Vais-je y aller de mon couplet sur ce qu'on nomme "l'affaire Morano"? Croyez-moi si je vous précise que je n'en avais aucunement l'intention. Mais au vu de ce qui monte comme ripostes et hurlements de tous les bords, je commence à éprouver quelque énervement. Je regarde rarement ONPC, encore moins depuis mon veuvage car : 1 /je sors souvent le samedi soir et 2 /cette émission était un très léger point de friction dans notre couple, François aimant bien se détendre le samedi soir devant, je cite, "la connerie de Ruquier" tandis que je pestais contre ladite connerie. J'avais fini par l'emporter grâce aux séries addictives style Soprano et autres 24h...
Donc, quand j'ai ouvert mon FB, guillerette comme un dimanche pour tomber sur des empoignades sur la notion de race blanche et de tradition judéo-chrétienne, laissez-moi vous dire que j'ai dégringolé de haut. Et que la chute ne s'arrête pas. Comment? tout ça pour ça? Pour une femme qui n'est même pas dans le gouvernement, qui n'a aucun rôle décisionnaire en ce moment et qui profère - MAL - des approximations ? J'avais cité Aron récemment sur FB, et je m'aperçois à la lueur des réseaux sociaux que L'opium des intellectuels est encore plus brûlant que je le pensais. Sauf qu'à présent, on pourrait l'appeler L'opium des analphabètes. Je ne vais pas réécrire les phrases de Mme Morano, je vais juste ajouter un commentaire d'un ami à l'usage de celles et ceux qui, nombreux,visiblement, ne connaissent pas l'histoire du pays. Car mieux on connait son histoire, moins on est raciste, c'est ma théorie. Au passage, je préfère lire les analyses sur les sujets dits "sociétaux" des premiers de classe que celles des cancres, Agnan maitrise mieux ces sujets que Clothaire, nom d'un petit Nicolas.
Pour les plus cultivés : les gens se sont pâmés sur la réponse d'un professeur d'histoire-géo, qualifiant sa réponse à Nadine Morano de "superbe" ou "remarquable". Voilà ce qu'un ami lui oppose et que je trouve fort intéressant:
De tout ce recueil de poncifs, il n'y a qu'une seule chose qui soit vraie : la tradition française est bien catholique romaine, avec quelques inflexions jansénistes ou gallicanes, et nullement judéo-chrétienne, le calvinisme n'ayant que très peu fait souche en France (mais Huguenin ne se demande pas pourquoi, ou plus exactement la raison qu'il en donne n'est pas exacte).
Tout le reste est faux. Je ne parle même pas de la polémique crétine et dérisoire sur la "race blanche" (qui, de façon hilarante, "n'existe pas" tout simplement parce que... "plus personne n'en parle" depuis Hitler !), car personne n'a jamais identifié celle-ci, même pas Nadine Morano, avec l'appartenance automatique au catholicisme.
Simplement, la définition de De Gaulle rappelle que la France, depuis qu'elle existe, est majoritairement A LA FOIS de souche ethnique indo-européenne (caucasienne, comme on dit aux Etats-Unis), ET de culture gréco-latine, ET de religion catholique : il s'agit d'une concaténation de qualificatifs, ou plus exactement d'une juxtaposition totalisante de caractéristiques identitaires, et non pas d'une égalisation synonymique ou d'une neutralisation entre des termes évidemment distincts (tout le monde sait qu'on peut être chrétien et arabe ou noir, en France comme ailleurs).
Mais c'est justement dans l'analyse du rapport entre la francité et la catholicité que Huguenin se trompe : la prégnance majoritaire du catholicisme en France depuis le Moyen Age ne vient pas d'une quelconque dictature d'Etat théocratique dont la révolution républicaine de la fin du XVIIIe siècle nous aurait enfin libérée ; elle vient du peuple français lui-même, qui s'est assez largement constitué, depuis la fin de la colonisation romaine, à travers cette appartenance confessionnelle (raison pour laquelle d'ailleurs Clovis, né "barbare" germain et païen dans la Flandre actuelle, l'a adoptée en 496 pour devenir légitimement le roi de l'ancienne Gaule romaine).
De la même manière, lorsque Louis XIV a révoqué l'édit de Nantes en 1685, il l'a fait, tous les historiens s'accordent à le dire aujourd'hui, sous la pression de la demande insistante de l'immense majorité des Français de l'époque, ce qu'on n'appelait pas encore "l'opinion publique" - et pas seulement de Madame de Maintenon, comme le veut une vieille légende républicaine dont a fait justice depuis longtemps Françoise Chandernagor. Le Roi-Soleil vieillissant n'a jamais été plus populaire pendant son long règne de plus de 50 ans qu'à ce moment-là - en France et dans presque toute l'Europe catholique, du reste.
C'est au contraire l'anticléricalisme d'Etat de la Révolution qui s'est imposé en France, à partir de 1792, au moyen d'une dictature aussi sanglante que brève, organisée depuis Paris vers l'ensemble des provinces de l'ancien royaume (massacres de masse ordonnés par la Convention en Vendée, en Bretagne, à Lyon et dans le Midi, entre autres). Napoléon, en signant avec le pape le Concordat de 1801, n'a fait que se rallier au même réalisme politique qu'avant lui Clovis, Henri IV ("Paris vaut bien une messe") ou, encore une fois, Louis XIV.
Mais je termine surtout mon commentaire par la fin du texte de Huguenin, placée sous l'invocation de la célèbre maxime d'athéisme militant du socialiste René Viviani, la plus révélatrice de ce révisionnisme historique, et la plus importante à mes yeux, car liée directement à l'actuelle crise des migrations.
Si une partie des intellectuels et des hommes politiques de gauche militent aujourd'hui pour l'ouverture totale des frontières et l'extension de la citoyenneté européenne à plusieurs centaines de milliers, voire plus d'un million, d'Arabes et de Kurdes de confession musulmane, rebaptisés "réfugiés" pour les besoins de la cause (alors que la majorité d'entre eux ne le sont pas), c'est uniquement pour réaliser, en France et en Europe, ce que les républicains de la IIe et de la IIIe République ne sont pas parvenus à accomplir au temps de l'empire colonial construit par leurs soins entre 1848 et 1960 : la désislamisation progressive de ces populations, de façon à peu près aussi radicale, même si moins violente, que la déchristianisation de l'ancienne France pré-révolutionnaire (raison pour laquelle les chrétiens assyriens d'Irak ou les Yézidis, populations extrêmement pieuses et précisément persécutées par le Daech en raison de leur piété, sont quant à eux accueillis au compte-goutte, alors qu'ils ressortissent bel et bien du statut de réfugiés politiques).
Car les révolutions arabes, accueillies avec enthousiasme en Occident à partir de 2011, ont échoué à peu près partout ou bien ont avorté avant même d'avoir eu lieu, en Egypte, en Libye, en Syrie, au Maroc, en Algérie - sauf peut-être en Tunisie, mais le compromis qui y a été négocié avec les Frères musulmans est on ne peut plus précaire ; dès lors on va les reprendre et les mener à bien en France, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, aux Pays-Bas, en Autriche, etc, en y important complaisamment les populations arabo-musulmanes qu'on juge apparemment les plus réceptives au modèle occidental.
Pour les moins cultivés de FB qui se sont empressés de mettre des photos de Morano à poil (il y en a un sur mon Fb,normalien, qui vient de poster une Morano porno après avoir qualifié le round gagnant d'Onfray contre les chroniqueurs d'ONPC d'un à vaincre sans péril on triomphe sans gloire ; eh bien, Normale sup' n'est plus ce qu'elle était, nom d'un subjonctif imparfait...), je ne conçois pas, qu'il s'agisse de n'importe quelle femme politique, qu'on la harnache sexuellement pour s'en moquer. Ca vaut pour toutes les femmes, de Morano à Vallaud-Belkacem en passant par Merkel. A croire qu'il existe vraiment des hommes qui n'ont d'autre réponse que leur bite, ce qui n'est guère encourageant pour la pensée occidentale.
D'autant que la réponse la plus lumineuse qui renvoie directement Nadine Morano aux oubliettes vient, j'allais dire comme d'habitude, de Celine Pina, une femme, et une courageuse :
L'occasion de m'exprimer sur les propos tenus par Nadine Morano.
A ce niveau de responsabilité, on se doit d'être conscient des mots que l'on utilise et des représentations que ceux-ci véhiculent. Lorsqu'on occupe ou a occupé de hautes responsabilités, s'obliger à un comportement à la hauteur n'est pas une question de dignité personnelle, c'est préserver la fonction et ne pas déprécier l'action publique. Agir en politique oblige à une tenue et un comportement exemplaire.
L'être humain est faillible, et l'on peut chuter sur le chemin de l'exemplarité. Si c'est le cas et quand c'est le cas, nulle honte à le reconnaître : on peut apprendre de ses erreurs voire grandir en les combattant... En revanche, s'enferrer dans l'erreur par calcul et stratégie, c'est faire passer son intérêt personnel avant le bien commun et c'est de cela que nous souffrons trop.
Nous ne parviendrons pas à reconstruire un monde commun avec des comportements qui réduisent l'action politique à la satisfaction d'ambitions personnelles, au lieu de remettre du sens. De cela les Français ne veulent plus. Et les partis ?
Chère Mme Pina, si vous créez un parti, j'adhère à ce parti. Immédiatement.
Et je clos définitivement ce sujet par un commentaire amical : "Les théologiens de Byzance qui discutaient entre eux du sexe des anges pendant que les armées ottomanes assiégeaient la ville étaient à tout prendre beaucoup moins ridicules que nous."
Dans toutes les convulsions actuelles du monde, il y a en effet des sujets infiniment plus préoccupants que cette minable réflexion sur notre nombril. Et parce que l'époque est inquiétante, il est temps de ne pas se jeter les uns contre les autres et de refuser les arrogances. Toutes les arrogances, aussi bien celles d'une France rance que celles de pseudo-citoyens du monde.