Notre société n’arrive plus à digérer et vivre les paradoxes qu’elle nous impose :
Dès l’enfance, les élèves obéissent d’un côté à un enseignement plus ou moins calqué sur le siècle des lumières (maîtrise de la connaissance, politesse, discipline de ses pulsions, humanisme) et de l’autre, les autoroutes de l’information et les media exercent une pression souveraine avec un mot d’ordre : pas d’entrave à la jouissance, consumérisme immédiat, arrogance et provocation érigées en conditions de réussites, jeunes chanteurs/sportifs/acteurs affublés d’une célébrité disproportionnée .
Comment l’enfant peut-il faire le lien entre les efforts d’un apprentissage qui nécessite patience, et l’injonction d’une société qui veut tout, tout de suite ?
D’autre part, comme l’a souligné Luc Ferry, les pays occidentaux ont conquis, à travers les révolutions politiques (démocratie) et sociétales (prise du pouvoir par les femmes) la notion de liberté. Nos démocratie sont libres, l’homme est libre de ses choix, la femme également : choix d’avoir ou non des enfants, choix de divorcer, choix de sa sexualité. Or cette liberté s’accompagne d’un curieux prix à payer : on a remarqué que jamais les dépressions n’avaient été aussi fréquentes et aussi dures que dans nos pays. Dépression, rançon de notre liberté ? Peut-être. Au 19e, toutes sortes de pathologies bourgeonnaient au sein de la société : hystérie, démence, paranoïa, etc. Si les troubles importants du comportement ont diminué, la dépression est devenue le mal du siècle.
Lassitude de tout posséder ? Incapacité à faire un choix à présent que nous le pouvons ?
Enfin, 3e et dernier grand écart, celui de deux courants qui s’affrontent, amplifiés par nos media : le courant « libertaire », issu des utopies 70 dans lesquelles les frontières entre enfants et parents se désagrégèrent pour aller parfois au crime : enfants pris pour des objets érotiques, glorification de l’enfance et l’adolescence comme champ de tous les possibles, etc.
Actuellement les séquelles de ce courant se heurtent, au nom de la liberté d’expression, à un retour en force d’une tyrannie de la maîtrise : celle du corps, qui ne doit pas vieillir sous peine d’obscénité, celle de la pensée (écologisme forcené, prévention névrotique – plus de tabac, gilet jaune au volant, interdits en tous genres, mentalité procédurière au moindre accident)
Et l’individu de se retrouver écartelé entre deux formes d’inquisitions aussi inquiétantes l’une que l’autre: celle qui incite à la tolérance totale au nom de la liberté, et l’autre qui a recours à la force au moindre problème.
A mon sens, les media et les politiques, qui doivent servir de nuancier, sont complice de ce mal être pour les uns (les media), et totalement dépassés par la violence de ces courants pour les autres (les politiques). L’épanouissement de notre société passe par une mise à plat, une moralisation dans le bon sens du terme, c'est-à-dire une morale intelligente pour regarder et faire vivre des générations qui, pour l’instant, sont livrées à elles-mêmes, faute de repères structurants et pondérateurs.
Synthèse remarquable. Il y a, comme toujours, un effet de balancier : trop de tout après pas assez de tout. Abondance mais crise sous-jacente, liberté pédagogique mais retour des règles. Le constat est terrible. Nous, héritiers de 68 même si nous nous en défendons, nous retrouvons l'esprit le plus rigide qui soit puisqu'après avoir couru après notre propre liberté sans toujours la trouver vraiment, nous devenons encore plus répressifs. Bref, nihil novo sub sole mais que proposons-nous à nos descendants ? Quel espoir ? vous opposez très justement l'effort et la consommation immédiate. L'horreur, ce sont les modèles et le mimétisme. Modèles de cette consommation et de ses dignes immédiats, mimétisme car on veut être comme les autres, enfant pour ne pas se faire exclure de la micro-société tyrannique de paraître et de la norme, adulte cat la tyrannie croisée des parents et dezs enfants (éventuels) vous contraint à baisser la tête.
Merci de vos lignes qui font réagir et démontrent qu'une romancière est forcément moraliste - dans l'acception que vous donnez à ce terme.
Rédigé par : Jean-Claude Berline | 12 octobre 2009 à 19:16