Lorqu'on entre dans l'atelier de Stephanie Streep,
on est frappée par l'atmosphère sereine et ordonnée qui se dégage du lieu. Mince, élancée, yeux clairs et solidité granitique qui rappellent sa Bretagne sauvage, Stef ne se prend pas au sérieux ; au contraire, c'est un plaisir de discuter avec une femme drôle, très structurée et qui rappelle Joyce Carol Oates dans sa façon d'aborder sa vie d'artiste : voici une peintre qui s'est construite une vie comme un costume d'arlequin. Chaque losange est étanche : son mari, leurs enfants, les lieux qui l'inspirent, son travail. Elle accorde aux uns et aux autres leur juste place.
Je lui demande comment elle travaille. A-t-elle des horaires ?
- Pas vraiment, dit-elle, pensive. je ne planifie rien. Seule ma technique ne change pas : je pose ma toile par terre, et je la compose directement sur le sol.
L'atelier est immaculé, les toiles tournées dos aux murs, comme si Stef avait une répugnance à dévoiler ses oeuvres.
Stephanie Streep est une artiste de la matière : elle utilise divers matériaux, algues séchées, ajouts de tissus qui, loin d'apparaître comme anecdotiques, renforcent la profondeur délicate de ses toiles ; importance des couches successives de peinture, construction qui accentue les regards tout en conservant un mystère, nous avons toujours une lecture à deux niveaux.
voici l'esquisse de ce qui deviendra "le cadeau" : le modelé du visage qui, par touches, éclaire la fillette d' une lumière subtile, la douceur jamais mièvre du travail de Stef en fait une portraitiste de premier plan. Elle m'explique : "je voulais garder une sensation de flottement, ce flottement que l'on ressent, enfant, avant d'ouvrir son présent : va-t-on être ravie ? ou déçue? "Cette petite fille aux yeux mi-clos savoure, avec une anxiété mêlée d'espoir, une attente non dénuée d'ambigüité.
La toile, qui vient d'être achetée par un personnage célèbre qui souhaite garder l'anonymat, devait partir à la Villa Médicis.
Stef a donc repris le thème du jouet dans son travail en cours :
La poupée au jupon de tulle garde la rigidité de l'inanimé. Mais le tissu arachnéen apporte à la composition une grâce mouvante : à nous d'y projeter notre enfance.
Stef aborde aussi des portaits tragiques, voire poignants :
Pour finir, une ode à la Bretagne qui coule dans les veines de cette finistérienne à la beauté calme et à la chevelure qui ondoie comme un champ de blé, jusqu'au bas des reins :
Peintre de l'immobile comme du mouvement, Stéphanie Streep est une artiste à surveiller. Notre entretien se termine. Dans un demi-sourire, elle me lance :" j'ai beaucoup aimé "Chronos blues" et ses couples improbables; je trouve qu'il y a du Sagan dans ce roman".
Merci, Stef !
By the way vous pouvez retrouver les toiles de Stéphanie Biville (mais "la Streep", ça lui va bien) sur son blog : http://stephaniebiville.unblog.fr
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