Adamastor m'a demandé qu'elles avaient été mes lectures de vacances : un roman fleuve, comme d'habitude. Un roman écrit en 1942 par un écrivain chinois du nom de Lao She, "suicidé" par Mao en 1966.
Quatre générations sous un même toit est préfacé par Jean-Marie Le Clézio et cela n'est pas anodin. Lao She partage avec Le Clézio l'amour du style calligraphique ainsi qu'une méfiance des sentiments exprimés. Le roman se lit avec effort, il n'est pas "prenant". L'histoire débute avec l'invasion japonaise de 1937 - le Mal Absolu pour Lao She. Il raconte la vie quotidienne d'une rue - ou plutôt une impasse- dans le Pékin de l'époque. Lao She est à l'aise dans la minutie, le gout des fruits, les jeux des enfants, l'humilité des gens ordinaires. Il est moins crédible dans l'expression des sentiments, en particulier la méchanceté: les personnages négatifs n'arrivent pas à exister. l'auteur parle bien du désespoir, de la lacheté, des maigres illusions. En revanche les sentiments "forts" (amour, haine) sont maladroitement exprimés. Dans le style comme dans le sujet de l'œuvre transparaît une bonté à la fois très subtile et pataude. On s'attendrit à de brefs moments, on se laisse porter par les innombrables détails qui définissent le sel de l'histoire, une histoire de rue qui ne débouche jamais sur l'horreur ou le bonheur. Je me suis parfois ennuyée à suivre ces personnages pas assez vivants. Mais pour ce magnifique paragraphe il sera beaucoup pardonné:
Il en avait vu de toutes les couleurs dans sa vie et ses petits yeux ne versaient plus souvent de larmes. Pourtant, juste à ce moment-là, il éprouva quelques difficultés à voir clairement ce qu'il avait devant lui. Les enfants pleurent quand ils sont contrariés. Les vieux, eux, quand ils le sont, pensent immédiatement au rapport étroit qui existe entre la vie et la mort, et ils ne peuvent que très difficilement retenir leurs larmes ; quand les vieux et les enfants ne versent plus de larmes, cela signifie que le monde est entré soit dans sa phase la plus paisible, soit dans sa phase la plus terrible.
Baisers de la pine'up qui vous parlera demain de Flaubert ou de Bardot
Ah ... le poids de la Chine !
Quand à Gustave ou Brigitte, ce serait un peu passer du coq à l'âne ...
Rédigé par : Dominique | 13 janvier 2012 à 14:08
Bon, mes dernières:
Le Moyen-Age sur le bout du nez de Chira Frugoni, aux Belles Lettres, sur les petites inventions du MA.
Traité de la justice criminelle de France de Jousse, paru en 1771, téléchargé sur Gallica. C'est passionnant, mais extrêmement complexe, très éloigné de notre justice.
Histoire du viol XVIème, XX ème siècle de Vigarello, parce que vous avez parlé de lui (pas en bien). Bon bouquin.
Rédigé par : Le Nain | 13 janvier 2012 à 15:09
Cher Le Nain, je n'ai jamais lu la prose de Vigarello. je l'ai juste écouté à une conférence-débat lors de laquelle il avait (à mon sens) été très verbeux et assez ennuyeux. Mais combien de très bons écrivains sont nuls à l'oral!
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 13 janvier 2012 à 15:20
Nuls à l'oral, mais parfois avec un style bandant ...
Rédigé par : Dominique | 13 janvier 2012 à 16:13
De Lao She en voyage au Tibet, il se disait "Lao sur la montagne" ...
Un écrivain au style débridé !
Rédigé par : Dominique | 14 janvier 2012 à 01:36
@Dominique. Si vous n'existiez pas... Merci VPV de nous avoir révélé vos dernières lectures.
Moi je continue "La tactique théorique" stratégies et doctrines, un pavé de 700 pages très technique sur "l'art" militaire contemporain, écrit par un ami, c'est mon Clauswitz à moi, et dans le même temps, plusieurs auteurs portugais, car ici à Lisbonne mes amis lusitaniens me sachant amateur m'offrent beaucoup de livres et parfois je n'arrive pas à suivre...
Rédigé par : adamastor | 15 janvier 2012 à 13:01