Parfois, on a le sentiment qu'au delà des colères et des jalousies, les gens s'accommodent de tout, au sein de leur solitude et de leurs chapelles politiques. Quelques pincements au coeur, pour celles et ceux qui travaillent beaucoup, des hurlements de rage, pour celles et ceux qui sont condamnés à l'oisiveté. Et nous, Français, avec notre goût pour le bavardage et la conversation, nous crions peut-être plus que les autres. Mais nous changeons moins que les autres. Est-ce forcément un mal, dans le spectre de l'occident malade?
Etre citoyenne française, en ce moment, me plonge dans de beaux tourments. Je n'ai plus de président. Ou il voyage, ou il fait le pitre. Sa dernière provocation : aller au théâtre le soir de la primaire de son parti. Une façon consternante de se moquer de tout, de ne jamais résister à une mauvaise blague, d'une fois de plus abandonner son rang. Il ratera sa sortie, mais il laissera des cailloux. Le PS est mort, il n'a pas résisté à ce quinquennat de cauchemar. Benoit Hamon, qu'Hollande a tardé à féliciter, donne des gages publics aux islamistes des banlieues tout en ayant honte de sa femme et de l'emploi de cette dernière chez LVMH. Il la cache soigneusement au lieu d'être fier de sa réussite, et vit dans un bel immeuble haussmannien sans trop s'en vanter. Mais il y vit tout de même. Qu'en déduire? L'argent, c'est mal, sauf celui dont on profite?
A droite, l'emploi de sa femme accable aussi François Fillon. L'homme de la rigueur s'est fait attraper comme un bleu et plonge dans le lynchage général. Quoi? on va nous demander des sacrifices alors que Madame ne travaillait pas? le plus dur dans cette lamentable affaire : que ladite Madame prenne des jets de haine alors que c'est Monsieur, en l'occurrence, qui a commis la faute. Depuis les révélations du Canard, on se lâche, on tape, on ironise, on conspue. Au delà des déceptions, dans un choeur presque unanime qui, au début était audible, mais depuis ce week-end, l'est un peu moins.
Choeur presque unanime? Presque, seulement. Qui a le plus conspué Fillon? Personne ne s'est assez intéressé aux couleurs politiques de ceux qui le moquent le plus cruellement. Mélenchon a tapé dur, c'est normal, il se réclame de l'électorat ouvrier. J'adore JLM pour son éloquence ample et naturelle, mais ce n'est pas avec ses régimes à base de quinoa, sa ravissante compagne et ses vestes Corbu qu'il séduira son électorat passé depuis belle lurette au vote FN. Lequel FN s'en donne à coeur joie sur le thème "les riches tous pourris". C'est Marine et ses amis qui fracassent le plus FF, sur les réseaux. Et qui grignotent le plus de voix. A tel point que je crois que MLP pourrait passer dès ces élections-ci. Si MLP avait la puissance financière de Donald Trump, pas de doute, elle passerait sans encombre à grands coups de meetings de luxe et de tee-shirts "France apaisée".
Dans ce contexte assez tragique, arrive l'animal Emmanuel Macron. Et là, que se passe-t-il, la presse et la finance se réunissent pour en faire leur petit prince. Un petit prince de bonne fortune, aidé par de très généreux donateurs et par une couverture médiatique sans précédent : temps d'antenne faramineux, couvertures de journaux constantes... C'est si appuyé que là encore, on oublie le peuple. D'ailleurs, entre gens de bonne compagnie, dans le tout sauf Marine, ils s'y prennent tellement comme des manches qu'on a l'impression que Fillon ou Macron, peu importe, on s'en fout, les élites paniquées mettent leur argent au service d'un des leurs sans trop se poser de questions. Jusqu'ici, en dépit de ses appuis un peu bruyants, tout ne se passait pas si mal pour le petit prince. Il a soigneusement évité de taper sur Fillon, lui, et ses amis proches lui ont emboité le pas. Les journaux gauche acceptable n'ont pas été bien méchants envers le candidat des Républicains, à l'image de Libé. Ils ont été softs... Il savent trop bien ce qui se joue sur le terrain... Ce we, nous avons assisté à son premier grand meeting à Lyon. Avec tout l'argent dont Macron bénéficie, je m'attendais à mieux. Ce fut très ennuyeux, assez immature, avec de grosses ficelles de marseillaise et un stupide dérapage sur l'inexistence de la culture française au profit des cultures diverses. Suffisamment pour savoir, à quelques mois du scrutin, qu'un homme qui a été a Bercy durant ce quinquennat que nous sommes tous prêts à oublier ne peut pas se bagarrer contre l'ogre FN, il n'a pas du tout la carrure pour. Peut-être un jour... (j'en doute). Mais pas maintenant.
La campagne présidentielle - on l'a vu aux US -, cela n'est pas une question d'argent ni d'apport de personnes du monde des people, c'est une bagarre de rue. Pour la gagner, il faut porter le flingue.
Alors au delà des critiques, je voterai pour celui qui mordra le mieux sur l'électorat FN. Peu importe ma sympathie pour la personne. J'ai ma petite idée.
On verra. La tentation de jouer aux Javert est si forte qu'elle fait voter FN. La transparence nous l'amène sur un plateau doré. Alors ne jetez pas la pierre à la femme adultère. Sinon je prends sa place et je laverai certains pieds avec de l'ambre et du musc.
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