Il existe une pièce inexplorée chez moi: mon bureau. Depuis des années je n'y travaille plus du tout, préférant, telle une bonne élève, écrire dans la cuisine. L'heure d'été (contrairement à GG, j'adore le changement d'heure) vient de changer la donne: il est temps de retrousser les manches, d'entrer dans ce bric à brac du passé, de faire le tri et redonner à cet endroit son lustre d'antan, remuer aussi des écrits personnels que je me passerais bien de relire. Je garde beaucoup de choses - trop- que j'empile sur de solides étagères. Si les albums de photos sont sacrés, bien des magazines, livres et bibelots poussiéreux méritent l'épreuve du feu. Or, au moment de jeter un objet obsolète je suis prise d'une invraisemblable superstition: si je l'ai acheté, c'est que je l'aimais cet objet, et si je le basarde, il va m'arriver malheur... cette pièce archéologique me donne le vertige.
Courageusement, une sueur glacée me coulant dans le dos, j'ai rempli sept sacs entiers de revues que je gardais "pour les soirées d'hiver"... Et que je ne relis jamais au coin du feu. Beaucoup d'ouvrages de décoration (d'où la note sur les pastels), des piles de travail de réécriture, des lettres jaunies...
Que garder? Ma collection de bibliothèque verte, évidemment. Sans Alice et autres Bennett je n'existe pas. Et ces guides de voyages qui se démodent d'années en années? A la poubelle? Oui, mais... il me rappellent tant de bons souvenirs... Cet échange de mails avec un obscur écrivain américain, j'en fais quoi? Ces deux (hideux) masques africains? Si je les donne, ils vont me maudire. La pièce tourne, maléfique, elle se cogne à ma mémoire moins structurée qu'avant. Avant quoi? C'est épuisant, les souvenirs. Et puis soudain, cette collection de livres "doudous". Ceux que je garde depuis les 20 ans et que je ne donnerai jamais. Les Nancy Mitford, l'intégrale Simenon, les vieux Chase couturés, les Elisabeth Bowen et Barbara Pym, La cuisine est un jeu d'enfant, une bio de Goscinny, le 5e tome des Rois Maudits (où sont les autres?) qui jure dans l'écrasante prédominance britannique qui hante ces étagères... Terribles Anglais : ils ont Shakespeare, les bougres, ils ont tout.
Faire place neuve, pourtant. Pour gagner en curiosité ce que je perdrai en racines culturelles. Faire place neuve pour accueillir les créations de demain.
Baisers de la pine'up l'imagination aux aguets et la mélancolie persistante
Je vais vous inviter cez moi, j'ai huit bibliothèques bourrées de livres, plus deux placards et la cave, et je ne parle même pas des piles sous le lit.
Rédigé par : Le Nain | 03 avril 2012 à 18:46
je me reconnais dans ce billet...!! Bon courage pour le rangement. Me séparer de bouquins, de bibelots, de magazine etc...un stress permanent car je veux TOUT garder. SUPERSTITION me voici, me voilààààà. Je me suis calmer dans ma folie d'acheter des babioles. Mais question livres... IMPOSSIBLE de me calmer. Quand je le peux, je n'hésite pas. Et même si la tva sur le livre est passé à 7%, cette folie là je me la garde.
Rédigé par : Linda.S | 03 avril 2012 à 19:29
Cher Le Nain, je n'ai Que 4 bibliothèques -dont une géante, plus, moi aussi, une cave bien remplie et un lit avec un sous-sol appétissant. Une amie un jour de déprime a donné tous ses livres, ne gardant que les pléiades. Moi, je fais l'inverse: je donne les beaux livres (je suis incapable de lire dans la pleiade) et je garde ceux que j'ai déjà massacrés (chez moi, une tache de beurre sur un livre est très bon signe). A linda: la lecture est un plaisir tellement merveilleux!
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 03 avril 2012 à 20:29
"... l'écrasante prédominance britannique qui hante ces étagères ...": quoi de plus normal au pays de la livre !
Vous m'inquiétez avec vos caves dévoyées ...
Par Bacchus, où sont les boutanches ?
Rédigé par : Dominique | 03 avril 2012 à 22:02
On voit bien que vous n'êtes pas des geeks : on peut acheter aux environs de 120 euros une liseuse de 213 grammes capable de contenir 3 000 livres. Ah, les vieux, avec leurs habitudes poussiéreuses ! Et pourquoi pas écouter les Grosses Têtes sur un poste de TSF à galène ?
Rédigé par : Grincheux Grave | 04 avril 2012 à 11:10
Un peu de respect, je suis née au siècle dernier! J'ai fait de gros efforts pour me convertir aux technologies actuelles, mais la lecture sur écran ne convient pas à mes gènes du nord (yeux clairs, menace de glaucome et crainte de les fatiguer).
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 04 avril 2012 à 12:23
J'ai des livres gravés sur des CD, environ 2000 ouvrages téléchargés sur Gallica, des ouvrages aujourd'hui quasiment introuvables et libres de droits que je lis sur un portable acheté 50 € d'occasion.
Mais rien ne remplace la volupté de la page que l'on tourne, de l'odeur de l'encre ou de l'odeur du temps qui a passé pour les livres anciens.
Rédigé par : Le Nain | 04 avril 2012 à 17:53
Jamais la liseuse électronique ne procurera l'éventail des sensations à la réouverture d'un livre, après 20 ans de coma poussiéreux sur une étagère.
Le souvenir de l'achat (l'étiquette autocollante de la librairie de la Baule, encore en Francs, et oui ça me rappelle le minois de la jolie libraire..) l'odeur indéfinissable de poussière, pénétrante et amicale, mêlée de vieux bois tanné que dégage le papier, ce papier devenu un soupçon jaunatre, un tantinet friable. La page que l'on a cornée. L'annotation au crayon gris dans la marge. Le signet avec un ticket de caisse (le repas au restaurant, le lendemain soir avec la libraire susnommée)... ou encore la pensée-fleur qu'elle nous avait offert, que l'on a momifiée entre deux pages, et qui est devenue une ... pensée.
steve jobs est un voleur de souvenirs. ;)
Rédigé par : shimrod | 04 avril 2012 à 17:58
@Shimrod : jolie chute... et je ne suis pas loin de le penser... Peut-être faut-il accepter de se faire voler, pour mieux rebondir.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 04 avril 2012 à 20:29
choisir un livre dans une librairie, prendre le temps, lire la premiere page et se dire "oui, celui-là"et craquer encore sur un autre.Lire à nouveau un vieux livre et y retrouver une carte postale qui a servi de marque page.........comment peut on préferer le netbook???ma fille se sert des encyclopédies Quillet achetées par ma maman lorsqu'elle était étudiante dans les annéees 1955, c'est comme les photos tirées sur papier, c'est irremplaçable.
Rédigé par : isa | 05 avril 2012 à 14:26
Chère Valérie,
Surtout, ne jetez pas vos Bibliothèques Vertes et Roses !!! Pourquoi ? Je vous encourage fortement à lire l'article suivant..
http://celeblog.over-blog.com/article-le-club-des-5-et-la-baisse-du-niveau-85677083.html
Rédigé par : Elolili | 05 avril 2012 à 14:33
JAMAIS je ne jetterai mes collections vertes, roses, rouge et or, idéal bibliothèque etc. JAMAIS. Quant aux mauvaises traductions actuelles, cela ne se limite pas aux livres d'enfant. Les nouvelles de Somerset Maugham viennent de subir un outrage irrémédiable dans leur version "compilation" (je ne sais ps si c'est dans la collection Bouquins ou Omnibus, mais le résultat est affligeant). J'ai d'ailleurs remarqué que les compil "auteurs étranger" étaient en général affreusement mal traduites.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 05 avril 2012 à 17:13
Euh, Monsieur Shimrod, y'aussi des vendeuses d'électronique !...
Rédigé par : Dominique | 05 avril 2012 à 19:39
Ce n'est pas le mystère de la chambre jaune que tu décris c'est celui du bureau aux couleurs pastels.
C'est vrai que l'on ne se débarrasse pas de livres aussi facilement ! On les range dans une vieille malle .
Rien ne vaut le toucher d'un livre qu'on a lu et aimé jadis .
Rédigé par : Elibéran | 06 avril 2012 à 09:38