Mon grand chéri,
Le quart de siècle est là, dans toute sa jeunesse. Né le 6 décembre 1991, tu étais attendu avec passion, comme souvent les ainés. Une mère fille aînée, un fils aîné : quelle place, dis-moi... Combien nous exigeons des aînés, et comme ces exigences peuvent sembler lourdes, parfois. Tu n'as jamais déçu les miennes, même dans les chemins de traverse et les soifs d'absolu qui piègent et qui font mal.
Tu n'aimes pas les compliments, drôle de fils rayonnant et bavard. Rayonnant, avec des sourires fulgurants et des tristesses à présent moins visibles. Pour ton anniversaire, que veux-tu? "Rien du tout, fut ta réponse, vous m'avez assez donné comme cela".
Tu n'as jamais rien voulu, dans les choses matérielles. Tu t'es toujours contenté de peu, voire de très peu. C'est sans doute la défense de celles et ceux qui veulent qu'on les aime pour eux. Et Dieu sait si tu voulais qu'on t'aime... et Dieu sait si tu es aimé.
25 ans... Toujours à la fois pudique et câlin. Et drôle, mais drôle... Et brillant. Si brillant que tout semblait facile, pour toi. Alors que rien ne l'a été. Nous nous parlons si vite, tous les deux, de manière hachée, saccadée et sourde, au rythme parfois fatiguant, souvent la balle au bond, dans ce timing qui nous est propre.
D'immenses yeux noirs, posés sur le monde. Avec une vivacité jamais démentie. Max. Pas Maxime, pas Maximilien : Max tout court. Des hommages familiaux, mais aussi Ophüls... Pour notre amour du cinéma. Tu te souviens du Plaisir ?" - Mais mon ami, le bonheur, ça n'est pas gai ! "
Tes quêtes entières, tes aventures à bras le corps. Partir, partir loin, partir à l'autre bout de la terre pour en fouiller les mystères.
- Mais Max, tu vas voir, ça sera pareil en Australie... L'humanité est la même partout, avais-je tenté de te dire avant que tu ne t'engages durant une année à jouer les détectives privés - véridique - sous les tropiques du Capricorne. Sans blé, sans rien.
- - Alors si c'est pareil partout, je suis perdu, avais-tu rétorqué.
Tu avais raison et j'avais tort. Tu en feras peut-être un bouquin un jour, mon cher littéraire.
Tu as un charme dont tu te fiches, une gouaille dont tu te fiches aussi, une façon si belle de te réfréner tout en occupant l'espace... Je reste souvent bêtement muette devant toi. Le gamin qui voulait qu'on ne regarde que lui est devenu un adulte qui regarde les autres. D'une sensibilité écorchée tu as fait une musique protectrice.
Tu es parti à 18 balais de la maison. Que pouvais-je dire, j'avais fait la même chose. Sauf que toi, tu es allé bien plus loin.
Je ne te manque pas, tu ne me manques pas : la vie est faite pour être croquée avec ardeur. Mais quand nous nous retrouvons, c'est maintenant toi qui prends soin de moi.
Baisers et respect, mon chéri. Le tatouage de l'amour maternel, ça vaut bien le trèfle irlandais sur le flanc, nom d'un BOD ou d'un O'Gara. Ou d'un John Ford. Et celui de l'amour filial vaut tous les tatouages.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.