Hier, il m'est arrivé un truc étrange... J'errais dans le sublime quartier du Marais, en me demandant, comme d'habitude, pourquoi cet endroit me déprimait. La place des Vosges m'a toujours provoqué des malaises, la sensation d'être en prison. "Mauvaises vibrations, pô grave", me serinais-je en remontant la rue du Temple pour arriver à Rambuteau. Suis alors entrée dans la célèbre librairie de Mme Colette. Je cherchais deux livres, Une femme drôle, de Maryline Desbiolles, qui explore la personnalité de Zouc
et Le manifeste Chap de Gustav Temble et Dick Darkwood.
Très gentiment (je bafouille toujours de timidité dans cette librairie), le vendeur m'a expliqué qu'il n'avait plus ces deux livres, mais il m'a parlé de l'ouvrage d'Hervé Guibert, Zouc par Zouc qui venait d'être réédité. Un quidam au regard intense s'est mêlé à la conversation : "quoi ? vous n'avez jamais lu cet ouvrage ? c'est mon livre de chevet ! ". Il avait l'air gentil et allumé. J'ai pris le petit livre des interviews de Zouc par Guibert, puis je suis sortie pour aller déjeuner. Connaisant mal le quartier, me suis engouffrée dans le premier restau venu. Un truc végétarien. Décidément, ça n'allait pas fort. Dans la salle, deux couples grignotaient du boulgour arrosé de jus de cranberries. J'ai balbutié : "le plat du jour, s'il vous plait," et j'ai commencé à lire... Au mot "neige", Zouc dit : "j'avais un excellent contact avec la neige : je me promenais dans les rues à la nuit tombée, j'entendais mes pas. Il y avait ma solitude et moi". La mienne est devenue terrible quand, soudain, un plat malodorant fut posé sur la table, une fondue de poireaux à la quinoa. Je n'ai rien dit, j'ai bouffé ce plat diététique et lourd en jetant des regards affolés à la salle, morne et lasse, toute de noire habillée. Était-ce le livre, qui agissait comme un venin de colère? Je suis devenue complètement barrée dans ma tête. J'ai eu envie de jeter la quinoa sur mes voisins, me rouler par terre, crier ma détestation de ce quartier... "Vite, filons !" a chuchoté ma voix équilibrée. Je me suis précipitée dans un taxi et j'ai demandé, d'une petite voix : "la grand-place de Boulogne-Billancourt, s'il vous plait". Pendant que le taxi roulait, j'ai pensé à mes goûts de petite fille. Enfant, j'aimais les cinglés. Je n'aimais d'ailleurs QUE les cinglés. Zouc me faisait tordre de rire, ce qui est peut-être bizarre pour une gamine. A présent, sa voix me fait peur : je sens que mon côté spongieux n'est pas loin du plus noir désespoir, et que l'équilibre durement gagné peut vite se déchirer. Alors, j'ai fait ma bourgeoise boulonnaise (un concept que Dominique va aimer), j'ai été ressusciter devant le Pathé de Boulogne, j'ai pris un sandwich bien gras chez Lina's et j'ai observé les familles qui couraient dans le froid. Il n'y avait plus moi et ma solitude, il y avait moi, les gens et ma solitude. Personne n'aurait pu déceler mon désarroi, je suis championne du sourire radieux. Ma ville est devenue un baume. Ses franchises (Gap and co) m'ont rassurée. Ses vieilles boutiques ("Au bas prix") aussi. Je suis retournée lentement à la maison, apaisée. Je me suis arrêtée pour claquer la bise au vendeur de la boutique Orange. Ouf, le spleen était derrière moi.
Baisers de la pine'up beurregeoise qui a besoin d'un cadre strict pour pénétrer dans l'univers hurleur de Zouc sans risquer sa peau
C'est si bon d'être boulonnaise
Welcome home Valérie, même si la guirlande de Noël est un peu maigrichonne....
Rédigé par : Anne | 03 décembre 2010 à 13:07
Tu aurais du me faire signe. Je n'aurais sans doute pas réussi à te faire changer d'avis sur le quartier mais on aurait moins pu dégotter un bon boui-boui servant gras.
PS : Un petit moment que Le manifeste Chap me fait de l'œil. En même temps je crains la pochade aussi vite lue qu'oubliée. Tu me diras ce que tu en as pensé ?
Rédigé par : aymeric (local de l'étape et donc probablement du genre bobo) | 03 décembre 2010 à 14:12
Peut-on être bobo et bling blang en même temps ? Vraiment nous n'avons pas des vies faciles... !
Rédigé par : Caritate | 03 décembre 2010 à 14:52
J'aime beaucoup la place Royale, que l'on a baptisé des Vosges parce que ce département fut le premier à envoyer l'impôt. Il y a un parfum d'autrefois, un air de romans de Dumas et de Hugo qui me plaît bien. A la nuit tombée, une fois les voitures éloignées, on peut y entendre en tendant l'oreille le pas des chevaux et le froissement des rapières des duellistes.
Rédigé par : Le Nain | 03 décembre 2010 à 15:10
@Anne :BB forever. @Ay-merci : merci, donc ! Oui, j'aurais bien aimé déjeuner avec un ami et non toute seule, hier. @Caritate : suis définitivement bling blang, version moderato. @Le Nain : c'est amusant, les ressentis. les endroits qui vous appellent d'un :"bienvenue chez moi"... ce ne sont pas forcément les plus séduisants. Je ne suis pas sensible à l'impérieuse beauté de la place des Vosges, je ne sens pas son romanesque, que vous exprimez tb. Je ne saisis qu'une morgue hautaine, grand-siècle, colbertiste, paralysante, glaçante. tant pis pour moi !
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 03 décembre 2010 à 19:36
Valérie: que subodore et insinue tu ?
J'adore Boulogne et son style.
Et j'y ai trop de bons souvenirs.
Grincheux te confirmera (pour certains)
Rédigé par : Dominique | 04 décembre 2010 à 16:48
J'étais sûre que tu avais une certaine tendresse pour BB. et ce n'est pas ironique, je n'insinuais rien (pour une fois)
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 04 décembre 2010 à 18:48
Valérie à BB ; Dominique à Bobo ; j'en reste baba (au rhum) en écoutant Bibi chanter tout doucement.
Rédigé par : Caritate | 05 décembre 2010 à 11:39