'il s'agit de polars. Genevoix reste-t-il lisible ou a-t-il pris un coup de vieux? Ce qui m'intéresse : lire ce qu'on appelle "les nouveautés" sans a priori (et parfois replonger dans les classiques). Or ce qui m'a frappé dans les deux ouvrages que je cite : le premier, porté aux nues, est assez épate-bourgeois , alors que le deuxième qui avait tout pour être racoleur, ne l'est pas. Mais ne vous méprenez pas : si j'ai des jugements bien arrêtés sur les livres et les films, je ne conteste pas la notion de succès; si une oeuvre marche très bien, ce qui est le cas de "La vérité sur l'affaire Harry Quebert", c'est qu'il y a dans ce livre quelque chose qui frappe l'imaginaire du public et qui n'est pas que du marketing bien fait. Je ne crois pas aux bestsellers immérités, même si certains me laissent de marbre.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 11 février 2013 à 18:43
Genevoix n'a pas pris une ride, dans cet ouvrage du moins. C'est intemporel. Il va falloir s'attendre à une déferlante de livres l'année prochaine, avec du pire comme du meilleur.
Après tout, c'est la dernière fois où la France fut vraiment grande. Elle ne s'est jamais remise de ses terribles pertes.
Rédigé par : Le Nain | 12 février 2013 à 05:44