Longtemps le mot "vacances", je l'ai détesté. Je l'ai tellement détesté que c'est en vacances que j'ai fait le plus de conneries. Lorsque je dit conneries, je pense à des choses douloureuses.
A présent, comme les gens dont les blessures se transforment en cicatrices, "vacances" signifie plutôt ne rien faire du tout et tenter de profiter simplement de la gentillesse des autres. Ce qui est en soi un délicieux effort. Je n'ai rien fichu; pas écrit une ligne; pas consulté un site de design; une méduse.
Mais le royaume de l'inertie touche à sa fin. Comme d'habitude j'ai été heureuse lorsque j'ai été entourée- j'ai passé les vacances à analyser ce mot-là. L'amitié n'est pas quelque chose de naturel pour moi. J'ai un syndrome un peu bizarre: lorsque je rencontre une personne qui me plait, ce plaisir est si intense qu'il peut désarçonner l'autre. Je vais trop vite en sympathie; elle déborde, elle sublime, elle allume violemment les spots de la complicité. C'est pour ça que je suis douée pour l'amour, mais pas très douée pour l'amitié. L'amitié, ça prend du temps. Cela s'apprivoise- un mot qui n'appartient pas à mon vocabulaire. L'amour aussi s'apprivoise, mais pas de la même manière. L'amour repousse vite les frontières du quant-à-soi.
C'est un nouveau défi que je me suis lancée cet été : apprendre à être douée pour l'amitié. Quitter la magie du duo pour celle du groupe. C'est très difficile, tant j'aime le dialogue à deux. J'essaie. Je comprends, très doucement, que ce n'est pas une question de "place"; j'ai renoncé depuis un bail à trouver la mienne. C'est une autre forme d'empathie, de rythme, de concentration. Comme s'il fallait que j'ouvre les champs des influences tout en acceptant de me réfréner un peu... Virtuellement, je sais faire, Facebook est ma petite réussite amicale. Dans la réalité, c'est plus complexe. Dans le groupe, j'oscille entre absence et ardeur. Oui, c'est presque une question de respiration... la respiration à deux est évidente pour moi. La respiration à plusieurs engendre encore des cacophonies. Mais je crois que je fais des progrès, j'arrive à quitter la planète de la fusion pour aimer celle des tablées qui braillent leur joie. Finalement, c'est comme le premier jour d'école, lorsque le coeur s'emballe à l'idée d'être acceptée par les nouvelles de la classe. Et, incrédule, se rendre compte que si le chiffre trois est désastreux dans les rapports humains, après, on ne compte plus...
Pendant ces vacances, je n'ai pas compté. J'ai découvert une famille sur une ile. Elle m'a donné son charme, je me suis laissée porter par sa générosité. Se laisser faire... j'ai découvert que ma gaieté, parfois théâtrale, pouvait ne pas gêner. J'ai découvert qu'on pouvait, dans le groupe, ne pas être jugeant envers les extraverties. Une personne, une seule, m'a permis d'être moi, dans le passé. Elle me manque tous les jours. Alors... ne nous embarrassons plus et osons être... soi. Dans la réalité.
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