La pine'up a du travail : écrivains aux dents pointues, sachez viser juste : le prix à gagner, le plus beau de tous, le plus remarquable est le Goncourt des lycéens. Il couronne TOUJOURS le très bon opus de l'année contrairement aux goncourt/femina/renaudot et autres copinages. Et en 2009 il a fait fort : Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
(Albin Michel) est un mastodonte pavé d'intentions. C'est une surprise, une belle. 700 pages qui se tiennent, rapprochant Guenassia de Pennac pour la reconstitution d'une époque. Les troquets parisiens années 60 ont un goût de fée carabine, mais astucieusement, Guenassia décrit sans totalement les mélanger une famille française lambda et une bande de transfuges de l'Est calfeutrés dans leur café, se livrant à d'homériques et symboliques batailles d'échec.
L'histoire ? sans déflorer ce roman vivant et marqué par une écriture visuelle, c'est la vie d'un gamin d'une quinzaine d'années à l'époque de la guerre d'Algérie, qui traine ses guêtres dans un café après ses cours. Il y rencontre une bande de vieux allumés, anciens ténors des utopies soviétiques passés à l'ouest et mélangeant culpabilité, mal du pays, rage contre tous les despotes du monde, drôlerie et mauvaise fois. Le narrateur, le jeune Michel, va se forger une existence au contact de ces pieds nickelés sans pour autant s'échapper de sa propre vie. La fin... étonnante (mais j'avais devinée lalalalère).
Stop. Je n'en dis pas plus. Sinon que la simplicité du style sert une intrigue très bien ficelée et à triple regard. Un (très léger) bémol : les personnages masculins sont bien mieux servis que les jeunes filles ou les femmes, inexistantes.
Pour moi, le meilleur roman français 2009 et un prix hautement mérité.
En revanche, ne comptez pas sur moi pour aller voir "Alice au pays des merveilles".
Pour 3 raisons : un, Tim Burton n'a AUCUN sens de la couleur ; déjà "Charlie et la chocolaterie"
était d'une laideur abominable, tous ces verts criards, ces violets durs, ces visages blèmes -rien à voir avec la poésie et l'inventivité d'un Dahl sacrifié sur l'autel d'une pseudo originalité. Et pourtant, comme j'avais adoré lire Charlie !
Comme j'avais rêvé me goinfrer de chocolats Willy Wonka ! En sortant de ce film sans joie et désincarné, moi la grosse gourmande j'avais le gerbillon. Quand on compare avec la version de Mel Stuart avec Gene Wilder, on a mal pour Burton.
Deux : les images d'Alice aperçues dans les promos sont affreuses là encore. Je pense que Burton est daltonien.
Trois : je n'ai jamais aimé l'histoire d'Alice. Enfant, elle me rendait mal à l'aise. Depuis que je sais qu'elle a été écrite par un pasteur détraqué, le révérend Dodgson alias Lewis Caroll qui n'aimait rien tant que photographier toutes nues les gamines que la gentry inconsciente lui confiait, je comprends mieux ma gêne.
Alice Lidell,
la petite fille qui a inspiré Caroll, n'a jamais voulu revoir son brave pasteur. Il est vrai que ses photos d'enfance sont terribles. Michel Tournier, grand amateur de chair fraîche, a écrit un texte à la gloire de Caroll qui fait froid ds le dos, s'extasiant sur ces clichés qui auraient auj condamné Caroll à la taule (encore que, pas sûr, il sera plus pardonné aux artistes qu'aux curés).
Il existe des photos d'Alice Lidell adulte. Elle a un regard dur, fermé, d'une grande tristesse.
Pour plus de renseignements lisez l'excellent article de Marc-André Cotton : "Lewis Caroll, un pédophile victorien" dans "la force de faire face à notre Histoire, regard conscient".
Alice, c'est l'histoire d'un dingue qui voulait coller les enfants à sa botte. Ne pas les faire grandir pour mieux les épingler à son tableau de malade. Alice est un insecte qui se débat vers une naissance impossible. Un cauchemar.
Enfants, allez revoir Dumbo l'éléphant volant et autres Pinocchio où la délicatesse de Disney est une ode à la tolérance et un avertissement quant aux dangers de l'enfance.
Mon Dieu (façon de parler !), que ce billet me fait plaisir. J'ai longtemps eu honte de n'aimer ni Alice ni Tim Burton. Avouer cela me faisait passer pour un être sec, sans poésie, qui n'avait rien gardé de son âme d'enfant. Merci Valérie ! Qu'une "pointure" comme vous n'apprécie pas non plus me soulage...
Rédigé par : Caritate | 26 mars 2010 à 18:36