Une envolée de cheveux blonds. Une voix bourge, narquoise et mal posée. Une démarche extraordinaire. Un visage de mutante. Un choc de splendeur. Bardot a été, littéralement, la plus belle femme du monde. Dans un pays où les stars ne sont pas légion, rendons à César ce qui lui appartient : cet OVNI a influencé la vista de toutes les femmes et le désir de tous les hommes. De Darrieux à Deneuve l'actrice estampillée française possède un je-ne-sais-quoi de terrien qui l'empêche d'être inatteignable. Les Français sont peu sensibles à la beauté du diable, la vraie beauté affolante : séquelles de notre côté "l'harmonie avant toute chose", nous aimons l'allure "chic" (Deneuve), la femme soignée (Morgan), la drôlesse (Arletty), la bobo (Charlotte Gainsbourg) mais pas celles qui sortent du lot A CE POINT-LA. Et Bardot l'a payé au prix fort. En revanche les étrangers ne s'y sont pas trompés, eux qui la sacrèrent reine de l'univers.
Marie-Dominique Lelièvre lui consacre une très bonne biographie : Brigitte Bardot plein la vue (éd. Flammarion).
Cette journaliste dont la plume m'évoque celle de Catherine Rihoit (une de mes écrivains-chouchoutes, il faut redécouvrir ses romans comme ses biographies) assume crânement son admiration: Bardot, peu importent ses foucades, ses cruautés, ses déclarations aussi fougueuses que pitoyables, elle l'adore. Pour le meilleur et pour le pire. L'angle le plus intéressant -et novateur- de ce livre: démontrer à quel point Bardot est une pygmalionne, pas une créature modelée par les hommes ou par un milieu. Ce n'est pas Vadim qui a créé Bardot mais bien l'inverse. Vadim n'existerait pas sans Bardot, ce ne sont pas ses petits films datés qui font rêver ; ils ne sont rien sans la présence de sa divine épouse.
Une scène assez amusante dans cette biographie décrit la rencontre entre Lennon et Bardot: lui, très impressionné (Bardot est l'ancêtre de Kate Moss et Winehouse et a marqué au fer rouge l'esthétique des petites Anglaises), a avalé un acide avant de se rendre au déjeuner au cours duquel, ne parlant pas un mot de français, il se contente de hocher la tête en répétant "Hello" d'un air stupide.
Cette biographie montre aussi combien Bardot a été une femme d'affaire avisée, ce que je ne savais pas: très tôt elle a géré son image en paysanne madrée et peut vivre assez confortablement sans dépendre des autres.
Lelièvre insiste sur le mariage Bardot/Gunter Sachs: je suis d'accord avec elle, c'est pendant cette union que Bardot a été à son firmament de beauté. Par ricochet j'ai toujours trouvé cet homme classe, sexy. Son suicide l'an passé m'a un peu serré le cœur. Ce couple...
Éloignons-nous un instant de ce livre que je recommande, comme je recommande celui de Catherine Rihoit, Brigitte Bardot Un mythe français.
Quelle est MA Bardot? Ma Bardot n'est pas très bonne actrice, je n'aime ni son jeu, ni sa voix. Ma Bardot est d'une intelligence stupéfiante, elle est presque trop intelligente pour jouer la comédie. Je pense que c'est une des raisons pour laquelle elle s'est arrêtée si jeune: elle savait qu'elle n'avait pas le prodigieux talent comique d'une Marilyn, bien qu'elle possédât la même intensité de présence. Ses films ne sont pas intéressants, Mépris compris. BB a une tendresse pour L'ours et la poupée et on la comprend: c'est son registre. Ma Bardot est née pour choquer. Ma Bardot n'est pas plus dominatrice que dominée: elle est l'égale parfaite de l'homme. Ma Bardot a déterminé ma conception du sexe: il doit être solaire et joyeux. Ma Bardot transfigure les hommes. Ma Bardot a la plus belle démarche du monde. Ma Bardot a jeté sa beauté en pâture et se fiche de son âge d'une manière incomparable.
J'ai eu la chance de la croiser dans les rues de Saint-Tropez il y a une quinzaine d'années: femme fanée, elle gambadait comme Bambi. A l'arrêt: une vieille dame. Dès qu'elle marchait: une fée. Catherine Rihoit a bien raison de dire que les stars du désir sont les stars du mouvement (Elvis, Marilyn, Bardot...)
Il y a une Bardot que je ne veux pas voir. Plus encore que ses déclarations débiles et réacs (et pourtant je suis certaine qu'elle est tout sauf raciste), les horreurs qu'elle a racontées sur son fils dans son autobiographie me dégoutent. Mais Marie-Dominique Lelièvre, sans l'absoudre, souligne que cette piètre mère a difficilement pu être autre chose à cause de l'hystérie qu'elle déclenchait.
A cette créature qui a démontré - ô combien! - qu'on pouvait être sexy avec goguenardise: je vous tire mon chapeau, Madame. Et je reste persuadée que vous payez vos ratages avec l'honnêteté qui vous caractérise. Dépression comprise.
Baisers de la pine'up je l'aime moi non plus
Ps: je n'ai jamais aimé la version Gainsbourienne avec Birkin, voix de petite fille initiée et extatique. Mais dans cette chanson et cette chanson seulement, le phrasé trainant- presque blagueur- de Bardot fait merveille.
PPS: la marraine de ma fille a produit un documentaire sur Bardot. La marraine de ma fille est une Bardot maternelle. C'est une de mes plus belles amies. Oui, Bardot n'est jamais très loin...
J'ai suivi Samedi dernier (On n'est pas couché) l'interview de MDL et l'analyse critique de son livre par les deux "donzelles" pas toujours très tendres. Ton analyse est plus directe et donne envie de le lire. Pour moi et beaucoup d'autres provinciaux de ma génération Bardot constituait un fantasme notamment après la Jument verte.
PS
Pour la chanson Bardot/Gainsbourg il se dit que les deux,victimes de l'amour passion, s'étaient enfermés dans le Studio pour l'enregistrer aussi vraie que nature; ce qui provoqua l'ire du mari.
Rédigé par : Gérard27 | 14 janvier 2012 à 20:48
Je crois que l'étreinte en studio est une légende, comme tant d'autres. Et Sachs était loin d'être un mari fidèle... Lelièvre parle de l'idylle Gainsbourienne comme d'un amour sans lendemain, Bardot le jetant au bout de quelques mois. En revanche, c'est Sachs qui a quitté Bardot. Et cela l'a plus meurtrie qu'on le croit, à l'époque. Pour la critique des donzelles, ça ne m'étonne pas...
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 14 janvier 2012 à 20:54
"Plein la vue", ce titre ne trahirait-il pas lui même un sentiment de superficialité ?
Rédigé par : Dominique | 15 janvier 2012 à 02:54
Une superficialité triste: Lelièvre se désole en sourdine qu'une femme aussi douée se soit autant gâchée. C'est le lot de certains enfants trop gâtés. Bardot fut cependant admirée par Yourcenar et Beauvoir, sans conditions. Et sa superficialité, elle l'a tant payée qu'elle n'existe plus.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 15 janvier 2012 à 10:38
DE fait je dois être de mauvaise foi, hormis dans un film avec Jean Gabin, je l'ai jamais vue à l'écran (et je ne parle pas de celui de ses crèmes solaires ...).
Mais intuitivement, cela ne me manque pas.
Et Vadim (collant ?) non plus.
Rédigé par : Dominique | 15 janvier 2012 à 10:45
Celle qui nous a fait fantasmer lorsque nous étions jeunes ! C'était une belle femme ! De Gaulle avait dit que BB faisait rentrer plus de devises en France que n'importe quelle industrie !
Rédigé par : andré joucla | 15 janvier 2012 à 11:38
@André: le général avait raison, Bardot a été de symbole de la France (et des Françaises) ; son influence esthétique a été considérable, y compris dans les devises. On peut se passer de ses films ( vraiment pas terribles) on peut se passer de ses méchancetés, mais on ne peut pas faire l'impasse sur son retentissement. Je ne lui vois qu'une seule héritière - ce vieux filou de Gainsbourg l'avait aussi décelé : Vanessa Paradis qui a, comme BB, un visage qui ne ressemble à personne, ce petit quelque chose en plus, cette marque de fabrique des personnalités à part.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 15 janvier 2012 à 15:57
Gunter Sachs, un homme en or tel Goldman Sachs ?
Quoiqu'il n'était pas de la dynastie des Saxe-Cobourg ...
Rédigé par : Dominique | 15 janvier 2012 à 19:55
Tout bien réfléchi, puisses-tu accepter que j'ai plus été créé par Georges Brassens et même Jacques Brel ?...
Ton titre quelque peu péremptoire me rappelle Grincheux et ses notes semestrielles récurrentes telles que "Vous dormirez une heure de plus" ou "Vous dormirez une heure de moins" !
Rédigé par : Dominique | 16 janvier 2012 à 00:07
Le titre est une boutade en référence au titre du film de Vadim , pas autre chose.
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 16 janvier 2012 à 00:19
Damned, j'avais pas trop "tilté" (sauf à la première lecture bizarrement, puis plus du tout aux suivantes) n'ayant pas vu le film ...
(même si j'en connaissais le titre).
Bon, mais et Gustave ?
Etait-ce soit Flaubert ou Bardot soit Bardot puis Flaubert ?
Rédigé par : Dominique | 16 janvier 2012 à 08:18
Cette femme est pour moi terra incignita. Je ne me souviens même pas avoir vu un de ses films.
Bon, je n'ai pas vu non plus la grande vadrouille....
Rédigé par : Le Nain | 16 janvier 2012 à 17:44
Le Nain, vous êtes vraiment un ours
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 16 janvier 2012 à 17:58
Oui, c'est d'ailleurs mon surnom dans la famille...
Rédigé par : Le Nain | 16 janvier 2012 à 18:43
@ Le Nain: brun de surcroît ?
Rédigé par : Dominique | 17 janvier 2012 à 01:18
Des cavernes, Dominique, des cavernes !
Rédigé par : Le Nain | 17 janvier 2012 à 05:24