Vais-je devenir l'Audrey Pulvar des grosses? Vais-je une fois encore devoir être la seule à l'ouvrir pour dénoncer le ridicule de ELLE qui sort la carte "ronde" à chaque fois que le magazine est en mauvaise posture? Après la gaffe "black is exotic", un cataplasme "grandes tailles" et tout le monde est content. A savoir : trois pages de ELLE montrant une superbe plante pour se dédouaner des accusations d'avoir stigmatisé la communauté noire. Pouf-pouf-ELLE-est-un-journal-fédérateur-la- preuve-à-la-rédac-on-tolère-le-hors-norme. On le tolère l'espace d'une semaine et au prochain épisode on reviendra sagement aux à peine majeures-jambes en osselets sapées Prada ou Isabel Marant.
On y reviendra avec l'argument aberrant et soi-disant imparable: un vêtement tombe mieux sur une maigre.
Au lieu d'introduire doucement et insidieusement des modèles de femmes épanouies, les journaux féminins rejouent années après années le sketch one shut "spécial rondes" pour étouffer un débat pourtant vraiment intéressant: celui de la subjectivité des normes.
Ce qui m'horripile: qu'un journal du calibre de ELLE tombe dans ce consternant panneau.
1m68-70 kg, la pine'up ne se retrouve pas dans les pages mode des magazines. Alors qu'à 20 ans, au printemps de ma minceur (je faisais partie des exaspérantes capables d'avaler trois pizzas sans prendre un gramme), je bavais d'envie devant la déesse ELLE, la canonissime Rosemary McGrotha.
Suivie dans les années 2000 de la non moins belle Casta. Avoir du gras. Avoir tout ce qui faut dans l'ivresse de la féminité.
Associant maigreur à mort, le "tu as maigri" m'a toujours fait l'effet d'une menace de cancer approchant. Le bourrelet est ma protection santé, ma brioche de belle peau. Je vieillirai grosse. Je vieillirai sexy pas grosse pute. Et pour l'instant, alors que je me sens totalement banale, ce n'est pas ELLE qui m'inspire une allure ou une silhouette.
Mes codes? A silhouette de bonbon, cheveux de sirène. Lorsque l'ovale de visage se tasse, la crinière adoucit la dureté des mentons mollassons. Après deux ans de dégradé court, je suis en train de passer de Lionel Chamouleau à Lauren Bacall (je ne m'étendrai pas sur l'interminable phase Martine Aubry).
Deuxième truc: la peau mate fait fruit alléchant. Donc brumisateur auto-bronzant en quasi permanence.
Troisième règle (mais j'en ai déjà parlé) : le décolleté en V comme victoire de nénés avec en prime un sous-tif à balconnet pour faire tenir l'équivalent d'une tasse à café aux endroits-clé.
Mon uniforme: pull ample et leggings. Mèche dans l'œil. Rouge à lèvres. Mascara. Pas de bijoux. Pompes et foulards à volonté
Pour le reste... Faites ce que vous voulez, mais rondes comme minces, évitez les niaiseries qui ne sont plus de votre âge (barrettes dans les cheveux, serre-tête fantaisie)
Curieux cette obsession de l'apparence dans notre civilisation. On est comme on est et c'est tout. Notre liberté doit elle souffrir de la dictature du regard des autres ?
Rédigé par : Le Nain | 14 février 2012 à 09:41
Vous me rappelez un débat très intéressant d'une prof d'espagnol pendant un de ses cours (en 3e, je crois). On partait d'une héroïne qui disait dans un texte "soy como soy", je suis comme je suis. Avec ce qu'elle avait vécu, nous, élèves, on trouvait qu'elle faisait preuve de courage. Mais notre professeur y voyait aussi une forme d'immaturité. Je ne suis pas certaine que se délivrer totalement du miroir des autres soit une bonne chose. Même si y mettre une distance est de plus en plus nécessaire.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 14 février 2012 à 11:18
Vous êtes parfois contraint de vous délivrer du regard des autres, sinon vous ne vivez plus. J'en sais quelque chose, plus à mon âge, bien sûr, mais de pas être dans la norme peut être terriblement destructeur, et ce dès le plus jeune âge.
Rédigé par : Le Nain | 14 février 2012 à 12:00
je crois que le travail d'une vie est de se délivrer du regard DES AUTRES, mais de garder précieusement le regard DE L'AUTRE. quant à la norme, elle m'ennuie de plus en plus car elle est excessive. En revanche, LES NORMES (au sens de limites) m'intéressent. Ce qui me frappe dans ces pages modes: on est dans les deux cas dans l'excès le plus total. les journaux sont constellés de filles trop jeunes et trop maigres. Et quand on aborde la femme "ronde", on va tout de suite dans l'obésité. On saute la case "mince" ou "grosse". Et on déguise de jeunes femmes à la limite de l'obésité en pom pom girls, comme si le surpoids appelait une fantaisie de cour d'école cucul et ridicule.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 14 février 2012 à 12:33
Le Nain a totalement raison ! Pourquoi cette obsession de l'apparence justement toujours tourné vers le regard des autres .
Ne suffit il pas de se plaire soi-même d'abord !
Le reste est superflu ...Nos petits régimes?Valèrie ce n'est que pour nous ! pour ne plus avoir à déboutonner le jean à la suite d'une bonne bouffe et peut être un peu aussi pour le regard de chéri!
Dans les magazines de mode ? tout est bon pour vendre.Cela ne me choque pas.
Rédigé par : Elibéran | 14 février 2012 à 13:33
Chère Elib: je n'ai jamais fait attention au regard des autres, c'est peut-être ce qui me sauve alors que j'ai par ailleurs nombreuses fragilités (médicaments difficiles à supporter, santé pas toujours au top). Mais j'ai vu, parmi mes amies, des névroses de développer au contact de ces images déformées. Et cela me désole.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 14 février 2012 à 14:08