Ah, la belle comédie légère et pessimiste…
Le Guay a réussi son pari : amener Molière au cœur de notre réalité.
Ne croyez pas les journalistes des canards qui parlent de « charmante comédie de l’ile de Ré », ce film – qui les égratigne bien au passage – a une sourde profondeur. Nous sommes à mille lieues des dialogues de pièces de théâtre façon Le prénom (film que j’ai trouvé aussi caricatural qu’ennuyeux). Le piège principal était là : avoir un résultat artificiel, trop écrit, trop scandé. Mais les dialoguistes ont fait un beau travail : dans la tradition des Carmontelle ou Musset, Le Gay imprime sa morale avec une grande délicatesse d’écriture. Au début pourtant, j’ai craint le pire : Lambert Wilson, drapé dans son ridicule manteau d’alpaga, brushé à la Jean-Pierre Kalfon époque eighties, rendant visite à un Luchini terré dans une maison à la crasse célinienne, je me suis dit : « En avant les clichés, allons-y ». Heureusement, Molière entre vite en scène et deux histoires se croisent en lacis tragiques et élégants. C’est un film bavard, mais bavard avec de belles respirations. Les plans silencieux des hommes à vélo ont un rôle, celui de nous laisser reprendre des forces avant la prochaine joute oratoire. Les acteurs sont remarquables, mention obligatoire à Luchini qui atteint le grandiose à la fin de l’histoire. Wilson, dans un rôle plus fade, est lui aussi parfait. Les seconds couteaux sont très bien. Une seule scène un peu ratée, pour moi : la visite de la maison de l’Italienne avec dispute à la clé, qui sonne faux. Mais la suite est tellement bien vue que je passe sur ce bémol.
Sans dévoiler ni l’intrigue ni la fin, la question que pose Le Guay (et peut-être Molière) est la suivante : peut-on être un bon artiste si on ne sait pas ressentir le sentiment de HAINE ?
Baisers de la pine’up qui a sa réponse et qui a, de loin, préféré ce film à Intouchables ou The artist.
Je vais peut être me laisser tenter. Plus pour Luchini et Molière (évidemment) que pour Wilson, dont je doute un peu (je préférais son père)... Et puis L'ile de Ré en vélo, j'ai craint le gros plan vas-y Bobo, auquel je préfère dix fois Vas- Y Bobet. Mais, bon, peut-etre, sur un coup de tête... En écoutant ton conseil...
Rédigé par : Herve Resse | 24 janvier 2013 à 16:34
Si tu places ce film au dessus de The Artist et D'Intouchables alors je je vais sans doute aller le voir pour Lucchini et Molière !
Rédigé par : Gérard27 | 24 janvier 2013 à 18:49
@Hervé : ce n'est pas du tout un film bobo
- tu connais mon aversion pour le bobo-ou plutôt s'il est bobo, c'est de façon cruellement grinçante contre cette tendance. Wilson est excellent, dans un registre de bonté un peu veule. Il a, plus que Luchini, le sens des silences. Le duo est à ce titre très bien trouvé : à Luchini, l'art du verbe, la diction parfaite - c'est l'acteur français qui possède la meilleure DICTION. Mais Luchini a du mal à meubler le silence, il est moins bon dans les plans muets, jouant moins bien que Wilson les expressions de visage. Les deux acteurs sont donc tout à fait complémentaires. Vas-y, je crois que tu ne seras pas déçu. L’île de Ré n'est qu'anecdotique, cela pourrait être n'importe où au bord de la mer, dans un paysage de plaine (en plus, on ne peut pas dire que le paysage est mis en valeur).
@Gérard : je sais que tu ne vas pas être d'accord, mais que ce soit Intouchables ou The artist, je les considère comme de charmantes petites comédies jouées par de très bons acteurs, mais rien de plus. Intouchables force le trait et the Artist a des tunnels interminables. Fallait-il que la sélection soit mauvaise pour lui avoir accordé l'oscar. Attention! je ne dis pas que je méprise le genre de la comédie, c'est au contraire celui que j'aime le plus. Mais on est loin, très loin de Gérard Oury et de la poésie dans les gags du Corniaud.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 24 janvier 2013 à 19:10
Enfin une critique interessante ! Les pros doivent etre bien fatigués pour etre si peu à la hauteur!
Je partage aussi votre avis sur les 2 films, mais pour The Artist, je pense que c'etait le courage innovant ( pour l'epoque) du sujet ainsi que le tribut au cinema americain qui ont été determinant.
Rédigé par : Katherine Cremieux | 24 janvier 2013 à 22:30
Le problème, pour moi de the Artist, c'est qu'il a été réalisé par un homme qui connait très bien le cinéma américain. Il emprunte à deux films cultes sa trame sans arriver au talon de ces deux monuments US. C'est à la fois, dans l'intrigue tragique, inspiré de A Star is Born (version Cukor), sans qu'on ressente le coté bouleversant de l'histoire d'amour Garland-Mason - The artist ne m'a jamais émue -, et ça lorgne aussi du coté de Singin' in the rain sans sa puissance comique. Du coup, j'ai trouvé ça bien fait mais pas plus. La seule idée originale, je suis d'accord avec vous : avoir réalisé un film entièrement muet, ça, c'était très culotté. Et les acteurs sont très bien. Lui est irrésistible dans ce film (en revanche, je le trouve à chier dans les rôles tragiques), elle est formidable.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 24 janvier 2013 à 23:19
D'accord à 100% Tant sur le film que sur les acteurs!
Et quelle memoire! je suis bluffée car il faut y consacrer bcp de temps.
J.apprecie, c'est plus fin et complet qu'au Masque et la Plume ou Le Cercle!
Rédigé par : Katherine Cremieux | 25 janvier 2013 à 10:12
Ouah, c'est un sacré compliment! J'adore le cinéma depuis l'enfance, et dans une autre vie, j'ai participé à l'édition d'un livre que je vous recommande et qui s'appelle Le dictionnaire du Cinéma de Jacques Lourcelles (éd Bouquins, 1991). C'est ma bible, la base de tout ce que je vénère (ou non) dans le 7e art.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 25 janvier 2013 à 10:40
Bonjour VPV, je sais que c'est dans l'air, mais vous appelez Le Guay, le Gay... est-ce voulu? Je ne le crois pas.
Vivant ailleurs je n'aurais pas la chance d'aller voir ce film, à moins que... il y a une salle à Lisbonne qui ne passe que des films français, mais quelquefois les plus niais!
Rédigé par : adamastor | 25 janvier 2013 à 11:16
Ha Ha! N'allez point y voir une allusion bétassouille, j'ai simplement écorché son nom - qui est LE GUAY - et j'ai ensuite corrigé, sans jamais penser une seule seconde au mot "gay", concentrée comme je suis sur ce très beau film (et sans homophobie, j'en ai marre de devoir me justifier sur cet autre sujet). J'espère qu'il passera à Lisbonne: il ira à merveille avec le style manuelien.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 25 janvier 2013 à 11:25
Bien entendu que c'étyait une boutade de ma part... Vous connaissez donc cette chose rare qui est le style manuélin... J'adore Lisbonne... Si vous y revenez avec Ingalls, faites-moi signe...
Rédigé par : adamastor | 25 janvier 2013 à 22:36
Avec grand plaisir, cher Adamastor, d'autant qu'Ingalls et moi ne connaissons pas Lisbonne. J'ai un beau souvenir à Porto, celui de la plus belle des librairies d'Europe.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 26 janvier 2013 à 11:15
Beaucoup aimé aussi ! Le coup d'oeil furtif et interloqué de Luchini quand Wilson invente une claudication d'opérette...
Rédigé par : Steph | 31 janvier 2013 à 21:00