Dans un même magazine de photos on peut trouver une femme entièrement voilée, et en quatrième de couverture une publicité qui reprend le même principe (seuls les yeux de l'acteur sont visibles). Intrigante coïncidence.
D'un côté cette femme de Mogadiscio photographiée par Franco Pagetti en 2008 : la composition est parfaite. Voile blanc en diagonale gauche qui nous pousse vers le centre de la photo où le regard de cette femme est encore accentué par la verticalité de la partie basse de son voile, plongeant en arrondi vers le bas du corps. C'est presque un tableau abstrait, statique, une tisseuse à la Picasso dont on fouille la seule partie visible pour essayer en vain de savoir à quoi elle pense. Le bras en équerre, Joconde moyennageuse, elle se contente de nous fixer. Comment vit-elle ? Quelle âge a-t-elle ? Enigmatique, prisonnière de son anonymat à jamais.
De l'autre, un Steve MC Queen momifié sous ses bandelettes, va prendre le départ au grand prix de Monaco 1974. Anonyme ? certainement pas; ses sponsors (Tag Heuer) s'étalent sur la blancheur de sa combinaison. Concentré, il l'est, avant de filer, libre comme le vent. Les yeux impénétrables de la femme ont fait place ici à un regard expressif, soucieux, méfiant. Steve annonce sa passion à venir : la vitesse. Mais avant de la savourer, il la jauge. Sa montre, énorme et onéreuse, lui mange la main droite.
Ils n'ont pas vécu à la même époque, sont dans des univers aux antipodes l'un de l'autre et pourtant on ne peut s'empêcher de les comparer ; la blancheur éclatante de la star, les nuances de noirs et de bleus qui enveloppent la jeune femme. Ils se protègent, l'un dans l'arène, l'autre au sein de sa maison. Les regards se répondent, angoisse contre résignation. L'un a déjà perdu : il est mort jeune. L'autre vit comme un fantôme dans un monde où sa séduction est limitée à ses yeux.
Se cacher parce qu'on n'a pas le choix.
Se cacher pour se protéger lors d'une course sportive.
Dans l'absolu, se cacher lorsqu'on ne s'accepte pas.
Et lorsqu'on ne s'accepte pas, impossible d'être heureux.
C'est un peu la morale de "Chronos Blues", celle des masques que l'on se fabrique lorsqu'on ne se supporte plus
Quelle énergie scripturale ! Plus aucun sujet n'échappera désormais à votre sagacité : la littérature, la mode, la gastronomie et maintenant l'art ! Je suis admiratif de vos voyages de plume dans toutes ces contrées. Nonobstant sur le regard, j'aurai tout de même creusé l'idée de la profonde humanité qu'il révèle : vous parlez des yeux et très peu de regard. C'est lui pourtant qui retient ces deux figures rattachées à la communauté des hommes et des femmes : ils sont moins des fantômes que des regards qui nous interrogent sur notre propre façon de regarder le monde et d'être au monde. Des yeux ouverts pour affronter la vie, pour affronter la mort, c'est encore l'expression, certes ténue, de la liberté et d'une possibilité d'être : ces deux regards n'ont pas baissé les bras.
Rédigé par : Franck Joucla Castillo Serrano Solana y Segura | 05 novembre 2009 à 05:56
ne pas s'accepter reviens à fuir le réel.en effet on peut être heureux ainsi!
Rédigé par : Linda.S | 05 novembre 2009 à 06:50